Modélisation de la CompleXité
Programme européen MCX
"Modélisation de la CompleXité"

Association pour la Pensée Complexe
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Note de lecture

Rédigée par J.L. Le Moigne. sur l'ouvrage de BOLLE DE BAL Marcel :
« Voyage au coeur des sciences humaines. De la Reliance. Tome I : Reliance et théories ; Tome II : Reliance et pratiques »
     . Ed. L'Harmattan, Paris, 1996. T1 : 330 p., T2 : 340 p.

(voir aussi un commentaire plus développé par M. Lany-Bayle, cahier de lecture suivant)

"... Il y a des mots qui entrent dans un vocabulaire... épisodiquement, voire par effraction. Puis... on se dit -tiens, voilà un mot qui me convient bien-. C'est comme des virus. Une fois qu'ils sont rentrés, qu'ils trouvent le chemin favorable, ils se multiplient... C'est ce qui s'est passé pour moi... avec le virus -reliance-... Il me vient de plus en plus souvent en bouche ou sous la plume, ce qui signifie qu'il a trouvé un terrain favorable et se multiplie comme un virus" (p. 321). De quelques quarante textes que M. Bolle de Bal a rassemblés autour du concept de "Reliance" qu'il avait introduit il y a une vingtaine d'années pour exprimer initialement la complexité du lien social ("l'acte de relier et de se relier et son résultat"), celui d'Edgar Morin est peut-être celui qui nous aide le mieux à "assimiler ce nouveau schème" dans nos langages et nos cultures : l'image du virus qui se multiplie en terrain favorable. "Cette notion de reliance, j'en avais besoin : cela me parait de plus en plus évident...", ajoutera E. Morin. Et ses lecteurs tout autant ! On se souvient que c'est en reconnaissant dans "la stratégie de reliance" une démarche privilégiée de la modélisation de la complexité, que la cinquième Rencontre MCX d'Aix-en-Provence s'était presque spontanément organisée. Et notre joie avait été grande de pouvoir alors accueillir Marcel Bolle de Bal dès l'ouverture de nos échanges. Celui-ci nous avait alors annoncé la parution imminente de ce riche travail collectif sur le concept de "Reliance", travail que nous pouvons désormais méditer à loisir. Son titre "Voyage au coeur des sciences humaines " est peut-être un peu restrictif et risque de dissuader bien des lecteurs potentiels qui font profession de ne s'intéresser qu'aux "sciences inhumaines" (qu'ils appellent "dures") et qu'ils veulent "délier" des sciences douces. Pourtant, en convenant avec E. Morin qu'il nous faut passer d'une "théorie de la reliance restreinte" à une "théorie de la reliance généralisée (reliance de la science et des citoyens, reliance des citoyens entre eux, reliance des connaissances séparées...)", M. Bolle de Bal ouvre largement le champ épistémologique sur lequel il nous faut, de façon pragmatique, labourer le concept de "reliance". On comprend que les sociologues soient fiers pour leur discipline d'avoir su construire ce concept fécond (en s'interrogeant sur ses équivalents pertinents en d'autres langues : -Relatedness- en anglais, -verbundung- en allemand... ?), mais on leur en voudrait d'en revendiquer l'exclusif usage ! C'est un "concept nomade" que les nouvelles sciences de la complexité savent fort bien s'approprier. Dans leur grande et riche diversité, les textes que M. Bolle de Bal a rassemblés en témoignent ! Sans doute voudrait-on quelques autres références, plus explicitement épistémologiques d'une part (seul E. Morin fait une allusion à la convaincante théorie de l'inséparabilité dégagée par le physicien théoricien B. d'Espagnat) et plus diversifiée encore (je pense à la théorie des affinités en chimie, à la théorie des conjonctions en linguistique, etc.). Mais il nous dira à juste titre que ce premier exercice de reliance exprime plus un processus qu'un résultat ; ... ou plutôt que, puisque le résultat nous semble satisfaisant, nous pouvons poursuivre l'exercice du processus. Manifestement le concept de reliance est une puissante heuristique de modélisation de la complexité. A nous de nous l'approprier.


J.L. Le Moigne.

Fiche mise en ligne le 12/02/2003


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