Modélisation de la CompleXité
Programme européen MCX
"Modélisation de la CompleXité"

Association pour la Pensée Complexe
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Note de lecture

Rédigée par J.L. Le Moigne sur l'ouvrage de PELISSIER Aline et TETE Alain :
« Sciences cognitives. Textes fondateurs (1943-1950) »
     Ed. PUF. Paris. 1995. 313 pages.

S'il ne donnait pas un accès aisé en langue française à quelques uns des textes fondateurs de la cybernétique (plutôt que des sciences de la cognition, quoi qu'en dise le titre), on ne rangerait pas ce livre de parti pris et de circonstance dans notre bibliothèque des sciences de la complexité.

Par son intitulé ambigu, par le choix trop sélectif et mal argumenté d'une dizaine d'extraits de textes classiques (N. Wiener, W. Mc Culloch, J. Von Neuman, D. Hebb,W. Weaver, C. Shannon, A. Turing) et par le caractère curieusement "réducteur" des chapeaux de présentation, ce livre atteint bien maladroitement son objectif et laisse souvent le lecteur sur sa faim. D'autant plus que les traductions sont souvent expéditives (pourquoi traduire "purpose" par "but" alors que Wiener, qui veut dire "intention", distingue dès la première ligne l'intention (purpose) du but (goal ?). Nombre de ces textes ont déjà été bien traduits en français, certains depuis longtemps (J. Piquemal avait traduit le Wiener, Rosenblueth et Bigelow en 1979, dans la Revue de Philosophie, et les litiges suscités par l'interprétation de cette traduction avaient fait l'objet d'un article de la RIS, 1987, n- 1, vol. 3 ! (Ce qu'ignore la note p. 53 qui justifie le mot "but" par le classique argument d'autorité : "nous estimons")), d'autres plus récemment (le J. Von Neuman-sans la discussion qui suit -dans le numéro 3 de la revue Pistes,1992, etc.), sans que ces précédents soient même mentionnés (et éventuellement discutés si l'on contestait la pertinence de ces traductions). En outre l'arbitraire de la "barrière 1950" fait ignorer les textes pionniers pour les sciences de la cognition et l'intelligence artificielle, de H. Von Foerster, d'A. Newell ou d'H.A. Simon (on pourrait au moins rappeler que ce dernier soutint sa thèse en 1943). Et je crois bien que l'on trouverait des textes fondateurs de la cybernétique prémoniteurs des sciences de la cognition (qui n'apparurent qu'en 1975... si Dilthey développait les sciences de l'esprit bien avant Mc Culloch, en 1883 !), publiés en France entre 1943 et 1959 : je pense à P. Vendryès, P. de Latil, ou G. Guilbaud). Mais ces critiques, qui s'adressent aux éditeurs et traducteurs français n'enlèvent rien au très grand intérêt des dits "textes fondateurs" habituellement difficiles à trouver en édition française. Espérons que le succès de cette édition -pour partielle et partiale qu'elle soit- encouragera un éditeur à faire pour les sciences de la cognition et pour les sciences de la complexité le monumental travail qu'avait fait D. Bougnoux pour les sciences de la communication en 1993, (éditant, chez Larousse un remarquable "Textes essentiels des sciences de la communication"; cf. la Lettre MCX n- 19, avril 93) : un modèle de référence auquel on a envie de rêver !


J.L. Le Moigne

Fiche mise en ligne le 12/02/2003


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