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Table Ronde

10.1.C

Mardi 10 Juin

9h-10h45
LA DÉCISION DANS LES SYSTÈMES DE SOIN : PRENDRE SOIN, UN PROJET DE CIVILISATION

Animation :

B. DELAETER (CHRU de Lille), M. CUCCHI (Elève Directeur - ENSP, Rennes)
Contributions préparées

M. CUCCHI

(CHRU de Lille - ENSP, Rennes)
" Le soin comme projet de transformation économique et sociale "

B. DELAETER

(CHRU de Lille)
" Soins et gestion à l'hôpital public : échanger pour se transformer "

M. GUILLOU

(Sciences de Gestion, ENSP, Rennes)
" Autonomie et dépendance dans le domaine sanitaire : prendre soin des personnes et gérer les activités de soin, une expérience en milieu hospitalier "

L. JOVIC

(ARSI et AP-HP, Paris)
" De l'évolution et du concept de soin dans la pratique des soins infirmiers "

P. LARDÉ

(CNRS-IFRESI, U. de Lille I)
" Prendre soin : relations sociales et rationalité "

Notes

La décision dans les systèmes de soins
10.1
Présentation de la table ronde

C

Mardi 10 Juin, 9h-10h45


La problématique du soin à l'autre et à soi-même est un des lieux où prend place et s'exprime la dialectique du savoir et du faire. Or, la raison qui anime le soin est aujourd'hui dominée dans le champ de la santé par deux rationalités dominantes, la rationalité médicale d'une part, la rationalité comptable/administrative/gestionnaire d'autre part. Mais le soin n'est pas forcément enfermé dans une thématique sanitaire, il est susceptible d'irriguer la réflexion économique, sociale, éducative. Il est alors possible de discerner derrière le projet de soin et l'attention portée à l'autre et à soi-même un authentique projet de civilisation, dès lors que nous ne nous contraignons pas à exercer nos représentations du soin dans le seul secteur de la santé. Lorsque la problématique soignante aura trouvé une certaine vigueur en s'enrichissant de tous les domaines qu'elle aura traversés, elle pourra apporter son éclairage essentiel pour comprendre un certain nombre de questions qui nous sont posées au détour de ce millénaire finissant.

Ljiljana JovicJovic définit la notion du soin pris dans son acception traditionnelle, mais qui s'impose néanmoins d'emblée comme une réalité complexe : " le soin relève de la complexité ". Elle traite de la manière dont s'élaborent les savoirs dans un domaine perçu essentiellement comme une pratique.

Michelle GuillouGuillou illustre la façon dont des concepts familiers à la pratique soignante peuvent éclairer la réflexion au-delà du seul champ sanitaire, en prenant l'exemple du complexe autonomie/dépendance.

Philippe Lardé s'intéresse à la relation de soin en centrant son propos sur la sphère domestique et présente les caractères respectifs de la prestation de soin par un professionnel et de la relation de soin par un proche, en n'oubliant pas la production du soin par l'intéressé lui-même.

En évoquant l'hôpital, Bernard DelaeterDelaeter décrit un univers cloisonné à la fois par un mouvement de spécialisation mal maîtrisé et par deux rationalités dominantes, la rationalité médicale et la rationalité gestionnaire, qui n'arrivent pas à se rencontrer. Trop souvent autocentré, il montre tout l'intérêt que l'hôpital aurait à s'ouvrir aux enjeux sanitaires de la société dans laquelle il s'inscrit. Dans cette perspective, l'environnement deviendrait une ressource et la santé du patient un enjeu crédible pour les différents acteurs de l'hôpital.

Michel CucchiCucchi invite à mesurer la distance entre la réflexion politique et le projet de prendre soin de l'homme, non pour constater platement que ce sont deux champs différents, mais pour tenter de tracer un chemin entre la pratique soignante et le projet de faire évoluer les modèles économiques et sociaux dans le sens d'une plus grande tolérance à la complexité de l'être humain.


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


La décision dans les systèmes de soins
Le soin comme projet de transformation économique et sociale

M. CUCCHI CHRU de Lille - ENSP, Rennes

10.1

C

Mardi 10 Juin, 9h-10h45


La science économique se propose classiquement de montrer qu'un certain mode d'organisation des activités économiques (un espace virtuel, le marché, une règle du jeu, la concurrence) est optimal d'un point de vue collectif (il est impossible d'améliorer la situation d'un individu sans détériorer celle d'un autre). Cette démonstration prend le plus souvent la forme d'une computation logico-mathématique dont les conditions de validité sont strictement limitées aux caractéristiques de l'espace virtuel ainsi conçu. Rappelons que dans cet univers sans inertie, sans frottement, deux entités dotées d'une rationalité idéale et omnisciente (appelée rationalité " substantielle ") s'échangent une entité uniforme (un bien physique privé contre une valeur monétaire) avec l'objectif de maximiser un profit pour l'une, une fonction d'utilité pour l'autre. Dans cet univers, le sujet, ses relations, la société elle-même n'existent pas. Sont évacués : le désordre, l'émergent, l'inattendu, l'imagination, l'intelligence, les mythes, le désir, l'angoisse de la mort, la faim, la fraternité, les syndicats, la vapeur, l'électricité, le pétrole, l'information... la vie sur la Terre.

Il est facile de démontrer que la prestation de soins par des professionnels ne constitue pas un marché, ou que penser la santé comme un bien ne nous renseigne en rien sur la manière dont nous pouvons agir. Il est plus difficile de s'interroger sur la réalité du soin. Mais nous ne sommes pas contraints de raisonner dans le cadre de ces catégories bien pauvres pour penser la complexité de la problématique du soin.

A la différence de la conception individualisant la prestation de soins comme entité autonome, qu'on ne sait guère apprécier au-delà des traditionnelles études coût-efficacité, nous défendrons le projet de soin comme projet de transformation économique et sociale, et nous soutiendrons qu'il n'est pas de projet de soin qui ne soit susceptible d'aboutir à une telle transformation. Pour ce faire, nous mettrons en évidence la nature relationnelle du soin, qui permet d'apprécier ce projet sur le terrain de l'étude des relations humaines, en débordant le secteur traditionnel de la santé pour irriguer la réflexion économique et sociale. Les projets de soin deviennent ainsi susceptibles de faire émerger un projet collectif autour de la personne humaine dans son cadre de vie et de travail.

Il convient donc de renforcer cette aptitude du soin à faire émerger des projets collectifs, non cantonnés à un secteur autorisé. Dans cette perspective, prendre soin de l'homme, c'est proposer un projet économique fondé sur l'échange entre personnes, et ne pas hésiter à contester une conception de l'économie fondée sur la computation logico-mathématique. C'est proposer un projet politique où la personne humaine est placée au centre de nos dispositifs collectifs (organisations productives ou artefacts étatiques), et refuser une conception de l'action politique qui satellise la réflexion sur les rapports sociaux pour se fonder sur le raisonnement à partir d'indicateurs abstraits. C'est proposer aussi, sans doute, une théorie du sujet visant à représenter - et non à réduire - sa complexité intrinsèque, afin de pouvoir édifier sur ce socle solide des projets de société dont la finalité ultime ne pourra être que... prendre soin de l'homme.


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


La décision dans les systèmes de soins
10.1
Soins et gestion à l'hôpital public : échanger pour se transformer

B. DELAETER CHRU de Lille

C

Mardi 10 Juin, 9h-10h45


" L'hôpital ne peut se comprendre aujourd'hui que comme un système relié à un environnement soumis à une forte turbulence et également en interne, comme un lieu de tensions fortes entre les acteurs sociaux qui ne trouvent plus leurs marques ". Dans un contexte de crise économique et de remise en cause de la légitimité de l'hôpital public, une approche systémique peut constituer pour le manager hospitalier un mode de réflexion utile pour conduire le changement.

Initier le changement à l'hôpital consiste d'abord à faire évoluer les hospitaliers dans leur perception de l'environnement. Echanger, regarder différemment les autres acteurs intervenant dans le domaine sanitaire et social est une condition nécessaire pour que l'hôpital recentre ses missions afin de répondre au mieux aux besoins exprimés par les usagers, prescripteurs, partenaires/concurrents.

Les caractéristiques socio-organisationnelles de l'hôpital public constituent cependant un frein à cette évolution majeure.

L'organisation de l'hôpital se caractérise d'abord par sa complexité. La spécialisation croissante des technologies a pour conséquence de susciter une forte différentiation à l'intérieur de l'hôpital (création de nombreux services répondant à la multiplication de spécialités). Cette forte différenciation n'est pourtant pas équilibrée par des mécanismes d'intégration suffisamment puissants. A l'intérieur de l'hôpital, les médecins jouissent d'une grande latitude d'action. Les services ont tendance à se comporter de manière autonome et les modes d'intégration entre médecins (ajustements mutuels et standardisation des qualifications) sont insuffisants lorsqu'il s'agit d'élaborer en commun un projet d'établissement. De surcroît, il n'y a pas de lien hiérarchique entre la direction générale et les praticiens hospitaliers : les deux rationalités dominantes (le médical et le gestionnaire) ont du mal à se rejoindre.

Ces caractéristiques de l'hôpital ne peuvent que favoriser une certaine cécité de l'institution à son environnement. En effet, l'information pertinente sur l'environnement est principalement détenue par les services médicaux. Le cloisonnement entre ces derniers ne permet pas à l'hôpital de disposer spontanément d'une vision claire et opérationnelle des besoins et évolutions de l'environnement. Les décisions de la direction générale peuvent alors être prises dans le seul souci de maintenir un équilibre entre les groupes de pouvoir à l'intérieur de l'organisation. De surcroît, la méconnaissance de l'environnement entraîne parfois des réflexes de méfiance voire de peur. L'environnement peut être perçu comme un élément déstabilisateur des équilibres précaires obtenus difficilement à l'intérieur de l'organisation. Les conséquences de cette cécité à l'environnement, caractéristique de l'hôpital autocentré, peuvent être graves : un divorce entre attentes des usagers et services offerts.

(…)

En conclusion, accéder à une information pertinente et finalisée sur l'environnement est une étape nécessaire susceptible de modifier les perceptions, les règles du jeu à l'intérieur de l'organisation : " l'environnement est considéré alors comme une réalité nourricière - un écosystème - qui offre des espaces de vie, des opportunités nouvelles, des ressources inattendues " Les voies du partenariat sont alors préférées à la concurrence, le choix est souvent fait de l'intégration du service dans un process de soins qui déborde à l'extérieur de l'établissement (filière de soins), le malade est enfin remis au cœur des processus de réorganisation de l'activité hospitalière.


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


La décision dans les systèmes de soins
Autonomie et dépendance dans le domaine sanitaire :

prendre soin des personnes et gérer les activités de soin, une expérience en milieu hospitalier

M. GUILLOU Sciences de Gestion, ENSP, Rennes

10.1

C

Mardi 10 Juin, 9h-10h45


" Prendre soin " des personnes, selon l'expression due à Walter HESBEEN, Professeur à l'Ecole Nationale de la Santé Publique est une activité complexe. Elle se réalise, en milieu professionnel (hospitalier par exemple) dans le cadre d'un rapport soigné/soignant(s) caractérisé par la singularité et, le plus souvent, la mise en présence de l'un et l'autre (des autres).

Gérer des activités de soins, au sens de prévoir, organiser, affecter, ajuster les ressources en fonction des " besoins " des patients requiert l'utilisation d'indicateurs et outils d'aide à la décision dont l'intrusion dans le monde des soins s'est renforcée au fil du temps sous l'influence de la spécialisation croissante de la médecine ainsi que de la politique de maîtrise des dépenses de santé. La tendance est à l'usage d'indicateurs relatifs aux patients, ces derniers étant mis au centre des systèmes d'information d'aujourd'hui. On tente ainsi de catégoriser les patients en fonction du niveau de leur prise en charge, donc des ressources affectées à celle-ci, associées à quelques caractéristiques médicales. Ce faisant, on abouti à une certaine représentation du système patients/moyens mobilisés, pour un service, un hôpital ou une clinique, un ensemble régional ou national de structures. Cette représentation est réductrice de la richesse des soins, ce qui en fait du même coup une représentation plus facilement communicable, censée permettre des négociations sur une base plus proche de la réalité des activités de soins.

(…)

Au cours de l'intervention, on se propose de présenter une expérience de construction et implantation d'un indicateur soignant visant l'aide à la décision fondé sur une approche différente. Appuyé sur la notion de dépendance et proposant une description globale, cet indicateur tente de conserver indissociable le couple patient/soignant(s) qui se constitue dans la relation de soin, tout en permettant de le caractériser et de l'interpréter du point de vue d'une aide à la gestion des soins et des services, d'une manière partageable avec d'autres professionnels, voire hors du champ de la santé. Au sein des établissements utilisateurs, les premières observations font apparaître plusieurs phénomènes :

- l'émergence d'un processus d'apprentissage collectif autour d'une représention commune et simple de la relation patient/soignant(s) indicative de la lourdeur de prise en charge, et cela par-delà les spécialités des services.

- le souhait progressif d'associer d'autres professionnels du soin à la description de cette dépendance : ergothérapeute, kinésithérapeute, diététicienne, ...voire parfois les familles.

- la mise en évidence concrète par les équipes de soins et leurs cadres de la nécessité du débat sur le sens du soin, débat qu'induit sans grand délai l'usage du concept de dépendance de par sa relation complexe avec l'autonomie.


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997

La décision dans les systèmes de soins
10.1
De l'évolution et du concept de soin dans la pratique des soins infirmiers

L. JOVIC ARSI et AP-HP, Paris

C

Mardi 10 Juin, 9h-10h45

Un regard sur les années 1970 et 1980 montre qu'elles sont une période charnière quant à l'exercice professionnel infirmier. D'une pratique reposant sur les qualités propres aux personnes assortie de règles de conduite, on assiste à une mutation vers des soins infirmiers centrés sur le contenu de la pratique. Cette évolution conduit au besoin de préciser le champ des soins infirmiers, d'en définir le contenu et d'en fixer les limites, permettant ainsi de déterminer la perspective unique et de formaliser les aspects spécifiques à la discipline. L'une des propositions les plus abouties à ce jour, bien qu'encore imparfaite, est le repérage des concepts centraux regroupés dans le métaparadigme infirmier. Les concepts sur lesquels il y a le plus de consensus sont : soin, santé, personne et environnement. Nous nous intéresserons ici plus particulièrement au concept de soin dans son acception clinique.

Le concept de soin est polysémique. Il tente d'intégrer une multiplicité d'axes auxquels il s'agit de trouver une cohérence, une complémentarité, une adaptation permanente, en les inscrivant dans le processus dynamique du soin. En effet, il s'agit dans chaque situation clinique, qui par essence est unique, de trouver l'adéquation entre les besoins physiques, psychologiques, sociaux, spirituels, culturels, techniques et instrumentaux, les valeurs, les attentes, les sentiments, les affects, les relations interpersonnelles... Si les techniques de soins sont plus ou moins compliquées, le soin relève lui de la complexité. Le soin s'inscrit à la fois dans une continuité et des ruptures historiques et temporelles, il est présent pour maintenir et assurer la continuité de la vie en dehors et dans le contexte de maladie ou de souffrance. Il s'exerce dans le quotidien par chacun, et dans un contexte professionnel pour les infirmières.

A la fin du siècle dernier, le soin est orienté vers les problèmes, les déficits ou les incapacités de la personne. L'infirmière élimine les problèmes et/ou supplée aux déficits et incapacités. La conception des soins est un mélange de morale, de tâches d'hygiène et de tâches prescrites par les médecins (à visée diagnostique et thérapeutique). Les interventions sont très proches du champ de compétence médicale. Dans ce contexte, la personne soignée n'est pas invitée à participer aux décisions de soins qui la concernent. Puis la définition du soin évolue car il a pour but le maintien de la santé de la personne dans toutes ses dimensions : physique, mentale et sociale. L'infirmière évalue les besoins d'aide de la personne en tenant compte de ses perceptions et de sa globalité. Intervenir signifie agir "avec" la personne afin de répondre à ses besoins.

Actuellement, le soin vise le bien-être tel que la personne le définit. L'infirmière l'accompagne dans ses expériences de santé en suivant son rythme et son cheminement. Elle utilise tout son être, y compris une sensibilité qui comprend des éléments au delà du visible et du palpable. Intervenir signifie "être avec" la personne. L'infirmière et la personne sont des partenaires d'un soin individualisé. Le soin devient spécifique, personnalisé et contextuel. Dans le champ professionnel le soin prend appuie, d'une part sur la complémentarité médicale, et d'autre part sur une situation clinique à partir de laquelle en fonction de ses connaissances et de ses compétences l'infirmière décide et éventuellement met en oeuvre des stratégies. Il s'agit d'orienter la nature des soins à pourvoir en faisant preuve de discernement et en engageant les décisions induites par ce discernement. L'élaboration des savoirs en soins infirmiers s'opère dans une double dynamique inductive en ce qu'elle puise des connaissances empiriques issues de la pratique et de l'expérience, et parfois se réapproprie des savoirs tombés dans l'oubli de l'oralité, et déductive par l'intégration de théories et/ou connaissances provenant de disciplines connexes. L'ensemble ayant une perspective de construction des savoirs propres à la discipline au plan théorique et au plan pratique.


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997

La décision dans les systèmes de soins
Prendre soin : relations sociales et rationalité

P. LARDÉ CNRS-IFRESI, Université de Lille I

10.1

C

Mardi 10 Juin, 9h-10h45


"Prendre soin" ne s'inscrit pas seulement dans un rapport direct avec l'autre (prendre soin de quelqu'un), c'est tout d'abord un rapport avec soi-même (prendre soin de soi). Et en prenant soin de soi, on prend aussi soin des autres.

Le soin s'inscrit dans un tissu de relations complexes structuré par des relations interpersonnelles, dans lequel le "sujet" bénéficiaire du soin est à la fois "l'objet" et "l'acteur" du soin. Dans la relation de soins peuvent intervenir, de façon plus ou moins simultanée, séquentielle et coordonnée de nombreux et divers prestataires (professionnels ou non).

Mais la relation n'a pas seulement le sens d'un rapport entre deux individus : le prestataire d'une part, le destinataire du soin de l'autre. Interviennent aussi les représentations sociales. En raison de la forte dimension affective et de l'incertitude souvent radicale qui entourent le soin, le prestataire et le destinataire sont amenés à procéder par ajustements successifs et parfois mutuels où interviennent ces représentations sociales.

Ainsi, dans le domaine du soin, entrent en jeu les acteurs suivants :

· Le prestataire professionnel de soins (ou l'organisation prestataire) vise à développer une stratégie d'offre basée sur sa compétence et son "réseau-producteur". Cette stratégie est influencée de manière plus ou moins forte par le mode de rémunération (rémunération à l'acte pour les professionnels de santé libéraux, dotation budgétaire pour les organisations publiques de soins) et par la qualité relationnelle ou l'image, qui fondent la fidélisation de la "clientèle" et la réputation. La dimension temporelle du soin revêt également une grande importance : l'acte-type de soins est par essence bref, fréquent, et paradoxalement sans suite. Il en résulte un traitement fragmenté du problème de santé. Pour celui-ci, la temporalité " rationnelle " du soin correspond à la durée et à la fréquence des actes.

· Pour le prestataire appartenant à la sphère domestique, le soin est une prise en charge, c'est l'endossement d'une responsabilité, c'est un soutien à la fois quotidien et global.

· Le destinataire peut être aussi considéré comme un "co-producteur" voire un "producteur" de son soin : producteur en prenant soin de lui-même (prévention), évitant par là une prise en charge domestique (prendre soin des autres), co-producteur en participant avec le prestataire professionnel à la définition du diagnostic et en suivant ses prescriptions. Pour réduire l'incertitude lors de son recours au professionnel du soin, il tendra - quand il est en situation de choisir - à multiplier les avis d'experts, ceux-ci étant choisis sur la base de la réputation véhiculée par le bouche à oreille. C'est la confiance, fondée largement sur la qualité relationnelle "soigné - soignant", qui dicte, quand cela est possible, le choix de l'entrée dans la filière de soins. Mais cette entrée dans la filière s'effectue en règle générale par le choix du médecin généraliste, qui surdétermine le "soin" par l'adressage à son réseau producteur.


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


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