A 09  Un programme pour expérimentation selon MRC (Method of Relativized Conceptualisation)

16 juin 2005

atelier 09,

Colloque Intelligence de la Complexité, Epistémologie et Pragmatique Cerisy 2005

UN PROGRAMME POUR EXPERIMENTATION SELON MRC

(METHOD OF RELATIVIZED CONCEPTUALISATION)

Animation: Mioara MUGUR – SCHACHTER 

PRESENTATION DE L’ATELIER

reflexion prealable sur une ‘Expérimentation sociale’ selon MCR

M. M-S

Très souvent on agit sans avoir pu concevoir d’abord. Soit parce que les circonstances ne permettent pas de s’attarder à essayer, soit parce qu’on manque de base et de critères, soit tout simplement parce qu’on ne conçoit pas qu’il serait utile de concevoir avant d’agir.

Mais lorsqu’un type d’action est répétitif, de la méthode s’y installe irrésistiblement, et avec elle, des progressions, puis des optimisations. Ainsi, les feux de la curiosité aidant, se sont solidifiées ici et là les zones des méthodologies des sciences ‘exactes’ et des techniques correspondantes, avec leurs performances particulières.

Le processus a été d’une extrême lenteur. Dans l’antiquité grecque, Aristote n’avait pas encore introduit une idée d’expérimentation concernant les phénomènes physiques. Archimède, à peu près 100 ans plus tard, ‘observait’ systématiquement des phénomènes physiques, mais il paraît peu probable qu’il ait ‘expérimenté’ au sens actuel très radical du terme, selon lequel souvent on crée de A à Z autant ce qu’on observe que la manière de l’observer. En tout cas, ce n’est que vers 1600 que l’expérimentation au sens des sciences classiques commence à se construire une place stable dans la pensée (cf. Alexandre Koyré, Etudes de l’histoire de la pensée).

Dans la méthode de conceptualisation relativisée (MCR) j’ai essayé de capter les spécificités de la méthode ‘scientifique’ actuelle, dans des principes et des définitions suffisamment précisés pour pouvoir les insérer dans une représentation déductive. Il paraît intéressant de comparer les exigences comportées par cette représentation, aux modes actuels d’organisation et d’action sociale-économique.

La proposition de comparer les méthodes des sciences ‘exactes’ avec celles qui opèrent dans le domaine des organisations et des actions sociales, ou simplement des ‘faits’ sociaux, est loin d’être nouvelle. L’élément nouveau consiste ici exclusivement dans l’interposition de MCR. Cet élément, lui, est nouveau, d’abord par sa genèse – enracinée dans la microphysique actuelle –, ensuite par l’exigence de relativisations systématiques, et enfin, par l’idée même de construire une ‘méthode générale de conceptualisation’ qui, lorsqu’elle est énoncée d’une manière abrupte, paraît sans doute étrange et même outrageante comme une atteinte à la liberté de pensée. Toutefois dès que les bases de MCR sont rendues très claires, cette idée s’incorpore tout à fait naturellement aux vues les plus exigeantes concernant la liberté de pensée.

Si l’on accepte de raisonner dans le cadre de MCR, le rôle le plus fondamental revient aux trois traits-MCR qui suivent.

1. Tout ce qui est communicable, est une description. Ni une ‘chose en soi’, ni une perception, ou une impression, ou une sensation non décrite, ne peuvent être communiquées. Les descriptions se trouvent donc à la base de l’intersubjectivité qui, elle, se trouve à la base des consensus inter-subjectifs, c’est-à-dire de l’‘objectivité’ au sens moderne du terme. Pour cette raison les structures descriptionnelles possèdent une importance cruciale : leur normation peut guider et optimiser la pensée communicable.

2. L’accomplissement d’une description D – de par la définition courante du mot – comporte nécessairement, bien que plus ou moins explicitement :

* une opération G (abstraite, ou factuelle, ou mixte) d’introduction – par sélection, ou définition, ou création – d’une entité-objet-de-description qu’on peut dénoter œG (œ : object-entity)

* cette entité-objet œG elle-même (l’entité-objet engendrée par G) ;

* une grille de qualification V (‘vue’, ‘regard’) à structure bien définie qui, via les examens de œG par les différents ‘aspects’ Vg comportés par grille V, produit un ensemble de qualifications gk – ‘valeurs’ k de l’aspect g – qui constituent la description D.

Ainsi D émerge dans l’espace de représentation comporté par V, en tant qu’une ‘forme’ de ‘valeurs’ gk  d’aspects Vg de V.

Dans MCR, par exigence de méthode, tous les trois éléments descriptionnels (G,œG,V) doivent être spécifiés explicitement, et l’on parle alors d’une description relativisée que l’on symbolise par D/G,œG,V/.

3.  Un examen de l’entité-objet œG introduite par G, via telle ou telle vue-aspect Vg de V, peut ‘consommer’ l’exemplaire de l’entité-objet œG sur lequel il agit (comme dans le cas d’un échantillon de tissu soumis à un acte d’analyse médicale). Donc l’entité-objet œG doit être reproductible isolément, et la succession d’opérations [G.Vg] doit être globalement répétable, si l’on veut pouvoir ‘vérifier’ le résultat gk fourni par une séquence [G.Vg]. De même, si l’on veut soumettre l’entité-objet œG à un autre examen via une autre vue-aspect Vg’ de V avec g’¹g, il faut produire une autre succession d’opérations, à savoir [G.Vg’], qui introduise la même entité-objet-de-description œG mais la nouvelle vue-aspect Vg’, et la nouvelle succession [G.Vg’] doit être reproductible elle aussi, pour vérifiabilité de son résultat.

Or la vérifiabilité des résultats d’une investigation est une condition cruciale de ‘scientificité’ au sens des sciences exactes. Bref :

Une condition de scientificité au sens des sciences exactes, est que toutes les successions d’opérations [G.Vg] impliquant une vue-aspect Vg de la vue globale V utilisée et l’opération G qui introduit l’entité-objet étudiée, soient répétables.

Or :

Dans le domaines des organisations sociales et des actions entreprises par celles-ci, cette condition n’est pas remplie naturellement.

En ces conditions on se demande :

Lorsqu’il s’agit d’organisations sociales et d’actions de celles-ci, ou simplement de ‘faits sociaux’, est-il utile d’introduire la représentation relativisante D/G,œG,V/ ? Est-ce un but ? Est-ce un but possible ?

Ces questions appellent une remarque. Les lois de la mécanique macroscopique, ou de l’électromagnétisme, ou de n’importe quelle autre discipline de la physique, ne concernent nullement des phénomènes qui se réalisent dans des conditions naturelles. Et dans les applications pratiques des phénomènes auxquels se rapportent les lois de la physique, très peu est naturel. Il n’y a rien de naturel dans l’assemblage matériel et le fonctionnement d’une voiture, d’un train, d’un bateau, d’un avion, d’une fusée interplanétaire. Mais pour qu’on conçoive les distorsions qui se trouvent à la base des lois de la physique, et pour qu’ensuite l’on imagine et réalise les constructions factuelles-matérielles de plus en plus radicalement artificielles que ces distorsions ont suggérées, il a fallu des millénaires.

Le temps n’est-il pas venu maintenant pour une véritable ‘science de l’artificiel’ dans le domaine des faits sociaux aussi ?

Etant donné d’une part l’état actuel d’avancement dans les sciences exactes, et d’autre part les guidages remarquables qu’offre la pensée intensive du complexe qui s’est développée dernièrement et qui ne cesse de progresser, avec les relativisations que celle-ci comporte foncièrement,  la durée de constitution d’une telle science de l’artificiel social ne pourrait-elle pas être réduite à un degré proprement énorme ?    

Je propose de discuter dans cet Atelier les questions générales formulées plus haut. Par ailleurs Georges-Yves Kervern me fait part de questions plus spécifiques :

QUESTIONS DE GYK

Q1. Symétrie entre micro-état et macro-état. Les physiciens opèrent à partir des traces produites par interactions d’un micro-état, avec des conditions extérieures créées délibérément par des opérations de ‘mesure’. Les cindyniciens opèrent  à partir d’accidents et de catastrophes qui sont les symptômes de dysfonctionnement de macro-états auxquels on impute ces événements non souhaités. Y a t'il là une symétrie ou un isomorphisme du point de vue des descriptions relativisées?

Q2. Les répétitions des accidents sont repérées par le terme "Série". L'existence de séries en cindynique peut-elle fournir la répétabilité exigée dans les questions de MMS ?

Q3. La transformation cindynique par une catastrophe est-elle une "falsification" au sens de Popper de la gouvernance du Système qui a "laissé se produire" la catastrophe ?

Q4. L'auto-description collective d'un systeme d'acteurs par lui-même peut-elle être reliée au "Bootstrap" et à la Figure de la METALEPSE ?