"Cybernetics and Human knowing" (Cybernétique et Cognition humaine) se présente comme une nouvelle revue, internationale et interdisciplinaire, consacrée à la "cybernétique de deuxième ordre" (dans la définition d'H. von Foerster ; "La cybernétique des systèmes observants") Elle bénéficie du patronage et sans doute du financement de "l'Association Américaine de Cybernétique" (A.S.C.) et de "l'Académie Danoise pour la Philosophie Pratique" (D.A.P.P.), son rédacteur en chef, Soren Brier étant aussi son éditeur danois (Abonnement 250 couronnes DK ou US S 40). Son comité de rédaction rassemble quelques éminentes personnalités dans la mouvance d'H. Von Foerster : outre lui-meme, E. Von Glasersfeld, St. Beer, F. Varela, H. Maturana, K. Krippendorf, Yveline Rey (à qui on doit en particulier une remarquable interview de H. Von Foerster publiée en 1991 dans "Systèmes, Ethiques, Perspectives en thérapie familiale", ESF, Paris), qui fait découvrir cette nouvelle revue au Programme MCX, participe au Comité de lecture, entre dix scandinaves et dix anglo-saxons). Le style parfois un peu lyrique, voire mystique, des premiers numéros irritera peut-être les lecteurs de culture plus latine et francophone qui échangent au sein du programme MCX, mais aucun je crois ne récusera cette précieuse occasion d'ouverture. Les références connues sont nombreuses : outre H. Von Foerster, E. Von Glasersfeld et F. Varela, G. Bateson, C.S. Peirce, ou N. Luhmann sont parmi les classiques de ces premiers numéros, révélant ainsi implicitement les "absents", ceux qui contribuent au dépassement d'une cybernétique de deuxième ordre en une systémique de plein exercice : E. Morin, H.A. Simon et même J. Piaget ; plus H. Von Foerster et E. Von Glasersfeld le citent, moins leurs lecteurs ne semblent tenus de remonter aux sources !

A l'intérêt intrinsèque des articles de ces premiers numéros, s'ajoute pour nous quelques références à des ouvrages récents ou à paraitre auxquels il faudra peut-être prêter attention ; par exemple :

• Steve Heins, l'auteur du classique "John Von Neumann and Robert Wiener", 1980, publie "The Cybernetics Group" (MIT Press 1991, 334 p.), l'histoire des célèbres "Conférences MACY" (1946-1953) rassemblant des "figures" aujourd'hui illustres : Mc Culloch, Mead, Bateson, Savage, etc...

• R. Donaldson a recueilli des introuvables de G. Bateson sous le titre "A sacred unity : further steps to an ecology of mind" (A. Cornelia et M. Bessie Book, Harper Collins Pub, 1991, 364 p.).

• Murray Gell Mann (le Nobel inventeur des Quarks), un des animateurs de l'Institut de Santa Fé, annonce "the quark and the jaguar" que 15 éditeurs étrangers s'arrachent déjà!

• Stuart Kaufman (Institut de Santa Fé) annonce lui "Complexity : the Discovery of Anti-chaos".

• Roger Lewin publie "Complexity" chez Mac Millan (à la façon du "Chaos" de Gleick !).

• K. Kelly (co-éditeur du "Whole Earth Review", qui succède au "Co-Evolution Quaterly") annonce "Emergent World : the rise of artificial evolution" chez Addison Wesley (1993).

Peut-on achever cette présentation par une réflexion sur l'intitulé de la revue : "Knowing" vise à exprimer "Knowledge" (connaissance) en soulignant le processus, l'action de connaitre (vol. 2-3, p. 74) ? En français comme en anglais, la langue a depuis longtemps formé un mot (un substantif verbal) pour désigner cet acte : "La Cognition" - Faut-il cultiver l'ésotérisme de la culture scientifique contemporaine, en parlant de "Human Knowing" pour dire "Human Cognition" et de "Science cognitive" pour dire "Science de la cognition" ? Si la séparation perverse entre les deux culturres (la "catastrophe cartésienne" disait A. Koestler) doit s'abolir, ne devons-nous pas y contribuer par cette attention dans l'invention des symboles qui expriment nos projets ?

J.L. Le Moigne