Le séquençage des génomes marque
l'aboutissement d'une démarche analytique débutée il
y a 25 ans, utilisant les outils de la Biologie Moléculaire pour analyser
et caractériser ces briques constitutives du vivant que représentent
les gènes et leurs produits: les protéines. Ce faisant, il
annonce dès maintenant un renouveau conceptuel considérable
au sein des Sciences du Vivant. En effet, à peine terminé,
le décryptage du génome fait apparaître les limites du
succès de l'analyse réductionniste : la seule connaissance
des composants des systèmes vivants ne permet pas de comprendre les
fonctions et les interactions complexes qui régissent les organismes.
Déjà, les résultats actuels nous entraînent
irrémédiablement vers une génomique fonctionnelle,
systémique, qui appréhende de manière intégrative
le fonctionnement des gènes et leur rôle tant au niveau biologique
qu'au niveau comportemental.
Le renouveau conceptuel : Les gènes et les fonctions.
Pour conduire cette évolution, la rigueur sémantique
doit être rétablie en reconsidérant nombre de
métaphores largement utilisées tant au sein de la discipline
que dans les messages émis à l'attention du grand public. En
particulier, l'élégante métaphore de programme
génétique fondée sur l'ambiguïté
sémantique d'une déclaration du type "les gènes
déterminent quels types de protéines seront fabriquées
par les cellules" se réfère uniquement au code
génétique (c'est-à-dire à la relation
-mécanismes de synthèse- entre la séquence des bases
de l'ADN et de son transcrit). Toutefois, celle-ci laisse faussement à
penser le génome comme une série d'instructions (un programme)
réglant l'organisation (moléculaire, cellulaire, tissulaire,
comportementale
) des systèmes vivants. D'autres métaphores
comme celle de "livre de la vie" pour le génome, de "mots" pour les
gènes, etc. ont pu suggérer que la seule connaissance de la
séquence du génome (c'est-à-dire l'enchaînement
des bases A, T, G, C) fournirait un accès rapide à
l'intelligibilité du vivant. En fait, le séquençage
des génomes a permis de prendre la mesure de la complexité
des organismes tant sur le plan structural que fonctionnel. Aussi, de nouvelles
hypothèses sont nécessaires pour expliquer, d'une part, les
différences phénotypiques entre les individus d'une même
espèce alors que leurs génomes sont identiques à plus
de 99,9% ou, inversement, des génomes de tailles semblables (même
contenu en gènes) pour des espèces très différentes
(l'homme et la souris, par exemple) ; l'interprétation physico-chimique
classique : un gène B un polypeptide) s'avère
insuffisante pour décrire la diversité et de la complexité
observée.
Aujourd'hui, le gène perd sa place centrale au profit de modèles plus complexes de réseaux dynamiques visant à rendre compte du fonctionnement normal et pathologique des systèmes biologiques. Le gène ne doit plus être pris comme un élément isolé mais comme un composant d'un système doté de propriétés surprenantes : la même fonction peut être réalisée par des assemblages de gènes différents (redondance), le même gène peut jouer des rôles différents suivant le contexte physiologique dans lequel il s'exprime ; de sorte qu' une fonction ne peut être réduite à la somme des composants qui la réalisent.
Il est à prévoir que cette nouvelle conception
du gène (dont la définition mérite une discussion à
part entière ; désormais, qu'est-ce qu'un gène?) n'est
pas sans incidences tant sur le plan des idées que sur des aspects
aussi divers qu'essentiels de notre vie quotidienne.
Outre les aspects liés à la définition
du concept de gène revisité à la faveur du
séquençage des génomes, les points suivants seront
discutés :
Le séquençage a permis aux biologistes d'identifier 1,4 million de SNP (single nucleotide polymorphism), ces variations dans l'agencement des trois milliards de nucléotides qui composent l' ADN humain, pourraient expliquer la vulnérabilité plus grande de certains individus à des maladies comme le cancer ou le diabète.
Comment traiter ces informations? Ou cela nous mène-t-il?
Quels effets anxiogènes d'une médecine prédictive trop
performante?
OGM : Quel discours? quelles réalités ?
Comment est interprété le discours sur les OGM
? ce discours est-il adapté ? Ne peut-on trouver de nouveaux
éclairages pour comprendre les réactions parfois brutales des
consommateurs "pressentis" ? Au lieu d'asséner aujourd'hui des savoirs
démentis le lendemain, ne conviendrait-il pas de former à
l'incertain, d'informer sur le doute? le risque ?
Propriété industrielle et brevets sur les gènes : Le nécessaire et les possibles.
Les dispositions législatives et réglementaires en vigueur autorisent la prise de brevets sur les gènes animaux, végétaux ou humains. La désignation d'un large domaine d'exploitation (système nerveux, cardio-vasculaires ) préempte toutes les applications spécifiques futures liées aux propriétés multifonctionnelles des gènes (notamment chez l'homme). Ceci fait craindre un ralentissement de la diffusion des résultats au préjudice des progrès de la recherche. Quelles évolutions compatibles avec les stratégies de développement des entreprises peuvent être envisagées ? Risques pour biodiversité, pays en développement, coût des médicaments (Afrique du Sud)