Modélisation de la CompleXité
Programme européen MCX
"Modélisation de la CompleXité"

Association pour la Pensée Complexe
Association pour la Pensée Complexe
 

Note de lecture

Rédigée par Monique Génelot sur l'ouvrage de FERRY Luc :
« Le Nouvel Ordre Ecologique. L'Arbre, l'Animal et l'Homme »
     Ed. Grasset - Paris, 1992.

L'éclairage apporté par l'oeuvre de Luc Ferry sur les liens entre l'humanisme et l'écologie a suscité de nombreuses réactions souvent positives. La sévérité de certaines critiques m'a cependant déconcertée. En effet, la lutte contre le réductionnisme est une saine attitude d'esprit, certes difficile mais indispensable pour éviter le retour à des idéologies dévastatrices. Edgar Morin nous met constamment en alerte sur ces dangers. A propos de l'écologie, il écrit : "Le danger interne qui ronge la pensée écologique, c'est le réductionnisme. La pensée qui réduit tous les problèmes au seul problème écologique devient incapable de saisir les autres dimensions de l'existence et de la société".

C'est à ces dérives possibles de l'écologisme que l'ouvrage de Luc Ferry, loin de "faire retomber le soupçon sur le mouvement écologiste tout entier", nous convie à réfléchir. Lorsque Luc Ferry cherche à concilier l'écologie et l'humanisme, il s'agit bien d'étudier les rapports de l'homme avec la nature : "A travers la nature, c'est encore et toujours l'homme qu'il s'agit de protéger, fût-ce de lui-même lorsqu'il joue les apprentis sorciers".

Lorsque la mise à feu des puits de pétrole a été qualifiée de "crime écologique" n'est-ce pas davantage aux souffrances des populations humaines que l'on faisait référence ? Et lorsque Luc Ferry écrit "Personne ne fera croire à l'opinion publique que l'écologisme, si radical soit-il, est plus dangereux que les dixaines de Tchernobyl qui nous menacent", on ne peut être que d'accord. Plus que l'environnement en tant que tel, c'est bien l'homme qui est menacé.

La quête d'un humanisme non métaphysique capable de prendre en charge les problèmes de l'environnement est la question centrale de cet ouvrage. Il est difficile d'être réticent sur cet objectif car c'est ici et maintenant que l'humanisme doit être revivifié par une pensée écologisée consciente, en premier lieu, des rapports de l'homme à l'humanitude, et de ceux de l'homme au milieu qui le porte, si l'on décide que la finalité c'est en définitive l'homme et sa survie.

Les dérives possibles, même si elles sont marginales, d'un écologisme radical qui propose la suprématie des "valeurs" environnementales sur les valeurs humaines et risquant d'aboutir à la déconstruction de l'humanisme, méritent d'être signalées. Cette entreprise ne relève pas d'une écologie pasteurisée. Au contraire, ce risque de déconstruction est au centre d'une "pensée écologisée" qui donne la priorité à un autre mode de pensée des rapports humains, en évitant de rêver à un homme nouveau ou à envisager de l'imposer par une sorte de police environnementale.

Lorsque la vie est menacée, hic et nunc, en de nombreux points du globe par les moyens de répression d'un groupe humain envers un autre, le droit des générations futures et de l'environnement paraissent des abstractions au regard de l'urgence de la réflexion humaniste sur les droits des populations actuellement vivantes. La pensée écologisée ne fait que renforcer cette réflexion humaniste en la projetant aussi, mais pas seulement, dans le long terme.

Monique Génelot

Fiche mise en ligne le 12/02/2003


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