Modélisation de la CompleXité
Programme européen MCX
"Modélisation de la CompleXité"

Association pour la Pensée Complexe
Association pour la Pensée Complexe
 

Note de lecture

Rédigée par JLM sur l'ouvrage de STACEY R.D. :
« Managing the Unknowable. Strategic Boundaries between Order and Chaos in Organizations »
     Jossey, Bass Pub. San Francisco. 1992. 219 pages.

On nous assure que cet essai brillamment enlevé va renouveler les modes en matière de discours sur le management et la stratégie des organisations complexes, au moins autant que "Le Prix de l'Excellence" de Peter et Wasserman ou "la Cinquième Dimension" de P. Senge ? Ce qui semble possible sinon probable : si un éditeur francophone le fait traduire, ce sera sans doute la preuve ! On peut pourtant prédire sans grand risque que, malgré les bonnes intentions et le talent didactique de son auteur, il connaîtra le même effet de mode que ses prédécesseurs : qui évoque encore aujourd'hui "le Prix de l'Excellence" hors des académies ? Il aura sans doute honorablement rempli son éphémère contrat : contribuer à déstabiliser un peu une culture managériale qui sera toujours perçue pétrifiée dans ses modèles antérieurs. Le titre n'est-il pas provocant à souhait ? "Gérer l'inconnaissable", et pas seulement l'imprévisible, n'est-ce pas interpeler judicieusement les responsables convaincus depuis un siècle que leur devise doit être "Gérer c'est prévoir" ?

Pour tenter de nous accoutumer à ce changement de référence qui nous fera passer de la quête de la stabilité rassurante à celle d'une "instabilité limitée" (restons raisonnable, bien sûr), R. Stacey va présenter le récit de quelques anecdotes qui illustrent sa thèse par de courageuses références à la théorie du chaos (Fractals, Dynamique des Systèmes Non Linéaires...) dont les vertus heuristique et métaphoriques sont ici rassurantes : en citant Prigogine ou l'Institut de Santa Fé, on paraît plus sérieux qu'en en appelant à la Numérologie ou à l'Astrologie. Le lecteur est présumé confiant dans les vertus du principe d'autorité scientifique, et il vaut mieux lui épargner les réflexions épistémologiques qui réaviveraient sa lecture critique : sa tâche est-elle d'appliquer la théorie des systèmes dynamiques... ou de réfléchir sur la "pâleur" des représentations qu'il se construit de son action actuelle ? Ah, que l'on voudrait que l'auteur nous fasse bénéficier des ressources de "La Méthode, chemin qui se construit en marchant" selon E. Morin, ou de celles du "Principe d'Action Intelligente" selon H.A. Simon. S'il faut des références scientifiques, pourquoi se priver des contributions d'H. Von Foerster, de J. Piaget, de F. Varela, de E. Von Glasersfeld, de J.B. Grize et de tant d'autres (qui ne sont pas tous anglophones), pour "relever les couleurs" de l'action en cours, et pour enrichir ainsi l'intelligence de l'action à venir ?

On se dit avec une pointe de morosité que les lecteurs francophones de ce livre vont sans doute ignorer ou oublier que, sur la même "intention", celle de l'ineffable complexité de l'action humaine, Dominique Génelot nous a déjà exposé et illustré avec talent et compétence ce qui peut nous aider à "Manager dans la Complexité" (titre de son livre, INSEP Edition, Paris, 1992). Plutôt que de cultiver l'anglomanie managériale, tirons parti sans chauvinisme de nos ressources naturelles... qui pourraient être utiles aussi à nos collègues anglo-saxons. Ne serait-ce que pour renouveler la lecture des exemples, toujours bienvenus, que présente R. Stacey (Kodak, Amstrad, etc...).

JLM.

Fiche mise en ligne le 12/02/2003


 > Les statistiques du site :