Modélisation de la CompleXité
Programme européen MCX
"Modélisation de la CompleXité"

Association pour la Pensée Complexe
Association pour la Pensée Complexe
 

Note de lecture

Rédigée par NOGUES Henry sur l'ouvrage de ADAM Michel :
« L’ASSOCIATION, Image de la société. Carnet de voyage d’un militant invétéré. »
     éd. L’Harmattan, Paris, 2005, ISBN 2 7475 8043 1 255 p.
Voir l'ouvrage dans la bibliothèque du RIC

Ndlr. Nous remercions Henry Noguès (professeur à l’Université de Nantes) de nous autoriser à reprendre en ‘Note de lecture MCX’ le texte de la Préface qu’il a rédigée pour l’ouvrage de Michel ADAM. Ouvrage important, pensons nous, car il nous propose un nouvel entendement, à la fois pragmatique et épistémique, d’un phénomène à la fois très familier et fort complexe, irréductible à nos modèles habituels de la l’organisation  de la ‘Société Civile’. Qui parmi nous n’est pas membre d’au moins une association ? ‘L’association, image de la société ?’ Et réciproquement peut-être image de la société se voulant association plutôt que dissociation ? ‘Rêve utopique partagé’ ou nouvelle intelligence du ‘génie associatif, cette étrange faculté des êtres humains qui est de s’associer’ ?

 

            L’association, image de la société. Et quelle image ! Un hologramme. D’emblée Michel ADAM propulse le lecteur dans un espace déroutant par son étrangeté. Qui ne se souvient en effet, du trouble qui saisit lors de la première expérience de vision d’un hologramme ? Et pourtant, ce livre démontre que l’intuition de l’auteur est juste car cette plongée métaphorique dans les nouveaux espaces dégagés par la physique et par l’optique s’avère extrêmement fructueuse pour une compréhension extensive et profonde de la vie associative.

            L’image de l’hologramme indique déjà que la diversité associative offre comme un reflet de la diversité de la société dans son ensemble. Mais l’auteur nous entraîne plus loin pour retrouver au cœur même de l’association les principales formes d’organisation qui permettent de “ faire société ”.

            Loi de liberté, la loi du 1er juillet 1901 ouvre largement les portes du droit de s’associer puisqu’elle n’interdit que les motifs lucratifs. Ainsi défini, le domaine de la vie associative a pu se déployer quasiment sans limite. Décrire la diversité des associations pour en comprendre toute la complexité sans risquer de s’y perdre, tel est le chantier redoutable auquel s’est attelé Michel ADAM.

            L’ouvrage passionnant met en évidence à la fois l’esprit d’analyse et de synthèse de son auteur. Enraciné dans la réalité des pratiques concrètes qui se manifestent dans la vie associative, c’est à l’évidence le fruit, depuis longtemps macéré, d’une expérience riche et variée comme citoyen engagé et responsable, comme militant associatif débordant d’initiatives et comme professionnel en tant que directeur d’une plateforme d’animation de la vie associative dans le secteur du handicap. Les réflexions personnelles et partagées de l’auteur n’ont nullement altéré la fraîcheur des expériences. Ainsi, le fruit ne s’est-il pas desséché mais a conservé intégralement les saveurs de ces expérimentations collectives parfois balbutiantes. Nourrie par l’expérience, l’ambition de l’auteur atteint un niveau d’analyse théorique permettant une meilleure compréhension des situations rencontrées par tout acteur associatif. En effet, l’auteur parvient à allier les compétences de l’ingénieur à celles de l’humaniste. Des premières, on retiendra un goût manifeste pour la modélisation qui tente de dégager les structures fondamentales de l’association. Des secondes, on appréciera le souci constant, mais sans pédanterie du mot le plus juste afin d’exprimer de manière nuancée  la subtilité de réalités humaines et sociales complexes.

A coup sûr, il fallait être armé d’une telle expérience, de tels talents et d’un courage certain pour se mettre à l’ouvrage et mener à bien un projet aussi ambitieux. Désormais, le lecteur peut s’aventurer sans crainte guidé par un auteur n’hésitant jamais à préciser les concepts utilisés, à projeter dans des schémas les éléments constitutifs du puzzle associatif et à illustrer par des exemples sa démonstration.

            A partir d’un “ carré magique ”, pas très éloigné des intuitions d’Henri DESROCHE, l’auteur dégage les quatre pôles fondamentaux de l’association :

·         l’appartenance, l’adhésion ;

·         la gouvernance, la direction ;

·         la production des services ;

·         l’utilisation des services.

            Sans se laisser enfermer dans son modèle, il construit une typologie des associations en croisant les types d’utilisateurs des services (pour soi, pour autrui gratuitement, pour des clients payants) et les modes d’organisation de la production (du bénévolat à la disparition des adhérents et du conseil d’administration en passant par l’association employeur). Il parvient à distinguer treize situations durables, véritable référentiel pour positionner n’importe quelle association. Grâce à cela, il propose une vision évolutive et dynamique de la vie associative sans oublier de mettre en évidence les dérives ou les risques qui peuvent les atteindre. Il initie progressivement le lecteur au maniement d’un outil opérationnel permettant de faire le point et d’anticiper sur les risques.

            En outre, l’attention est attirée rapidement sur les points de fragilité de la vie associative. Ceux-ci sont nombreux car l’association quand elle est autonome est en grande partie sa “ propre loi ”. Elle n’a pas toujours la sanction d’un marché de compétition ni la boussole du profit qui font souvent de l’entreprise un instrument orienté et efficace. Elle n’a pas davantage la référence de la loi définissant l’intérêt général et en cadrant précisément le comportement des administrations publiques. Elle est avant tout une institution libre c’est à dire un lieu de parole où s’élaborent un projet, des stratégies et des actions. Elle n’échappe pas toujours au jeu des intérêts de ses membres ou de ses partenaires extérieurs. Ce n’est pas la moindre des vertus de l’ouvrage de Michel ADAM que d’inviter le lecteur impliqué dans la vie associative à s’interroger sur les pratiques qu’il subit, qu’il accepte ou qu’il met en œuvre.

            Il montre parfaitement que selon le moment de son histoire, le contexte dans lequel elle se trouve l’association peut se révéler très proche des différentes formes d’organisations cachées qu’elle recèle. Tantôt, elle se rapproche d’un institut de formation. Tantôt, elle se manifeste sous la forme d’une quasi-entreprise de production. A d’autres moments, elle devient un réseau de socialisation ou bien même se replie sur elle-même comme une communauté auto-suffisante. Cette flexibilité remarquable est souvent vue comme l’un des atouts de la vie associative notamment dans une perspective de changement social. Il ne s’agit évidemment pas de juger de manière normative les diverses positions et les multiples formes adoptées par une association. Il paraît plus utile de comprendre les raisons des choix effectués et surtout d’ouvrir le débat au sein de l’association afin que puissent s’exprimer toutes ses potentialités pour ses membres comme pour la collectivité. La vie associative comme la construction de la société reste un jeu ouvert. La métaphore de l’hologramme qui cesse d’opposer les parties au tout est une fois encore commode pour décrire la complexité de ces relations entre association et société.

            L’auteur sait que le modèle qu’il propose est perfectible puisqu’il invite avec insistance le lecteur à la critique et à l’échange pour l’améliorer. Il ne s’agit donc pas de fétichiser cette conceptualisation. Qu’il soit étudiant ou chercheur intéressé par le paysage associatif ou qu’il soit militant engagé dans la vie associative le lecteur trouvera dans cet ouvrage grâce aux qualités “ andragogiques[1] ” de l’auteur une invitation non seulement à la réflexion personnelle mais également au rêve utopique partagé.

Henry NOGUES



[1] Selon l’expression suggérée par un ami néerlandais, Louis KOOLS pour évoquer la pédagogie des citoyens adultes. Même si[1] les hellénistes ne manqueront pas de sourciller à cette expression en lui substituant “ anthropagogiques ”, plus juste étymologiquement mais aux résonances plus inquiétantes !



Fiche mise en ligne le 12/05/2005


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