97
Table Ronde

10.2.A

Mardi 10 Juin

14h15-16h
Complexité et économie politique

Animation :

R. DELORME (université de Versailles, C3ED, CEPREMAP)
Contributions préparées

R. Delorme

(Université de Versailles, C3ED, CEPREMAP)

" Décider en situation complexe "

P.-Y. Gomez

(ESC Lyon)

" Le modèle conventionnaliste des organisations "

E. Magnin

(Université de Paris I et CEMI)

" Edgar Morin est-il intéressant pour les économistes ? Une méthode pour penser la transformation des pays de l'Est "

M. Orillard

(Université d'Aix-Marseille III, GRASCE, CNRS)

" Incomplétude et modes de coordination "

C. Schmidt

(Université de Paris IX-Dauphine)

" Le jeu, objet complexe "

S. Solari

(Universités de Versailles et de Padoue)

" La relation Etat-Economie en Italie est-elle réductible ? "

Notes

Complexité et économie politique
10.2
Décider en situation complexe

R Delorme Université de Versailles, C3ED, CEPREMAP

A

Mardi 10 Juin, 14h15-16h


Diverses sources et formes d'irréductibilité peuvent engendrer la complexité d'un objet pour un observateur, un théoricien ou, d'une manière générale, pour un acteur-sujet en relation avec un objet, quel que soit le domaine d'activité, maçonnerie, pratique scientifique, boucherie ou autres. Le plus souvent la complexité de l'objet n'empêche pas l'activité concernée de se dérouler d'une manière satisfaisante au regard des normes en vigueur dans cette activité. Cela est rendu possible par la disponibilité de méthodes ou techniques d'action sur l'objet ou de traitement de l'objet. La situation est alors non complexe. Une situation est complexe lorsqu'il n'existe pas de technique de traitement de l'objet satisfaisante. L'examen de cette difficulté ne peut plus alors se déployer seulement sur le plan objet, substantiel. Il n'est plus possible de ne pas s'intéresser à l'amont, au plan méta, celui où joue le principe génératif du produit en lequel consiste l'objet. Le principe de solution peut alors s'exprimer simplement : il s'agit de concevoir une technique de traitement méta. Le contenu de la solution présente bien sûr une difficulté d'un autre ordre ! Il impose de tenir la distinction entre les couples de notions en boucle récursive par lesquels s'exprime la complexité : procédure/substance ; niveau méta/niveau objet ; principe génératif/produit.

La décision ou l'action en situation complexe peut alors être envisagée dans deux directions en économie politique, compte tenu du cas de situation complexe que crée l'échec contemporain de pays européens à propos de l'emploi, pour ne prendre que cet exemple. La première direction est celle de la modélisation d'un schéma de décision fondé sur une caractérisation fine des étapes d'intelligence, de conception, de sélection et d'évaluation. La seconde direction porte sur l'adaptation de ce schéma à la formation de la politique économique de situation complexe.


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


Complexité et économie politique
Le modèle conventionnaliste des organisations

P.-Y Gomez ESC Lyon

10.2

A

Mardi 10 Juin, 14h15-16h

1- Par modélisation complexe, nous entendons un type de modélisation qui met en évidence des relations non-linéaires entre les variables, c'est-à-dire telles que la fonction de comportement d'au moins une variable est déterminée par le comportement simultané de plusieurs autres variables du système.

2- La modélisation des organisations économiques repose sur l'articulation traditionnelle entre individus d'une part et organisation d'autre part. Les différentes théories des organisations articulent ces deux variables de manière linéaire: (1) Soit en partant des individus et en montrant que l'organisation est la résultante de leur comportement. C'est la conception " ascendante" de l'organisation (modèle de la décision, théories des relations humaines, etc.) (2) Soit en partant des organisations et en montrant que les comportements des individus sont déterminés par les règles élaborées par les organisations. C'est la vision "descendante" de l'organisation (modèle tayloriste, marxiste, théorie de l'apprentissage, etc). Dans les deux cas, on a une distinction entre individu et organisation qui assure la non-linéarité et donc la non-complexité au sens défini en 1, des modèles de l'organisation (ce qui n'empêche pas de les raffiner en les compliquant).

3- Dans le modèle conventionnaliste de l'organisation (MCO), nous avons posé l'hypothèse de non-séparation entre l'individu observé dans l'organisation et l'organisation elle-même (GomezGomez 1994, 1996). De manière axiomatique, l'organisation est une convention: elle est construite par les comportements des individus mais, symétriquement, donne leur sens à ces comportements. On a une co-définition de l'organisation et des individus qui la composent. Sur cette base, nous avons pu développer une modélisation appliquée à deux types d'organisations: les entreprises et les marchés.

Cette modélisation utilise systématiquement la théorie du système général (Le MoigneLe Moigne 1977): dès lors que l'on ne peut "partir" de l'individu ou de l'organisation pour raisonner sur cette dernière, il faut poser simultanément l'un et l'autre dans un ajustement permanent et complexe. La systémographie facilite cette modélisation et la notion même de complexité y joue un rôle crucial en permettant de qualifier les "conventions" observées selon leur degré de complexité.

4- dans les deux tables-rondes auxquelles nous participerons, nous n'aborderons pas le contenu du MCO mais deux points de vue qu'il permet de tenir sur la relation complexité/ sciences humaines:

- Dans "Agir communicationnel et gouvernement d'entreprise" (9.2.A.) nous aborderons de manière critique le lieu commun qu'est devenu "l'agir communicationnel" habermasien, notamment lorsqu'il conduit dans les entreprises, à l'utopie de la "prise de parole" et de la négociation généralisée. Nous défendrons le point de vue, fondé sur le MCO, que l'entreprise se gouverne par des assujettissements à des conventions qui fonctionnent efficacement comme "l'inconscient social" des organisations et que les "prises de paroles" ne font que confirmer.

- Dans "Complexité et économie politique", (10.2.A) nous montrerons que le MCO se développe en sciences de gestion mais marque le pas en sciences économiques. Notre hypothèse est qu'il apporte un corpus théorique aux sciences de gestion confrontées par définition du "management" à la confusion entre individus et organisation, alors qu'il s'inscrit en contradiction avec les sciences économiques, sciences du "ménagement", de l'allocation de ressources, donc de la séparation et du "marquage" des individus indispensables pour établir des critères de choix calculés.


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


Complexité et économie politique
10.2
Edgar Morin est-il intéressant pour les économistes ? Une méthode pour penser la transformation des pays de l'Est

E. Magnin Université de Paris I et CEMI

A

Mardi 10 Juin, 14h15-16h


La transformation des économies d'Europe centrale et orientale est un phénomène complexe. La méthode de la complexité semble à même de l'appréhender sans en réduire l'intelligibilité, à la différence de l'approche théorique dominante de la transition en sciences économiques, qui s'inscrit dans le cadre de la pensée scientifique classique. Edgar Morin, qui s'est efforcé d'en exposer les fondements épistémologiques, peut alors aider l'économiste. Toutefois, il ne s'agit pas de transposer une méthode sur la réalité économique sans discernement ni précaution. Il s'agit plutôt d'identifier certains éléments méthodologiques d'une pensée de la complexité présente dans la littérature économique, que l'on peut trouver chez un certain nombre d'auteurs ayant posé les jalons d'une telle approche en économie. Les principes méthodologiques retenus sont les suivants : la multidimensionnalité, le jeu du concept trinitaire interrelation-organisation-système et du tétralogue désordre-interactions-organisation-ordre dans les phénomènes étudiés, les notions de causalité et de temps complexes. Ces principes - non exhaustifs - offrent alors la possibilité de réinterpréter certains travaux économiques évolutionnaires et institutionnalistes et d'esquisser une approche théorique de la transformation de l'Europe de l'Est.

Le cœur de l'approche théorique de la transformation repose sur les interactions entre institutions, organisations et modes de coordination. Dans ce cadre, un système économique repose sur l'articulation de trois modes d'organisation des relations de production et d'échanges entre acteurs, que sont le marché, la hiérarchie et le réseau, insérés dans un champ d'institutions. Un champ institutionnel est l'ensemble des institutions, qu'elles soient formelles (lois, règles), informelles (coutumes), ou qu'elles prennent la forme de macro-institutions, qui contribuent à l'organisation des interactions économiques, grâce à l'action organisante des marchés, réseaux, hiérarchies, au sein d'un système complexe aux divers niveaux d'organisation distingués (organisation-firme, sous-systèmes méso-économiques tels le système financier ou l'Etat, système économique global). Il existe ainsi une hiérarchie gigogne de champs institutionnels associée à la hiérarchie des niveaux d'organisation. La spécificité de la transition est interprétée comme un processus de changement rapide et radical des institutions formelles, tandis que les institutions informelles, généralement héritées de l'ancien système socialiste, évoluent plus lentement. La combinaison de ces deux types d'institution entraîne l'émergence de formes macro-institutionnelles hybrides caractéristiques de la période post-socialiste. Parallèlement, cette recomposition des champs institutionnels contribue à l'auto-réorganisation des relations de production et d'échanges aux divers niveaux d'organisation. Des formes organisationnelles hybrides émergent également au cours du processus. Certaines de ces formes, quel que soit leur degré d'efficacité, sont susceptibles de se stabiliser durablement et d'influer sur le processus de transformation en cours. De plus, le processus actif qu'est l'organisation tend à modifier et à renforcer le champ institutionnel organisateur par rétroaction. Un nouveau champ institutionnel national se met en place ainsi progressivement et, tel un "attracteur systémique", attire le système économique vers une forme plus ou moins stabilisée sur un horizon temporel donné. Si les concepts d'attracteur et de champ institutionnel impliquent une forme de déterminisme, l'issue du processus de transition reste en partie indéterminée et dépendante du chemin construit. Enfin, ce sont les spécificités des formes institutionnelles et organisationnelles émergentes qui confèrent leur originalité aux systèmes économiques post-socialistes et qui déterminent leurs performances macro-économiques. L'intérêt de cette démarche théorique a été éprouvée à partir de l'analyse des expériences plus concrètes de trois pays : la Hongrie, la Pologne et la République tchèque.

(Texte complet disponible auprès de l'auteur)


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


Complexité et économie politique
Incomplétude et modes de coordination

M. OrillardOrillard Université d'Aix-Marseille III,

GRASCE, CNRS

10.2

A

Mardi 10 Juin, 14h15-16h


Partant du principe selon lequel les agents économiques expriment leurs motivations, leurs contraintes et leurs projets à partir de différents codes, nous définirons les notions d'espaces cognitifs individuels et collectifs en tant que référentiels possibles du point de vue de la description des processus d'émergence et d'évolution des constructions sociales.

Dans ce contexte le caractère à la fois incomplet, et multidimensionnel des représentations sur lesquelles se fondent les acteurs sociaux dans l'espoir de générer des processus de coordination et de coopération au sein de la société, tout autant que la question de leur intelligibilité, nous renvoient à la notion d'autonomie - des agents et des groupes. C'est dans ce sens que nous ferons appel à une hypothèse intermédiaire entre l'individualisme méthodologique et le holisme, l'interactionnisme, pour rendre compte, d'un point de vue procédural, de l'aspect créatif des processus cognitifs sous-jacents.

On espère alors pouvoir aborder l'étude du caractère, stratégique ou délibéré, intentionnel ou spontané des décisions de politique économique, avec l'espoir, par exemple, d'aborder le problème douloureux de la gestion des crises. On retrouve à ce niveau la notion de médiation ou dans le contexte des processus de codage, de surcodeur et la nécessité de raisonner à un méta-niveau pour abandonner le caractère purement marchand des relations de coordination et de coopération et tenir compte d'éléments moteurs tels que la confiance, la réputation, la crédibilité rejoignant par là l'aspect immatériel des relations.

On tentera alors de justifier d'un point de vue procédural, le caractère parfois délibéré des constructions sociales même éphémères, ainsi que l'aspect positif et stratégique de la notion d'opacité en matière de choix sociaux.


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997

Complexité et économie politique
10.2
Le jeu, objet complexe

C. Schmidt Université de Paris IX-Dauphine

A

Mardi 10 Juin, 14h15-16h


Qu'est-ce qu'un jeu ? Il n'est pas de réponse simple à cette question : diversité des espaces de définition, multiplicité des niveaux de connaissance, variété des processus dynamiques, le jeu est un objet complexe. Fort de cette évidence, nous nous proposons de reconsidérer, dans cette perspective, la contribution de la théorie des jeux à la compréhension des phénomènes économiques.

L'approche par les jeux peut être utilisée comme un révélateur de la complexité des situations interactives. Elle met en évidence la pluralité des possibilités que comporte chaque situation (cheminements, équilibres...) et permet ainsi d'étendre le spectre des solutions offertes aux décideurs.

L'objet de cette communication vise à approfondir ce renouvellement méthodologique de la modélisation économique par les jeux en partant de l'analyse d'un petit nombre d'exemples représentatifs.


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Complexité et économie politique
La relation Etat-Economie en Italie est-elle réductible ?

S. Solari Universités de Versailles et de Padoue

10.2

A

Mardi 10 Juin, 14h15-16h


La forte croissance de son déficit publique fait de l'Italie un objet d'étude très intéressant pour la relation Etat - économie. Cette relation est normalement exprimée par des variables macroéconomiques comme la dépense publique et les impôts. Une telle définition comporte certains problèmes. Le premier est celui de l'intentionnalité des politiques fiscales. Cette relation n'est pas évidente dans une analyse des séries temporelles qui au contraire démontre une certaine autonomie de l'évolution des dépenses. Le second est représenté par l'aspect qualitatif de la dépense et des recettes qui est toujours très important pour la définition des effets sur l'économie. Le troisième est la confusion due à l'usage impropre de certains instruments (pension d'invalidité aux chômeurs...). Enfin, il est toujours difficile d'établir les limites qui séparent l'Etat de l'économie.

Une deuxième possibilité d'analyse est de trouver directement des rélations entre les diverses activité de l'Etat et l'économie, sans utiliser la macroeconomie. Dans cette perspective le rôle des normes et l'impact de la réglementation est un sujet difficile à étudier. L'énorme production de normes du système italien ne paraît pas avoir pour autant réglé avec précision la vie civile et économique du pays. Le rôle de coordination et de concertation de l'Etat est difficile à évaluer. Il apparaît difficile de déterminer si ceci a porté à une concertation plus démocratique ou a bloqué les mécanismes de marché et légitimé le rôle parasitaire des organisations des intérêts. La présence de l'Etat dans les institutions financières est très ambigü. L'Etat était propriétaire de la plupart des banques nationales et sa présence est encore forte. Ce fait a-t-il engendré une politique financière de meilleure allocation des ressources ou est il à l'origine des énormes souffrances des banques? Et dans cette optique un certain nombre de questions restent posées. Les services publics influencent l'évolution des marchés privés, ont ils eut un rôle d'avant garde ou celui de ralentir le développement économique? De plus, la présence de capitaux mixtes publics/privés dans l'économie a le mérite d'organiser des investissements novateurs ou est il orienté à la stabilisation de la rentabilité des capitaux privées? D'autre part, dans la mesure où la charge des intérêts de la dette publique redistribue une grande partie des ressources, ça redistribution a-t-elle un rôle positif pour le développement des épargnes privées ou garantit-elle la rentabilité des institutions financières qui manquent d'éfficacité?

Dans la plupart des ces questions on trouve des éléments pour confirmer le bien fondé de toutes ces hypothèses différentes et contradictoires, sans toute fois oublier que chaque relation linéaire cause-effet est arbitraire et incomplète. La difficulté de donner des réponses complètes a ces questions est due à la complexité des relations qui ont lieu dans une économie en évolution. Il s'agit de relations bouclées et enchevêtrées entre éléments hétérogènes qui ne se prêtent pas toujours à une analyse dans la totalité de leurs aspects. Les marchés opèrent sur des institutions qui sont fortement influencées à plusieurs niveaux par l'action de l'Etat, qui à la fois est limité par la présence de la structure institutionelle. Les exemples les plus évident ont été les privatisations. Toutes les tentatives pour créer un marché moins concentré et un actionnariat plus dispersé ont échoué dans leur but et le résultat en a été le renforcement de la structure des pouvoirs déjà mis en place dans la société. Cette complexité dans la présence de l'Etat implique des difficultés pour le séparer de l'économie. Il n'y a ni continuum Marché-Etat ni opposition: ils prennent en consideration différents niveaux logiques de l'organisation sociale. Quoi qu'il en soit, l'interdépendance entre les deux est très forte et donne origine à un procès de co-évolution


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


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