Modélisation de la CompleXité
Programme européen MCX
"Modélisation de la CompleXité"

Association pour la Pensée Complexe
Association pour la Pensée Complexe
 

Note de lecture

Rédigée par J.L. Le Moigne sur l'ouvrage de SIGNORILE Patricia :
« Paul Valéry, philosophe de l'art »
     Ed. J. Vrin, Paris, 1993. 253 pages.

En reconnaissant en Paul Valéry un grand "précurseur de la pensée complexe" (p. 223), Patricia Signorile nous propose une lecture de l'oeuvre de "l'introducteur à la méthodede Léonard de Vinci", qui associe à une grande culture philosophique, une vivace sensibilité esthétique et une étonnante attention architecturologique (au sens quePh. Boudon a su donner à cette science de la conception). Sans doute parce que, pourValéry, dès l'origine, "L'architecture devient notre exemple", "mélange des oeuvres et des actes, du métier et de la stratégie" (p. 221) ?

Précurseur et peut-être même fondateur des sciences de la complexité, plus peut-être que J. Piaget (auquel P. Signorile ne le relie peut-être pas assez surtout lorsqu'elle évoque son aptitude à manier la dialectique de l'accommodation et de l'assimilation, p. 173), alors qu'elle nous aide si bien à relier son oeuvre à celle du Kant de "La critique de la faculté de juger" ou du Bachelard de "L'intuition de l'instant" entre tant d'autres... On est souvent impressionné, en relisant P. Valéry dans le miroir épistémique qu'en propose cet essai, par la capacité permanente dont il témoigne de toujours relier l'acte et l'oeuvre, pendant que, sans révolte, il se désintéresse des oeuvres (scientifiques, artistiques, philosophiques, quotidiennes) qui affichent ostensiblement leur séparation du processus qui les engendre (et que souvent, récursivement elles engendrent ou pourraient engendrer) : il ne s'agit pas seulement de ces discours sur "des structures sans genèse" que J. Piaget regrettait dans un structuralisme naïf, mais aussi sur des structures sans constructeurs ou sans auteurs. En nous rappelant (p. 202) que "lesvérités sont choses d faire et non à découvrir... Ce sont des constructions et non des trésors" (P. Valéry, Cahier VIII, p. 319), P. Signorile nous invite à une passionnante méditation épistémologique qui enrichit à la fois nos interprétations du constructivisme et notre entendement de la complexité de notre relation au monde : "L'intelligence se structure en fonctionnant" (p. 186) : "Ma main se sent touchée aussi bien qu'elle touche. Réel veut dire cela. Et rien de plus" (P. Valéry, Mon Faust, Lust p. 323, cité p.71) : est-il définition plus sensible de la phénoménologie ? Méditation qui prend volontiers un tour opératoire : j'ai beaucoup aimé aussi cette interprétation de la Modélisation Systémique qu'elle attribue à P. Valéry : "l'analyse Poïétique"

"... Une compréhension systémique du monde : qu'il utilise (les concepts) d'unité, de tout et de parties, ou qu'il procède à des liens entre les parties et le tout, Valéry fait une analyse poïétique" (p. 218).


J.L. Le Moigne

Fiche mise en ligne le 12/02/2003


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