Modélisation de la CompleXité
Programme européen MCX
"Modélisation de la CompleXité"

Association pour la Pensée Complexe
Association pour la Pensée Complexe
 

Note de lecture

Rédigée par LERBET G. sur l'ouvrage de MONROY Michel :
« LA SOCIETE DEFENSIVE, Menaces actuelles et réponses collectives »
     Ed. PUF, paris, 2003, ISBN 2 13 053191 1, 170 pages
Voir l'ouvrage dans la bibliothèque du RIC

Le récent ouvrage de Michel Monroy, préfacé par Gilles Le Cardinal, ne plongera pas les lecteurs de MCX dans l'inconnu, puisque ces deux auteurs sont des contributeurs habituels des travaux sur la démarche systémique.
L'usage qu'ils en font ici mérite d'être souligné au premier chef par la grande lisibilité qui est offerte concernant un sujet aussi actuel que prêtant facilement à la polémique. Le piège de cette dernière est heureusement évité en raison de l'apaisement que M.M. sait apporter grâce à la convocation de méthodologies et d'auteurs dont la scientificité conforte le lecteur dans l'abord très rationnel de la question : au plus loin possible de notre propre peur pour rencontrer menaces (1) et peurs, et pour tenter de cerner les réponses défensives individuelles, groupales et collectives.
En trois parties (" La nébuleuse des menaces ", " représentations et ressentis ", " les parades défensives ") et douze chapitres d'une très grande clarté, le lecteur est conduit du contexte à démêler, vers l'analyse des composantes sociologiques, psycho-pychiatriques et psychosociales vécues par les acteurs. Il est ensuite invité découvrir l'appréhension de stratégies où, aujourd'hui, culturellement, la défense prévaut sur l'attaque. Ces stratégies reposent sur l'intention qu'ont les populations, de résister aux risques - réels ou supposés et plus ou moins nets-, qu'elles envisagent au gré de leurs opinions et en dépit de la prise en considération de données plus objectives.
L'accès à ces dernières est certes souvent réservé à des experts, mais il ne semble pas que ce soit là ce qui constitue l'obstacle le plus difficile à surmonter dans les représentations et attitudes communes. Les difficultés semblent plutôt liées à l'indécision partielle inhérente à toute démarche heuristique et à l'incertain qui accompagne tout travail scientifique authentiquement empreint du souci de ne pas faire l'économie de la complexité. Dans de telles conditions, comment ne pas s'enfermer dans la doxa avec ses désirs de réponses liant pureté des savoirs, obligations de résultats, risques " zéro ", transparence " absolue " ? Tout cela est propice à la " juridiciarisation ", afin de satisfaire aux pulsions de l'hétéro-attribution et au mythe du bouc émissaire. Principes de précaution défensifs compensant une inertie fataliste ? Paradoxe du berger qui fait demander aux divers organismes experts d'alerter sur tout et à tout bout de champ, pour prémunir le citoyen et/ou exorciser les risques, en demandant que l'on crie souvent " au loup " pour s'habituer aux craintes ?
L'ouvrage de MM suscite ces interrogations, comme il conduit l'auteur à multiplier les questions pour inviter les lecteur à subsumer la complexité du propos(2) développé ici.
Une autre interrogation demeure cependant chez le lecteur ; elle a trait à l'appel qui est souvent fait à l'idée de progrès(3). Au vu des contre-épreuves et contre-productions que M.M. expose abondamment, le lecteur ne peut que se demander si cette référence fréquente n'aurait pas surtout à voir avec une concession faite à un positivisme scientiste et causaliste très comtien. Cela véhiculerait une utopie au moins " discourue " - si ce n'est parfois rêvée d'être " pratiquée " ( ?)-, par les classes cultivées dont chaque citoyen aspire aux retombées. Face aux insuffisances de ces dernières, un esprit humaniste ne peut-il pas également convenir que le sujet puisse s'armer de " résilience "(4) grâce à la reconnaissance un peu lucide de la pertinence opératoire de ce processus, quand, dans sa complexité, l'adaptation est reconnue comme prenant en compte la dignité et l'intégrité stratégique de chaque homme qui demeure irréductible aux seuls paramètres de la culture et de l'environnement larges ou étroits ?


1 - La menace est vue ici comme une action d'intimidation, de contrainte, d'interdiction ou d'obligation (pensons au terrorisme), alors que la peur renvoie plutôt à une mise en garde, à un " effet Cassandre ", comme c'est le cas quand on craint pour le devenir de l'environnement, des espèces vivantes, ou pour l'humanité (cf., p.57).
2 - Cf., par exemple p.166.
3 - Cf., par exemple, pp. 16, 39, 51, ...,144, 145.
4 - L'auteur, la définit, après Patterson, comme " la capacité à faire face à l'adversité " (p.52).

Fiche mise en ligne le 12/03/2003


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