Modélisation de la CompleXité
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"Modélisation de la CompleXité"

Association pour la Pensée Complexe
Association pour la Pensée Complexe
 

Note de lecture

Rédigée par LESTAGE Philippe sur l'ouvrage de CLERGUE Gérard :
« L'apprentissage de la complexité »
     Ed. Hermès. Paris. 1997. 159 pages.

Publié après le décès soudain de l'auteur, survenu en février 1997, l'ouvrage devait initialement s'intituler "Apprendre entre l'ordre et le chaos. Vers une pédagogie de la complexité". Modifié par l'éditeur, le titre définitif nous paraît mal approprié. Le projet de G. Clergue était en effet d'étudier les implications de la complexité dans le champ des apprentissages et non de proposer un apprentissage de la complexité.

Si l'on oublie ce projet, le nouveau titre peut se comprendre dans la mesure où le livre présente un panorama très clair et exhaustif -très didactique- de la complexité jusque dans ses développements les plus récents : systémique, cybernétique, simulation informatique et raisonnement analogique, dynamique des systèmes non linéaires, auto-organisation, chaos déterministe, intelligence collective, automates cellulaires, algorithmes génétiques, etc. Sont corrélativement abordées nombre de notions "complexes" telles que : espace des phases, sensibilité aux conditions initiales (effet papillon), instabilité, irréversibilité, non-linéarité, non-équilibre, bifurcation, attracteur, fractal, auto-référence et bouclage, etc.

Le souci de synthèse affiché par l'auteur se traduit par un gain de clarté au détriment, souvent, d'un approfondissement suffisant de ces thèmes "complexes"... En 159 pages G. Clergue a privilégié la simplicité didactique, ce qui fait finalement l'intérêt de son ouvrage. Ajoutons que nous avons fort apprécié l'index très complet des notions.

Mais revenons au projet de G. Clergue d'étudier les implications de la complexité dans la construction des apprentissages. Apprendre ne consiste pas à passer du désordre à l'ordre grâce à la "transmission" d'un savoir, comme le croyait la pédagogie traditionnelle. Mais à passer d'un niveau d'organisation à un autre à travers une rupture épistémologique que les théories de la complexité nous permettent de mieux appréhender. Et cela dans le prolongement des pédagogies actives (inspirées de Piaget) et des principaux mouvements pédagogiques d'éducation nouvelle (GFEN, "CEM, CEMEA). Ainsi, dans le domaine cognitif, G. Clergue avance-t-il que le chaos déterministe est une hypothèse qui vient étayer et compléter le modèle piagétien d'équilibration. Consécutivement, "En résumé, l'apprentissage apparaît comme une trajectoire dans l'espace des phases des systèmes cognitifs de l'individu. Dans cet espace des phases : Les concepts émergent de la convergence créée par les bassins d'attraction existants, lorsque l'apprenant tente d'assimiler le réel aux schèmes qu'il s'est déjà construit. En même temps que les nouveaux attracteurs, qui se forment dans un désordre chaotique en s'accommodant aux variations imprévisibles de l'environnement, remodèlent constamment ce paysage. (...)" (p. 136).

Mais à quel niveau d'explication se situe G. Clergue ? Tout séduisant que soit son modèle de l'apprentissage, nous le considérons avant tout d'ordre métaphorique. Se pose alors la question de la pertinence de la transposition de concepts scientifiques issus des sciences exactes dans le champ des sciences humaines. Sur ce point nous eûmes de fort intéressantes discussions avec lui peu de temps avant son décès.

Ceci dit, G. Clergue ne se limite pas au seul champ de la réflexion théorique, spéculative. Il présente aussi une expérience d' "apprentissage complexe" menée avec des jeunes dans le sens d'une pédagogie de l'autonomie et de l'action centrée sur le sujet. Un sujet apprenant auto-organisateur et émergent, impliqué dans tout son être avec sa sensibilité, ses sentiments, ses émotions. Des outils informatiques de simulation de situations complexes sont mis à la disposition de jeunes adolescents en échec scolaire. Invités à manipuler ces systèmes dynamiques qui cherchent à modéliser une réalité vivante en introduisant la non-linéarité, les boucles récursives, l'instabilité, etc., ces jeunes apprennent à penser et gérer la complexité. Peut-être ceci explique-t-il le changement de titre opéré par l'éditeur...

Philippe LESTAGE

Fiche mise en ligne le 12/02/2003


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