(...) Quelle est la nature de la conscience ? Est-elle propre à l'homme ? Est-elle forcément issue d'un cerveau ? Autrement dit, pourrait-elle n'être qu'un état d'information ou de perception dont le cerveau permet une représentation ? Est-elle une ou multiple ? S'accompagne-t-elle forcément de connaissance ? Si oui, cette connaissance est-elle universelle, autrement dit existe-t-il des lois préexistantes à son appropriation par l'homme ? Toutes les formes de vie intelligentes ont-elles une certaine potentialité à être consciente ? A quelle forme de conscience font appel la transe ou l'art ?
Contrairement à ce qui paraît être acquis ou dogmatique, la science ne peut répondre avec une quasi-certitude qu'à peu de ces questions. Il est certain que le cerveau permet l'épanouissement de la conscience réflexive, celle qui donne à l'homme le pouvoir d'intervenir sur la nature et d'utiliser les connaissances rationnelles qu'il a acquises pendant l'évolution. Il est aussi certain que les primates qui ont développé un cortex pré-frontal ont une capacité d'abstraction et d'intégration que n'ont pas les autres espèces. D'où cette capacité de planifier l'action et d'imaginer qui constituent le propre de l'homme. Toutes les autres interrogations n'ont à ce jour que des réponses partielles ou équivoques. Après une traversée du désert où la conscience a été ignorée au profit de la fonction cérébrale, la recherche en neurosciences s'intéresse aujourd'hui au lien entre la cognition et la conscience, aux rapports corps-esprit et à l'émotion. Cet intérêt, suscité par une approche interdisciplinaire forte, a mis à jour notre ignorance du contenu intrinsèque de la conscience. La boucle perception-action liée au mouvement ou les différentes formes de mémoire cérébrale sont biens connus, mais qu'en est-il du libre arbitre, de l'émotion liée à la vue d'un tableau ou des états altérés de conscience ? Où se situe l'inconscient de Freud dans ces questionnements ? On commence tout juste à les explorer avec moins de tabous. Qu'en est-il plus fondamentalement des formes de connaissance purement sensorielles de la nature que peuvent avoir les animaux ? Qu'en est-il encore en amont de ce qui précédait la conscience ? Quel statut accorder aux processus génériques ayant présidé à l'éclosion de la vie ? Autant de questions peu abordées, controversées, mais qui font avancer la science. Des théories très différentes se succèdent, s'affrontent, tantôt combinatoires, tantôt émergentistes, formant la naissance d'un corpus de sciences nouvelles dédiées à ce qu'on pourrait appeler la cognition de la réalité. Or, ce que nous percevons à l'échelle du vivant n'est que la résultante de paradoxes atomiques incarnés. En effet, si la réalité quantique n'est pas de même nature que la réalité de l'objet émergé, c'est l'assomption de cette contradiction qui est probablement fondatrice. Ainsi, l'unité de l'homme irait de pair avec une philosophie, une éthique et un projet. Les grandes lois de la nature, l'imaginaire et la rationalité seraient interféconds. Enfin, il n'y aurait pas de fragmentation de l'identité. Le poète dit: "que ceux qui dénient au langage son universalité me jettent la pierre". Ecoutons sa voix.