97
Table Ronde

10.2.E

Mardi 10 Juin

14h15-16h
Complexité et Cité

Animation :

P. FOUILLAND (Fondation Charles Leopold Mayer pour le progrès de l'Homme)

P. VIVERET (Europe 99, projet de civilisation),

A. BRAUN  (SICS)
Contributions préparées

F. BLASCO, S. THIBAULT

(CESA, Tours)

" Gouvernance urbaine et maîtrise d'ouvrage urbaine, l'intervention d'une Société d'Economie Mixte Locale dans les quartiers du Contrat de Ville de Nîmes "
L. DE CARLO

(ESSEC - Cergy Pontoise)
" Processus de décision en matière de grands projets d'infrastructure : l'exemple de l'A104 "
M.-C. DUPRÉ

(Anthropologue, CNRS)
" Paradoxes et pragmatique de l'écologie humaine et du développement durable. Peut-on déclarer qu'une rivière sans poisson résulte d'un choix de société ? "
L. FAUGÈRES

(U. de Paris I, Géographie)
" Gestion globale des risques et des crises "
J.-P. FERRIER

(U. de Provence, Géographie)
" Post-urbanisation, métropolisation et habitation durable des territoires "



P. FOUILLAND

(Fondation Charles Leopold Mayer pour le progrès de l'Homme, ancien élu à l'urbanisme au Havre)

" Citoyenneté et expertise dans la gestion territoriale "
Notes

Complexité et Cité
10.2
Gouvernance urbaine et maîtrise d'ouvrage urbaine, l'intervention d'une Société d'Economie Mixte Locale dans les quartiers du Contrat de Ville de Nîmes

F. Blasco, S. Thibault CESA, Tours

E

Mardi 10 Juin,14h15-16h


L'histoire de la SCET et de son réseau de sociétés d'économie mixte locales est irrémédiablement liée à la ville. Constructions, réhabilitations, aménagements dans les villes ont toujours été depuis sa création en 1956, les raisons d'existence de la Société Centrale d'Equipement du Territoire (SCET). Il n'est donc pas surprenant au moment où la société française est confrontée à une nouvelle crise urbaine et où les pouvoirs publics, à l'échelon national et local, développent un ensemble d'actions regroupées sous le label Politique de la Ville, que la SCET s'engage fortement dans le processus de revalorisation des quartiers frappés par la crise. La recherche que nous menons se réfère explicitement à ce contexte. Néanmoins elle procède directement d'une commande formulée en 1995 par la société d'économie mixte d'aménagement de la Ville de Nîmes, la SENIM et au-delà par le réseau de la SCET.

Les origines et la formulation de la commande de recherche

Constituée en 1986 afin de mener à bien l'aménagement du sud de l'agglomération de Nîmes, secteur en fort développement à l'instar de l'exurbanisation des fonctions du centre ancien, la SENIM va connaître en 1994 une évolution significative de ses missions. Elle est en effet, chargée par les trois partenaires signataires du Contrat de Ville de Nîmes (Etat, Conseil Général du Gard et Ville de Nîmes) d'assurer une mission de coordination des actions " Politique de la Ville " sur le quartier Valdegour (Z.U.P. de 2.500 logements). La mission évolue par la constitution en 1996 d'une équipe de Maîtrise d'Oeuvre Urbaine et Sociale au sein de la SEML. La M.O.U.S. est chargée par les trois partenaires d'assurer la coordination de l'ensemble des actions du Contrat de Ville de Nîmes plus particulièrement sur six quartiers populaires de la Ville.

Très vite l'enjeu de l'évolution de la SENIM et par conséquent la production de nouvelles pratiques est identifié par la nouvelle direction de la SEML. Si l'entreprise est bien assise sur ses missions classiques d'aménageur et de promoteur d'infrastructures et d'équipements, elle doit pour mener à bien ses nouvelles prérogatives, améliorer et développer sa capacité d'expertise et mieux s'impliquer dans le système d'acteur local à travers la politique publique.

Du programme d'action au processus projet : évolution de la figure de la maîtrise d'ouvrage

Dans une démarche de requalification des quartiers en difficultés, une société d'économie mixte locale d'aménagement, dispose d'un savoir faire technique et financier éprouvé qu'elle peut mettre au service des collectivités locales. Outre ces savoir-faire reconnus, l'entreprise doit répondre à de nouvelles exigences pour assurer le pilotage d'un système complexe, le contrat de ville de Nîmes. La notion de Maîtrise d'Ouvrage, terme familier aux opérateurs de l'aménagement et parfaitement défini dans le domaine de la construction (cf. Loi M.O.P.), recouvre une réalité bien particulière dans le domaine des opérations de développement social urbain. Pour mener à bien les actions Politique de la Ville et assumer une maîtrise d'ouvrage complexe, la SEML doit se donner les moyens de :

· Développer une ingénierie de projet de développement dans un environnement complexe plutôt qu'une programmation sectorielle d'opérations,

· Adapter la maîtrise d'ouvrage urbaine aux exigences partenariales, à l'émergence de corps intermédiaires dans le processus de la décision, et à l'hybridation des ressources (financières, techniques, humaines),

· Coordonner, évaluer et ajuster la formulation d'une politique publique d'ensemble dont les actions peuvent être formelles ou informelles,

· se resituer dans une approche d'agglomération pour permettre le traitement de quartiers qui appellent une solidarité territoriale d'ensemble (figure de la gouvernance urbaine),

Par rapport aux pratiques classiques de la recherche en sciences humaines, cette expérience nous amène à constater la particularité d'une recherche en milieu de travail. La discipline Aménagement-Urbanisme ne dispose pas d'un ensemble de méthodes et de démarches adaptées.Nous nous trouvons donc en situation de construction d'une démarche scientifique et d'une heuristique locale, dont l'enjeu n'est pas de dogmatiser mais consiste à capter les règles de normativité qui participent à la production de la ville.


97
Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


Complexité et Cité
Processus de décision en matière de grands projets d'infrastructure : l'exemple de l'A104

L. De Carlo ESSEC - Cergy Pontoise

10.2

E

Mardi 10 Juin,14h15-16h


La circulaire Bianco du 15 décembre 1992 a institué un débat public préalable aux décisions sur les grands projets nationaux d'infrastructures (en particulier autoroutières et ferroviaires à grande vitesse). L'objectif de la circulaire est de "préciser les conditions d'un débat transparent et démocratique".

A travers le cas du débat autour de l'autoroute A104 qui va relier Cergy-Pontoise à Orgeval, seront discutés plusieurs aspects complexes de l'application de la circulaire : la définition d'une première phase de débat sur les grandes fonctions du projet, déconnectée des études de tracé ; la position délicate des élus locaux, favorables au développement économique de leur territoire et défenseurs du cadre de vie de leurs électeurs ; le rôle du préfet coordinateur, représentant de l'Etat initiateur du projet et organisateur du débat ; le rôle ténu de la Commission du suivi. Faut-il instituer des médiateurs ?


97
Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997

Complexité et Cité
10.2
Paradoxes et pragmatique de l'écologie humaine et du développement durable.

Peut-on déclarer qu'une rivière sans poisson résulte d'un choix de société ?

M.-C. Dupré Anthropologue, CNRS

E

Mardi 10 Juin,14h15-16h

L'Ance du nord, affluent riche gauche de la Loire, naît et coule dans les granites des monts du Forez. L'anthropologue compare les paroles des Institutions présentes dans cette vallée avec les souvenirs et les observations des habitants. Rien, ou presque, ne coïncide.

Institutions

- Eau : l'Ance est trop propre, la vallée est non polluée.

- Pêche : rivière 1° catégorie, bonheur des pêcheurs de truites, soigneusement alevinée...

- Parc régional : la déprise agricole n'empêche pas l'activité économique ; stimulations, prix.

- Agriculture : l'élevage hors-sol est une bonne solution ; subventions aux techniques de production modernes, sevrage des mouillières, labourage des prés, dossiers avec prise en compte, sur papier, de l'environnement.

- Tourisme : remanier les paysages avec remembrement, souhait de grandes parcelles ; plan d'eau en tête de rivière, "signaux" sur la route baptisée "les balcons du Forez" (Dpt. LOIRE).

- Assainissement : stations d'épurations dans les bourgs ; prévisions pour tous les villages.

Habitants

- Eau : l'Ance a moins d'eau, ses affluents sont asséchés ; les puits et sources sont nitratés et pollués ; captages de plus en plus profonds et hauts nécessaires aux adductions.

- Pêche : il y a de moins en moins de truites et autres poissons ; perches et hérons sont arrivés. Les alevinages ne produisent plus de truitelles (150/10.000, au lieu de 1.500/10.000 il y a peu). On diminue les gardes, on les charge de "protéger" l'environnement. Ils sont sous tutelle de l'Agriculture de plus en plus polluante, mais qui ne sanctionne jamais.

- Parc régional : fonctionne avec ses clients ; fait planter des genêts... ; personnel peu visible et peu curieux des choses locales ; main d'oeuvre électorale.

- Agriculture : paysans lourdement endettés, à 70 heures par semaine, courent les subventions (près de 60 % de leur revenu), leurs gros troupeaux concentrent les fumiers et obligent à remodeler les sols. Engrais indispensables, hors-sol trop petits pour dépollution obligatoire et polluant bien réellement. "Nos jeunes assassinent le pays".

- Tourisme : paysages vides d'habitants : plan d'eau pollueur de l'Ance et des stations de pompage ; entretien "électoral" des rives par association intermédiaire.

- Assainissement : stations qui dysfonctionnent. Boues très polluées et non fertilisantes vendues aux paysans. Nitrates et phosphates rejetés à la rivière. Coûts ; pression des Compagnies pour intervenir, alors que là où elles sont, elles ne font rien pour améliorer les adductions...

Anthropologue : est-ce un choix de société, cette synergie sociale des interventions toutes cause de pollution, sans parler de l'air qui charrie aussi de l'amonium ? Absence très générale d'études à la fois locales et globales sur l'éco-système d'une rivière. On reconnaît l'urgence, mais ailleurs. L'absence de poissons dans une rivière 1° catégorie, n'est-ce pas une urgence ?

Intervenants cachés : bénéfices des banques, des entreprises d'engrais et d'aliments, superposition décideurs-conseillers. "Big is beautiful" et l'Ance se dépollue toute seule... Res nullius destructible sans encombre ni sanctions, absence de juridiction sur situation inconnue.

Choix de société : les choix effectués ne sont, en effet, ni techniques (ils polluent et détruisent), ni économiques (ils endettent et sur-produisent) ; DUP volontairement mystifiantes Privilèges sans bornes de certains acteurs de la société, banques et spéculation, agro-alimentaire, chimie, Compagnie des eaux, Sociétés d'Economie Mixte, priorité mal comprise de l'"emploi".

Excès des interventions sur un milieu largement inconnu ; chercheurs décriés et sans moyens, fonctionnaires de surveillance, non-décideurs, diminués ; absence de choix "politiques", d'innovations juridiques. Informations dissimulées ou non-produites ; non décision à tous les étages, laisser-faire ; entropie. Rôle des bureaux dits d'Etudes == Appuyer les dominants ?


97
Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


Complexité et Cité
Post-urbanisation, métropolisation et habitation durable des territoires

J.-P. Ferrier Université de Provence, Géographie

10.2

E

Mardi 10 Juin,14h15-16h

Les immenses transformations actuelles du monde s'impriment aussi dans les territoires, développant ces villes-territoires à géométrie variable qui métropolisent progressivement les grandes régions du monde. Ces territoires archipélagiques résultent de la mise en réseau des lieux liés à la mobilité croissante des habitants et aux nouvelles formes de vie des ménages. Ces dynamiques spatiales peuvent instaurer de grandes inégalités, entraîner de grands risques technologiques, écologiques, sociétaux.

Des lectures neuves s'imposent donc, reconnaissant le franchissement, après cinq millénaires marqués par l'"exponentielle" croissance de la double invention de la ville et de l'écriture, d'un seuil exceptionnel dans le système des processus d'humanisation vs territorialisation, éclairé par les concepts de Modernité 3 (note 1), de post-urbanisation, de métropolisation et d'habitation durable des territoires. Ce système complexe de territorialisation appelle un dispositif radicalement neuf des régulations sociétales, susceptible d'enrayer la tragique croissance actuelle des pauvretés quand ne cessent heureusement de croître les richesses et les moyens de production, instaurant une active politique de redistribution. Sinon, comment lutter efficacement contre l'augmentation du chômage, la dégradation des conditions d'emploi d'une part croissante de la population active, la diminution de la part des salaires dans le volume croissant des revenus, la crise sociale des quartiers pauvres, l'exclusion et l'extrême inégalité spatiale?

Ces lectures sont d'autant plus indispensables que la "révolution" actuelle du travail dans nos sociétés, que ce soit par l'injuste et insupportable ségrégation du chômage et/ou par l'équitable et bienvenue réduction de la durée du travail, est en train de refonder le sens et les manières de l'activité humaine, d'ouvrir les voies de nouveaux rapports aux lieux et à leurs habitants, de faire naître de nouvelles formes d'identité individuelle et collective inséparables de nos manières d'habiter.

L'impératif géographique de l'équité spatiale, inséparable des savoirs et des pratiques partagés-produits dans les gestes toujours renouvellés de l'habitation des territoires, reconnait chacun, individuellement et collectivement, comme habitant, confronté aux exigences de "décision en situation complexe", invité d'être à la hauteur des enjeux de l'extrême nouveauté du monde, engagé dans l'instauration, deux siècles après les révolutions américaine et française, de nouveaux droits de l'homme et du citoyen.

Note:

1. Modernité 3 désigne le monde nouveau, émergeant en 1973, appelé souvent post-moderne (ou post-industriel). Le concept reconnait la succession ville/urbain/métropolisation comme parfaitement emblématique des Modernités 1, 2 et 3, cette dernière rendant possible la réinterprétation des dynamiques territoriales et de leurs enjeux sociétaux. Je défends cette thèse depuis 1985, parlant d'abord de première et deuxième modernités, dont les crises actuelles entoureraient la naissance d'une troisième modernité. Modernité 1 désigne la période qui s'étend classiquement des Grandes Découvertes au début du Xxème siècle. De lointaine origine, elle prend forme à la Renaissance et a eu pour figure emblématique l'entrepreneur de Max Weber. Modernité 2 apparait à l'orée du XXème siècle, avec les innovations de Taylor, Ford puis Keynes. Sa figure emblématique en a été l'ingénieur. La "crise" actuelle est donc interprétée comme un épuisement des effets du fordisme.


97
Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997

Complexité et Cité
10.2
Citoyenneté et expertise dans la gestion territoriale

P. Fouilland

Fondation Charles Leopold Mayer pour le progrès de l'Homme, ancien élu à l'urbanisme au Havre

E

Mardi 10 Juin,14h15-16h

Avant d'être un système complexe, la ville est une sorte d'être vivant, et sa complexité est celle du vivant. Comme le vivant, elle résiste. Elle résiste au temps, elle résiste à l'intervention de ses acteurs, de ses décideurs.

Passé, sans grande préparation de la médecine praticienne à des responsabilités importantes dans une grande ville. J'ai vite découvert qu'avoir " le " pouvoir ne donnait guère de pouvoir sur un réel qui a une vraie capacité de résistance. Après quelques années de balbutiement, autant dans les arcanes des institutions du politique, qu'en prise sur la vie de la cité, j'ai découvert (on m'a fait découvrir deux outils qui se sont avéré prodigieux pour moi : " l'approche systèmique " dans mon métier de thérapeute, et " le management dans la complexité " des institutions où je me trouvais en responsabilité, et j'ai appris à mixer les deux.

Ma façon d'aborder les groupes, les institutions, les problèmes de la cité s'en sont trouvés changés notablement. Surtout cela a été l'occasion de revisiter l'ensemble de mes engagements sous l'éclairage du sens, des finalités. J'illustrerai par quelques exemples concrets cette évolution. Mes pratiques s'en sont trouvées changées, mais du coup, mes engagement également. Après une quinzaine d'années passé " en politique ", j'ai eu le sentiment que le sens se perdait et l'action devenait littéralement insensée. D'où le besoin de retrouver un sens à l'action publique.

C'est au sein de la fondation Charles-Léopold Mayer pour le progrès de l'homme, et notamment auprès de son président, Pierre Calame, que j'ai trouvé des pistes éclairantes pour le renouveau de l'action publique. Oui, l'échange d'expériences peut enrichir et nourrir l'action, oui il existe par delà les frontières et les diversités culturelles des alliances citoyennes pour construire un monde responsable et solidaire, oui il est possible de conjuguer université et diversité, de jeter les bases d'une nouvelle " gouvernance " pour nos villes, pour nos " territoires ".

Je me propose d'évoquer quelques chantier où l'approche par la complexité s'est avérée particulièrement fructueuse, sans nier, au passage des difficultés réelles.


97
Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


Retour Index | Retour Index AE-MCX | Retour Home-Page RED&S