Un document du programme européen M.C.X./A.P.C.

 

Musique, globalité et complexité

 

par Josep Margarit

 

 

Extrait du travail au sujet de la pédagogie de la musique "Apprentissage musical conscient: enseigner Globalité et enseigner à partir de la Globalité", écrit originalement en langue catalane, et dont ce fragment est la part finale.

 

 

 

La globalité dans la connaissance

 

La globalité de la globalité

 

Dans ce travail au sujet de la globalité, nous navons pas défini dès le début précisément la notion de globalité. Et nous ne l'avons pas fait, comme on a déjà dit au début, car nous ne voulions pas partir de cette définition mais au contraire y arriver. Parce que, si dé-finir c'est donner une fin, une limite, quel sens peut-il y avoir alors dans le fait de mettre une limite à ce qu'on n'a pas encore vu, à cela dont on ne peut encore pas imaginer l'extension?, quel sens peut-il y avoir dans le fait de mettre une limite à ce que finalement on n'a pas? Et peut-être celle-ci est la meilleure manière de sentir la définition de la globalité, en sentant dans ses limites la possiblité de l'illimitation. Une illimitation qui est déjà dans la globlalité de l'oeuvre musicale et ainsi dans sa description et sa dé-couverte, mais, en même temps, une illimitation qui, du fait dêtre illimitation de la globalité et celle-ci le résultat et l'action d'englober, elle aussi s'englobe dans la propre globalité et alors se limite. C'est la Sensation du Tout: un Tout fermé et limité, uni et global, mais en même temps qui contient tout et donc se maintient ouvert par la forme avec laquelle il le contient.

 

Ainsi, on arrive à pouvoir fermer en quelque sorte la notion de globalité, à sentir que dans son illimitation interne elle se ferme, elle s'englobe, et par conséquent nous en arrivons à la globalité de la globalité, où cette notion-là agit sur elle-même pour se changer et se renouveler à elle-même. Et ainsi nous pourrions définir maintenant la globalité, non pas comme l'addition indifférentiée de choses et de faits, non plus comme toutes ces choses-là ensemble, non seulement comme la ré-union de toutes les choses, leur fusion (et c'est aussi cela, comme nous avons déjà vu), mais surtout comme la forme de la ré-union, ou plutôt la formaction: la forme-action, cest-à-dire non seulement l'action de former, mais rigoureusement, une forme qui est action, définitivement, la forme qui forme (Pedro Purroy). Et par conséquent, la globalité nest pas seulement une idée, mais c'est en plus la forme de ll'idée.

 

Ce niveau-là de globalité, de perception de cette globalité, se trouve déjà dans la Musique, se trouve déjà dans l'oeuvre musicale et alors dans notre propre perception d'elle. Nous pouvons rappeler la citation de Mozart qui ouvrait la 1ère partie de ce travail, et dans laquelle Mozart explique comment

il vit son acte de création, qui est un acte de globalisation. Mozart parle de saisir dun seul coup une composition musicale entière aussi longue quelle puisse être, et il explique qu'ensuite c'est en sa totalité que me permet de l'entendre mon imagination. Cest évident qu'il faut quelque chose de plus que l'imagination pour pouvoir entendre de façon totale et globale une composition musicale entière, ou en tout cas il faut un autre type d'imagination, une autre forme d'imaginer, dans laquelle notre esprit fonctionne d'une autre manière, il fonctionne seul, sans notre participation consciente, mais, et ceci est ce qui est important, pour provoquer et générer notre participation consciente. Car si Mozart sentait ainsi, in-médiatement, in-conscienment et à partir de sa dés-intention la plus absolue, ses oeuvres, même avant de pouvoir les nommer ainsi du fait de n'être pas encore de la matière sonore, ne devrions-nous aussi arriver à sentir ces oeuvres-là de la même façon, mais alors médiatement, consciemment et à partir de notre intention, étant donné que cette forme de sentir est inscrite à lintérieur de loeuvre (en fait, cest sa forme de sautoproduire comme oeuvre)? Ou encore mieux, ne devrions-nous générer à partir de cette dimension médiate, de cette conscience et de cette intention, un nouveau niveau de perception in-médiate, in-consciente et des-intentionnée, qui nous fasse coïncider avec la sensation de Mozart? Ou plutôt, devons-nous nous résigner à demeurer dans le résultat de notre première perception in-médiate, in-consciente et des-intentionnée, fruit de notre particulier degré d'intuition (qui sûrement n'est pas celui de Mozart), qui est, comme nous l'avons déjà dit, en fait uniquement une pré-sensation, ou comme dirait Bachelard un misérable exemple?.

 

Un autre exemple de la globalité dans la Musique et dans la création musicale le démontre, curieusement, non pas un musicien mais un mathématicien, Roger Penrose, lorsqu'il parle de la sensation qu'il a à l'écoute de la dernière fugue, inachevée, de l'Art de la Fugue de Bach: "Écoutons la quadruple fugue dans la partie finale de l'Art de la fugue de J.-S. Bach ... Elle commence avec une telle sureté et une complète maîtrise qu'il résulte impossible imaginer qu'il neût pas l'essence de la composition entière dans sa tête à ce même instant-là. Aurait-il besoin de la jouer dans sa totalité pour lui-même dans son esprit, au rythme d'exécution normale, en essayant une fois et une autre, et une autre encore, au fur et à mesure qu'il lui venaient à l'esprit les différentes améliorations? Je ne peux pas imaginer qu'il le fît ainsi. .... mais la qualité temporelle de la musique est un des ingrédients essentiels. Comment se fait-il que la musique puisse continuer à être musique si elle n'est pas en train dêtre exécutée en temps réel?. Nous croyons que celui qui ait arrivé à avoir cette sensation, qualifiée et renouvellée, de globalité, dont nous parlions auparavant, pourra alors trouver la réponse à cette question que pose Penrose (et lui il la pose à partir de son intuition mais aussi à partir de sa réflexion)."

La globalité et la complexité

 

La Musique est un phénomène complexe. L'oeuvre musicale est complexe. La musique est globalité. Sûrement tout le monde peut être d'accord avec ces propositions. La question est, cependant, dans le sens de définition qu'ont ces énoncés, et donc la fonction qualificative et définitoire que prennent les termes complexe et globalité. Ainsi, lorsqu'on dit par exemple que l'oeuvre musicale est globale, ou bien que la musique est globalité, c'est ce second terme, globale et globalité, qui sert pour définir et qualifier à l'oeuvre musicale. Et par conséquent, ce terme-là doit être éclairé, cest-à-dire, préalablement défini ou délimité dans son sens, pour pouvoir ainsi agir lui comme définissant et qualifiant. Mais on a déjà dit que, pour la notion de globalité, on na pas parti de sa définition mais vers sa définition. Et cette définition nous l'avons trouvée dans la propre musique, dans la dé-couverte du fonctionnement de la propre oeuvre musicale. Alors, ne serait-il plus correct faire l'affirmation contraire?, c'est-à-dire, non seulement que l'oeuvre musicale est globale ou que la musique est globalité, mais surtout, et ainsi nous l'avons vécu, que la globalité est musique. Et ainsi, aussi, nous devrions afirmer, sans aucun problème, que la complexité est musique.

 

Dans cette forme renversée de ces propositions-là nous nous trouvons ainsi dans une nouvelle situation. Il ne s'agit plus de chercher des mots ou des termes pour pouvoir définir la Musique (rappelons les problèmes qu'il y avait dans tous les essais de définition de la Musique, montrés à partir de quelques exemples dans la première partie du travail). Mots ou termes, qui, sans avoir été définis préalablement, ou l'étant aux marges de la Musique, n'apportaient autre chose qu'in-définition (cruel paradoxe!), confusion, ambigüité et in-explication, et n'accomplissaient pas alors leurs propos. Il s'agirait maintenant de trouver les concepts et les notions que la Musique définit, c'est-à-dire, dé-couve, représente, dé-limite et donne du sens, comme par exemple globalité, et ainsi aussi, sûrement, complexité. Il sagit donc, nous le répétons, non pas de chercher des mots ou des concepts pour définir la Musique, mais de trouver la Musique pour définir des mots et des concepts. Et nous pouvons dire que ceci est ce qui nous est arrivé à nous, dans cette évolution qu'on racontait dans la Présentation, dans laquelle nous revenions à la Sensation au moyen de la Raison et de la Pensée, pouvant finalement sentir leur ré-union.

 

Apprendre musique et/ou apprendre de la musique

 

Et dans ce processus nous sommes arrivés ainsi à penser la Musique et surtout à penser à partir de la Musique. Ce penser à partir de la Musique représente l'émergence de la propre pensée qui est à l'intérieur de la Musique, et qui se cristallise en une nouvelle forme de penser, en un nouveau type de pensée, que nous pourrions déjà nommer Pensée Complexe (si la Complexité est Musique, et la Musique est Pensée, celle-ci est forcément complexe). Cette forme de pensée, et surtout l'action de la dé-couvrir et de la faire émerger de la Musique, a été commencée et développée, de façon qualitativement très importante, ces dernières années par Pedro Purroy Chicot, de Saragosse (Espagne), professeur d'analyse musicale et penseur, avec qui nous avons l'honneur d'avoir étudié et de travailler en étroite collaboration actuellement. Ainsi, à partir de la conscience de cette nouvelle forme de penser, on a pu dé-couvrir et connaître la même pensée dans des domaines et chez des personnes qui n'avaient (en principe) rien à voir avec la Musique, par exemple, le domaine de la Science, de l'Épistémologie, de la Philosophie, de la Sociologie, de la Psychologie, etc.

 

Dans cet ensemble de pensées et de penseurs, l'un se distingue: Edgar Morin, anthropologue, sociologue, philosophe et penseur français, avec qui, dans cette collaboration avec Pedro Purroy, on a pu établir un contact très significatif, fruit de la coïncidence qualitative entre ses concepts et sa pensée et le travail en et à partir de la Musique que Pedro Purroy était en train de porter à terme. Et c'est précisément Morin qui parle de et qui établit le terme et la nécessité dune Pensée Complexe, pour dépasser et aller au delà de ce que lui-même nomme Pensée Simple, cest-à-dire, la simplification, la séparation, la fragmentation, la linéalisation, la réduction, etc. C'est dans ce contact avec lui qu'on a pu lui commenter aussi notre expérience dans l'enseignement musical, expérience dans laquelle nous cherchions la compréhension de la Musique au dedans d' elle-même, et qui a été l'objet de ce travail. Cette expérience lui sembla intéressante jusqu'au point d'en conclure lui-même que lorsqu'on apprend musique on apprend complexité et lorsquon apprend complexité on apprend musique. Et cette remarque synthétise précisément ce que nous sentons, percevons et pensons quest la musique et ce que signifie pour l'homme son apprentissage: la possibilité de changer son mode de pensée pour obtenir un mode de pensée déjà complexe. Et ce mode de pensée est déjà, et depuis toujours, dans la musique, à son intérieur, là où seulement on pouvait accéder jusquà maintenant par la sensation. Alors, nous pourrions dire que dans cette expérience pédagogique, et en fonction de cette possibilité d'évolution pour l'homme qu'offre la Musique, ce quon essaie de faire c'est transformer en réalité cette possiblité et, par conséquent, utiliser la Musique pour apprendre/enseigner la Pensée Complexe, utiliser la Pensée Complexe pour apprendre/enseigner la Musique.

 

Nous finirons alors en mettant en relief, une dernière fois et d'une autre façon, l'essence fondamentale de cette expérience et expérimentation pédagogique que nous avons présenté dans ce travail. Et c'est le fait que non seulement on cherche dans cette expérience une amélioration de l'apprentissage musical, cest-à-dire, un enseigner d'une autre manière qui permette un apprendre plus qualitatif, mais en plus on cherche à faire dé-couvrir qu'en apprenant la musique on peut apprendre d' autres choses, ou plutôt, on peut apprendre des concepts, des notions, des principes, comme ceux de relation, inclusion, globalité, organisation, complexité, etc., qui peuvent être importants et peut-être fondamentaux pour l'évolution de notre esprit. Ainsi, nous voulons remarquer qu'on peut offrir à l'élève non seulement la possibilité d'apprendre musique, à partir d'un enseigner de la part du maître, mais la possibilité que la propre musique soit celle qui lui enseigne son propre monde intérieur. Donc, il sagit de passer d'un apprendre musique à un apprendre de la Musique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Josep Margarit

 

Professeur de Théorie et Analyse musicale.

Adresse personelle: C/ Banys 64, 2n 2ª. 08530 LA GARRIGA (Barcelone). ESPAGNE.

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