Modélisation de la CompleXité
Programme européen MCX
"Modélisation de la CompleXité"

Association pour la Pensée Complexe
Association pour la Pensée Complexe
 

Note de lecture

Rédigée par J.L. Le Moigne. sur l'ouvrage de MICHON J.A. and AKYUREK A. (Eds) :
« SOAR : A Cognitive Architecture in perspective. A tribute to Allen NEWELL »
     Kluwer Academic Pub. Dordrecht, 1992. 248 p.

Ne peut-on s'étonner de la surprenante inattention (apparente au moins) des communautés scientifiques francophones explorant les champs des sciences de la cognition et de l'intelligence artificielle, à l'égard de l'ambitieux projet d'une théorie - et d'une "architecture" - unifiante de la Cognition, qu'exprime le Programme SOAR développé à l'initiative d'A. Newell ?

Je me posais déjà cette question il y a trois ans lorsque parut le livre d'A. Newell, "Unified Theories of Cognition" (Harvard University Press) en 1990, riche synthèse de ses "William James Lectures" à Harward en 1987 (étonnement qui prolongeait celui suscité cinq ans auparavant par la lecture du gros chapitre rédigé par A. Newell dans l'ouvrage collectif édité par F. Machlup et U. Mansfield : "The study of information", J. Wiley 1983). Et je présumais qu'il s'agissait seulement du classique "décalage" entre les Etats Unis et l'Europe, décalage qui allait sans doute bientôt s'atténuer. La lecture de l'ouvrage collectif préparé par "l'équipe SOAR" de l'Université de Groningue (Hollande) m'incite à penser que la réponse est plus complexe : elle me fait découvrir qu'il existe aux Pays Bas et en Angleterre des équipes tellement attentives au Projet SOAR qu'elles contribuent de façon décisive à son développement tant théorique et informatique (la prise en compte des méta-heuristiques de modélisation par moyens fins) qu'appliqué (la simulation à l'aide de SOAR d'une tâche cognitive complexe par excellence, celle de la conduite automobile). La liaison Europe-Amérique est donc bien effective sur ce type de recherche depuis au moins cinq ans, mais elle ne semble toujours pas susciter l'intérêt des communautés scientifiques francophones actives dans le domaine. J'appréhendais, jusqu'à ma découverte de l'ouvrage de l'équipe SOAR de l'Université de Groningue, que le décès d'A. Newell (survenu l'année de sa publication, en 1992) ralentisse ou arrête les recherches sur le Projet SOAR. En constatant la vitalité des quelques équipes nord-américaines et européennes qui s'y associent, je me dis que ce ralentissement est peu probable. Et j'en conclus que nous serions bien inspirés de prêter beaucoup d'attention à cette entreprise qui ambitionne d'enrichir, tant conceptuellement qu'expérimentalement, notre intelligence de la modélisation des comportements en situation complexe : des concepts tels que le "chunking" (organisation symbolisante, ou arrangement de symboles, ou chunkage ?) ou le"subgoaling" (organisation en buts intermédiaires ? ou finalisation intermédiante ? ou...) semblent si pertinents et s'avèrent si "instrumentables" qu'on est tenté de les mettre en oeuvre consciemment dans bien des exercices familiers de modélisation de situations complexes. L'expérience acquise par le Projet SOAR ne peut-elle nous enrichir, directement ou non ?

N.B. Je découvre, en lisant le demier ouvrage de J. Pitrat (1993) (cf. ma note de lecture dans ce même Cahier des Lectures MCX) que celui-ci consacre deux pages au Programme SOAR, soulignant l'intérêt des techniques de choix par pesée des "préférences". Il mentionne l'existence d'une petite communauté développant SOAR, d'une centaine de personnes, mais il ne précise pas le nombre de francophones : je crains qu'il n'y en ait toujours aucun en France.

J.L. Le Moigne.

Fiche mise en ligne le 12/02/2003


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