Modélisation de la CompleXité
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Association pour la Pensée Complexe
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« HOMMAGE à L’AMI EDGAR MORIN, 85 ans »
edité en Espagnol, Français, Anglais

par REYNAGA Ruben (Dir.)

Edition Multiversidad Mundo Real Edgar Morin’, 2007, CP 83145, Hermosillo, Sonora, Mexique




            Cet ouvrage exceptionnel rédigé en trois langues, rassemble 30 contributions rédigées ‘en hommage à Edgar Morin, l’Ami, pour ses 85 ans. IL est fort bien édité par la jeune Multiversidad Mundo Real Edgar Morin, sous la direction de son Président ,  qui réussit l’exploit éditorial de publier un ouvrage en trois langues, Espagnol, Français, Anglais, en rassemblant des contributions originales rédigées par des auteurs venus de tous les continents. Hommage qui déploie et amplifie celui publié auparavant  par l’UNESCO reconnaissant en Edgar Morin  pour ses 80 ans, un véritable  ‘Humaniste Planétaire’ (Ouvrage hélas peu diffusé).

                Pour le présenter sans tenter de le résumer, nous reprenons ci-dessous le ‘prologue’ rédigé par Ruben REYNAGA  (dans la version française, publiée sur le site spécialisé de l’Universidad Mundo Real Edgar Morin

***

Prologue

Le rêve et le pont vers la Multiversité Monde Réel Edgar Morin

            J'ai découvert Edgar Morin à travers l'UNESCO. Son magnétisme, sa charge affective et sa lucidité m'ont donné la motivation indispensable pour être moniteur de son intense cheminement dans les scénarios de l'intellectualité. De manière totalement anonyme et avec grand intérêt, j'ai découvert petit à petit la pensée du personnage qui m'a changé virtuellement la vie. J'ai été attrapé! Edgar Morin, un être humain splendide qui transmet une profonde paix intérieure et une conviction inqualifiable, a déchiré les fibres sensibles de mon ignorance.La passion de connaître plus à propos sa manière particulière d'aborder l'éducation a surgi en moi, presque sans que je ne m'en rende compte. C'était comme un coup de flamme neuronale et j'ai eu l'audace d'imaginer un système éducatif basé sur sa pensée polyédrique, un tour, un bouleversement, un horizon complètement distinct de la tâche d'enseignement et une expectative qui méritait de se mettre à l'œuvre de la manière la plus brève. L'Urgence est un de mes défauts, bien que de nombreuses fois, je le convertisse en mon principal moteur pour construire des ponts entre les rêves et les matérialisations.

            Je corrobore ce qui est déjà su : je suis considéré comme un chef d'entreprise, une espèce particulière qui réveille des suspicions en dehors de son territoire. Ce qui est curieux c'est que je ne me suis jamais senti comme un authentique chef d'entreprise et encore moins comme un apprenti de magnat, cela me semble être une simplification trop réelle. Un paradigme maladroit. Je suis plus éclectique et libre. J'aime plus le terme “entreprenant”, mais pas dans le sens linéaire et simplifié de celui qui “ monte une entreprise ” ou s'auto emploie pour de simples raisons de survie. Non. La conscience entreprenante n'a pas de connexion avec des signes monétaires.Je l'entends plutôt comme celui ou celle qui transforme, celui ou celle qui crée, celui qui questionne, celui qui monte quand la logique indique qu'il devrait descendre, celui qui pousse quand tous s'affaiblissent, celui qui vit l'indépendance de ses actes, celui qui ose être différent, un Dionysos par excellence ; celui qui ose et a la force de traverser des ponts entre l'imaginaire et le faire. Et Edgar? Edgar est la clé de l'ouverture totale à toutes les formes de pensée et, en conséquence, il oblige à reconsidérer ce qui a déjà été pensé. Morin est le prototype du non-dogme et, de cette manière, il ne peut jamais être l'icône d'une pensée qui n'est pas celle de la science de la pensée complexe.

            Mon influence majeure jusqu'à douze ans : Le philosophe Lucien, un pseudonyme ad hoc qu'utilisait cet homme grand, indigène pur de la région du Mayo, habillé normalement de son costume typique d'un drap très blanc, les cheveux longs et des sandales ouvertes en cuir. Un autodidacte dans la plus cristalline extension du terme qui aimait border des pensées chargées de philosophie. Il arrivait sporadiquement chez lui dans le quartier plein de boue et oublié de La Lagune, voisin entre les lieux où abondent les roseaux et les champs de coton. Et nous tourbillonnions làbas des douzaines d'enfants pour écouter ses histoires, ses aventures dans le monde entier et ses concepts à propos de la vie, la culture des classiques et, surtout, la narration mystique de ses réussites philosophiques. Il m'a ainsi captivé un jour où il m'a offert dans une simple fiche une de ses pensées imprimées sur l'un de ses côtés : “Dans la montagne de l'ignorance, aiguise ta machette et ouvre une brèche qui dit, par ici est passé un homme”. Je le garderai gravé dans ma mémoire jusqu'à la tombe.

            Le fleuve de l'avenir m'a fait passer par un mélange capricieux d'expériences éducatives : école religieuse, école primaire publique, secondaire publique avec cours du soir, internat militaire, une bourse d'études à l'étranger, dans une Université d'Etat et des études de troisième cycle ou diplômes dans les collèges les plus élitistes du pays : Institut Technologique et d'Études Supérieures de Monterrey, Institut Technologique Autonome du Mexique, Institut Panaméricain et de Haute Direction d'Entreprises. Pendant mon enfance et mon adolescence, j'ai étudié ce que j'ai pu, non ce que j'ai voulu et quand j'ai enfin pu, j'ai étudié ce que j'ai cru que je voulais. Et au final, une certaine dose d'ennui. Un dénominateur commun, quelque chose qui ne passait pas. Si mon accomplissement a toujours été excellent, pourquoi n'étais-je donc pas satisfait ? C'est là où s'est ouverte la brèche de l'inquiétude quant au thème de l'éducation. Je pressentais que c'était un champ trop fertile et fécond pour être ignoré. Mon intuition était en marche.

            La volonté est prodigieuse. Et cette volonté m'a amené à une rencontre avec Edgar Morin pour créer un modèle éducatif basé sur sa pensée. J'étais donc face au personnage tant de fois lauré qui m'avait amené à tant de scénarios, tant de lectures, tant de réflexions, tant de rêves. Je ne me rappelle pas exactement la séquence de la discussion. Je ne sais pas non plus quel ressort a influencé sur son affinité instantanée. Cela, je l'ai senti immédiatement. Ses perles de savoir ont roulé autour de la compréhension humaine, de l'entreprise, de l'enfance, de la jeunesse, de la culture, des universités, de la civilisation et la sclérose des systèmes éducatifs. Une chaire bouleversante. Dans mon cas, j'ai parlé avec véhémence et passion du projet et des coïncidences. Il a déclaré : "Il y a eu d'autres tentatives qui n'ont pas fonctionné et il y a des pétitions de divers intéressés qui viennent de pays différents. J'ai confiance en toi". "Je nommerai un conseil académique d'amis de pensée et de cœur”. Et il a commencé à transiter mentalement sur la planète, ému chaque fois qu'il se rappelait et dictait un nouveau personnage, pratiquement tous m'étaient méconnus. Il griffonnait rapidement chaque nom qui évoquait des langues étrangères exotiques. Finalement, il a exprimé une sentence presque finale : "Ils peuvent t'aider. Prends contact et transmets mon invitation. Ils sont très généreux et ils sont en train d'attendre une initiative sérieuse comme la tienne". Presque trois heures avaient passé, mais selon ma notion du temps, ce fut une rencontre sans dimensionnalité. Une expérience émouvante. Les adieux furent extrêmement chaleureux. Il m'avait confié une grande responsabilité et j'avais peut-être en mains le défi majeur que je pouvais imaginer.

            Je révisai les détails : Il avait aimé l'idée que la Multidiversité reste éloignée des grandes métropoles : “ Celui qui s´interesse véritablement, y parviendra quand bien même devait survenir la fin du monde ". Une tâche monumentale à venir. Les événements qui suivirent furent vertigineux et se sont manifestés comme si c'était en format technicolor. Les membres du conseil académique furent localisés et contactés un par un, dans dix-huit pays. Un par un, ils ont accepté leur nomination et ils ont reçu un document formel avec la signature du maître Edgar Morin. La Multiversité commençait à prendre forme. Une intention amène à une autre et une idée termine par en produire une autre. Pour cela, quand je me suis réveillé un jour en pensant compulsivement à quelque chose quelque peu hétérodoxe : une statue d'Edgar Morin, la machinerie cosmique a commencé à marcher dans ce sens-là. Il n'y a rien qui, une fois pensé, soit impossible. Contournant les détails, qui sont profus et considérables, un certain 22 novembre 2004, Edgar Morin est arrivé à la Ville du Mexique avec l'intention de dévoiler son imposante statue de bronze. On avait installé la statue dans l'antenne centrale même du Secrétariat d'Education du Gouvernement de l'État, un prélude approprié de sa signification. Son parchemin comme Citoyen Distingué de l'État de Sonora fut un grand honneur pour l'histoire culturelle de la région. Les mots d'Edgar, de profonde sagesse en se rappelant ses parents et spécialement sa mère, ont donné la touche la plus émotive. Ses empreintes furent modelées dans du plâtre, ses iconographies furent signées, son autorisation formelle devant le notaire pour légaliser l'adoption de son nom à L'Institution et ses interventions furent enregistrées sur vidéo avec soin. On l'a donc rebaptisé « Le Penseur Planétaire des lucioles les plus lumineuses”. Ce n'est pas la même chose d'élucubrer la pensée complexe et la transdisciplinarité, réforme de la pensée et de l'éducation ; et d'un autre côté, construire l'échafaudage fondamental. Ce n'est pas la même chose un troisième cycle sur la Pensée Complexe que la crue responsabilité de l'application d'un tel modèle au niveau supérieur universitaire. Il fallait descendre une première marche comme pas suivant, parce que sa viabilité nous donnerait le modèle pour continuer jusqu'au niveau préscolaire. Nous avons toujours gardé cela au clair. Et nous allons lentement parce que nous sommes pressés. Le conseil fut nommé par Edgar Morin lui-même sur une base de solidarité en cette lumineuse après-midi de Paris. Ce fut un extraordinaire geste d'affection et d'espérance. Le plus puissant. Les formalités conventionnelles ne manquent pas. La complicité et la confiance sont la colle invisible qui unit les volontés. Edgar est le magnéto et l'agglutinant qui rend possible l'impossible. Il y a quelque chose qui nous unit : l'endroit du monde dans lequel détone l'inflexion n'a pas d'importance. Et si cela se fait dans des points de la planète distincts, de manière simultanée, l'élément central est le même : la réforme de la pensée qui nous conduit à une meilleure compréhension de l'humain. Il n'y a pas de monopole d'intentions, il y a une confluence et une ouverture. Nous savons que le projet est poreux, ouvert, incertain, saturé d'imperfections et il n'y a pas de place pour les divergences superflues. Bien au contraire. L'Unité dans la diversité est notre force. L'Esprit de construction prédomine de manière notable. Edgar est l'architecte du nouveau courant et nous pousse à l'action. Comme parenthèse spéciale, il est bon de mentionner l'impressionnante collaboration de Daniel Cazés, Maria da Conceicão Xavier de Almeida, Alfredo Gutiérrez, Carlos Delgado, Jorge Sáenz, Mauro Maldonato y Pascal Roggero.

            Le mois de novembre 2005, nous nous sommes mis à la tâche de serrer les derniers écrous et d'affiner les étapes exécutives de ce qui devrait se convertir en nouveau modèle éducatif. Un modèle en consonance avec les opinions de valeur, les idées et les suggestions continues du maître. Sans cette boussole, nous aurions été perdus. Edgar a reçu une explication méticuleuse de la nature du modèle éducatif et ses versants. Chaque détail exigeait une clarification. Le sourcil du penseur montait et descendait au rythme de son incisive attitude.

            Au deuxième jour, au moment de la rencontre finale, il a déclaré son approbation générale. Nous nous sommes regardés et nous avons exhalé un soupir de joie contenue. Avec le souffle entre-coupé, je lui ai demandé de nous dé-dier une pensée et de la reproduire sur la couverture d'une copie du document qui contenait le modèle éducatif. Il a demandé une plume, et sans hésiter, il a écrit sur la couverture : "Vous ouvrez la voie nouvelle nécessaire et vitale pour le XXIème siècle. Poursuivez!” Edgar Morin.

            Je sens parfois que la graine de cette tentation éducative a germé il y a des siècles. J'attendais seulement que les facteurs propices se joignent. En arriè-re, est restée la renaissantiste Studium Generale du XIIème siècle et le fracassant saut périlleux éducatif qui y a ciselé le Prusse Wilhelm von Humboldt au début du XVIIIème siècle.Il a donc surgi ce nouvel instant historique qui sera enregistré avec les années. Il n'y a pas de doute, nous ne pouvions même pas rêver du pas suivant si le modèle n'était pas dûment approuvé par Edgar. Nous levons notre verre et nous trinquons : « La graine du maître continuera de donner des fruits. Pour l'espérance pleine d'une civilisation plus humaine. »Mon affection sincère à ceux qui ont appuyé et s'ajouteront, avec le temps, à cette initiative collective qui n'appartient à personne en particulier.

            Le projet est la carte du modèle éducatif qui entre dans les labyrinthes de la pensée complexe sans réserve et de front. Et c'est pour cela qu'il appartient à toute personne qui résiste à la conformité des impositions de la raison dominante. Et, en échange, cette personne sait qu'il faut oser recréer de nouvelles dimensions de la pensée.


Rubén A. Reynaga Valdez
Hermosillo, Sonora, México.




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