DISEGNO et COMPLEXITÉ
Un programme d'enseignement original d'une science
d'ingenium:
"la maîtrise de recherche
en Design " de l'Université de Montréal
Sous
ce titre léonardien, Disegno et Complexité, on va lire le document de
présentation du nouveau programme de maîtrise en aménagement que met en place à
l'Université de Montréal, l'École de Design industriel de la Faculté de
l’aménagement (septembre 2001). La conception
de ce programme interdisciplinaire et professionnel ne caractérise t 'elle pas les nouvelles sciences d' ingenium, en
proposant une alternative réfléchie aux programmes d'enseignement traditionnels des "sciences d'analyse
appliquées" ?
Ce
projet retient l'attention de divers pays européens. On trouvera en note 8, en
fin de texte, un certain nombre de références bibliographiques. (On trouvera
aussi sur les sites
"phd-design" et "drs" ou "design-research" à www.jiscmail.ac.uk , les archives de débats
en ligne qui constituent un excellent forum pour apprécier et comparer les
initiatives analogues dans le monde. Nous remercions le Pr. Alain Findeli, un
des principaux concepteur et animateurs de ce projet de nous autoriser à mettre
à notre disposition collective cette contribution à l'enseignement des sciences
d'ingenium. J.L. Le Moigne
Le "
Disegno", selon Léonard, le
dessin à dessein,
Ne traduit-il pas
le "Design" anglo saxon ?
«Le
disegno est d'une excellence telle qu'il ne fait
pas que
montrer les œuvres de la nature, mais
qu'il
en produit un nombre infiniment plus varié.
…Il
surpasse la nature parce que les formes
élémentaires de la nature sont limitées,
alors que les œuvres que l'œil exige
des mains de l'homme sont illimitées.f.
Léonard de Vinci, Cahiers. (CU.f.116 r)
***
*
DESCRIPTION DÉTAILLÉE
DES OBJECTIFS DU PROGRAMME DE
M.Sc.A. EN AMÉNAGEMENT
OPTION « DESIGN ET COMPLEXITÉ »
Pourquoi un diplôme
supérieur en design ?
Le
Baccalauréat en design industriel a été décerné par l'École de design
industriel de l'Université de Montréal, depuis sa création, à près de cinq
cents étudiant-e-s. Ce programme a connu, au fil des années, plusieurs
modifications et améliorations pour tenir compte de facteurs divers: évolution
des méthodes et des théories, de la technologie, de la conjoncture économique,
des spécialités de la discipline, de la demande en diplômé-e-s. Il arrive un moment où ces pressions
évolutives nécessitent davantage que des aménagements de circonstance, ceux que
le langage administratif traduit par “modifications mineures”. Dans cette perspective, l’idée de créer un
programme de maîtrise s’est manifestée de façon plus ou moins claire depuis
plusieurs années déjà. Un pas
supplémentaire est franchi ici, motivé par un ensemble de circonstances
prévalant actuellement. La décision de
créer une maîtrise de recherche en design est suscitée par deux grands types de
conditions qu’il est commode de distinguer en facteurs internes et externes.
Les
facteurs externes. On a assisté récemment, à la Faculté de
l'aménagement, à un mouvement de création de diplômes professionnels de 2e
cycle. Celui-ci est le reflet d'un
mouvement général observable tant en Amérique du Nord qu'en Europe, sous des
formes diverses. D'autres professions
sont également marquées par cette tendance.
Quelles qu'en soient les raisons (que nous ne détaillerons ni ne
discuterons ici), il apparaît de plus en plus difficile d'échapper à ce
mouvement. Le décanat de la Faculté,
s'appuyant sur les recommandations d'un comité formé pour examiner
l'opportunité d'une réforme des programmes, a invité tous les départements à
examiner sérieusement la question des maîtrises dites “professionnelles”.1 À la suite de cet examen, l'École de design
industriel n'a pas jugé opportun, dans l'immédiat, de créer un tel programme, tout
en se prononçant, néanmoins, en faveur de la création d'une maîtrise “de
recherche” (le mot “recherche” prend dans ce contexte une signification
particulière qui sera précisée plus loin).
Par ailleurs, on a pu remarquer depuis plusieurs années déjà que la
M.Sc.A. en aménagement a accueilli une forte proportion de candidat-e-s
diplômé-e-s en design, alors que son programme ne reflétait pas suffisamment
les caractéristiques de notre discipline. Ceci se traduisait parfois par des
obstacles et des contraintes difficiles à surmonter pour ces candidat-e-s.
Un
autre facteur externe résulte des besoins et des espoirs exprimés depuis
quelques années par la communauté professionnelle. Plusieurs diplômés expriment en effet le souhait, après quelques
années d'activité professionnelle (3 à 5 ans pour la plupart), de “revenir à
l'Université”. À quoi est due cette
nostalgie? À des facteurs divers qui
tous, cependant, comportent généralement une volonté d'approfondir un aspect
particulier du design. Ce besoin se manifeste
d'une manière vague et diffuse le plus souvent, mais toujours forte, de sorte
que nous pouvons raisonnablement tabler sur l'existence de ce besoin. En termes plus disgracieux, mais désormais
consacrés, on dira que “la clientèle existe” pour un tel programme.
Un
troisième facteur externe peut être invoqué à l'appui de la création de ce
programme: l'internationalisation, la “mondialisation”, le besoin d'ouverture
de nos diplômés aux cultures et aux marchés étrangers. L'actualité et la médiatisation dont
bénéficie ce thème depuis quelque temps nous dispensent de nous attarder à sa
description et à sa justification, tellement son évidence s'impose.
Les
facteurs internes. Ceux-ci réfèrent aux avancées scientifiques
qu'a connues notre discipline depuis quelques années. Ainsi, le corpus théorique s'est considérablement modifié et
enrichi sous l'égide des “sciences de l'artificiel” et de la théorie des
systèmes. Au registre méthodologique on
assiste, d'une part, à la révolution des outils de conception (CAO, CFAO,
CMFAO, prototypage rapide, etc.), d'autre part à une modification en profondeur
des pratiques de gestion et de conduite des projets (ingénierie simultanée,
design management, production “artisanale-AO” de petites séries, etc.). Les sciences auxiliaires du design
(ergonomie, psychologie sociale, sémiotique, histoire, etc.) ont, elles aussi,
connu d'importantes avancées théoriques et méthodologiques. Enfin, des
problématiques nouvelles posent des défis incontournables tant à la discipline
qu'à la profession: réalité virtuelle, surconsommation et développement
durable, pluriethnisme et identités nationales, démocratie participative, seuil
de pauvreté et “besoins essentiels”, crise des valeurs et du sens. Or, la sérieuse “mise à jour” qu'exige la
prise en compte de ces facteurs ne saurait se contenter d'une addition de cours
ou d'activités correspondantes, ni dans le programme de premier cycle déjà
sur-mobilisé par la formation professionnelle de base, ni dans celui de la
M.Sc.A. actuelle dont l’orientation ne permettrait pas d’absorber aisément une
révision aussi substantielle. Par
ailleurs, les nouvelles connaissances ainsi produites ne sont pas toujours ou
encore dans l'état d'achèvement suffisant pour être “classées” dans des cours
de trois crédits bien identifiés par un titre clair et univoque. Elles se prêtent davantage, au contraire, au
travail en séminaire du type “work in
progress” ou dans le cadre de projets, où leur validation définitive pourra
se poursuivre. C’est pourquoi l’EDIN a
jugé nécessaire de créer une structure pédagogique nouvelle, celle d’une
maîtrise de recherche en design, pour accueillir cette “mise à jour” et ainsi
contribuer au développement et à l’établissement de nouvelles connaissances.
Ce
qui caractérise le plus justement l’évolution des facteurs internes évoqués
ci-dessus est la notion de complexité. Il est indéniable en effet que les
conditions d’exercice du design se heurtent depuis quelques années à une
complexité croissante. Dire que “les
projets de design sont de plus en plus complexes” est une expression commune
aujourd’hui, qui cache sous une apparente banalité des enjeux théoriques,
méthodologiques, économiques, éthiques et sociaux qu’il s’agit de décrire et de
comprendre de façon systématique. Dans
son récent ouvrage In Search of Elegance,
Michel Lincourt affirme, à propos de l’architecture, ce que nous pouvons sans
hésiter revendiquer pour le design également : «Indubitablement,
l’architecture est une réalité à multiples facettes […] Reconnaître le fait que la complexité
constitue une caractéristique fondamentale de la réalité architecturale et que,
conjointement, on ne peut ignorer la complexité si l’on veut vraiment se
préoccuper des problèmes environnementaux, représente une dimension vitale du
problème architectural.» C’est
pourquoi la notion de complexité occupe une place centrale dans notre
programme.
Quel type de
diplômé-e-s souhaitons-nous former?
Poser
cette question, c’est se poser celle de l’identité de ce nouveau programme.
Nous venons de décrire les facteurs, externes et internes, qui contribuent à
façonner cette identité. Ces facteurs,
dans une grande mesure, échappent à notre contrôle et doivent donc être
considérés comme des données que nous ne pouvons raisonnablement ignorer. Quant aux traits complémentaires de
l’identité du programme, ils résultent d’une réflexion critique d’ordre
épistémologique, méthodologique et stratégique, menée depuis plusieurs années
par plusieurs chercheurs sur le statut scientifique des disciplines professionnelles
enseignées à l’Université, sur la particularité des disciplines de
l’aménagement, d’une part, et du champ de l’aménagement, de l’autre, ainsi que
sur l’avenir de ces professions, principalement dans une perspective éthique
et/ou économique.2
Le
statut d'une maîtrise dans une discipline professionnelle est ambigu. Les traditions universitaires nous ont
habitués à hésiter entre deux formules s'excluant mutuellement, parfois
radicalement : soit une maîtrise professionnelle, soit une maîtrise de recherche
dite “conventionnelle” ou, pire, “académique”.
Ces deux voies constituent les errements “pathologiques”3 des
deux pôles constitutifs de la polarité qui fait précisément l’originalité des
disciplines professionnelles: la polarité théorie/pratique. C’est ainsi que l’on trouve des maîtrises en
design qui ne sont rien d’autre qu’un projet de design plus ambitieux que ceux
que l’on retrouve au premier cycle, soit parce que les contraintes ergonomiques
sont plus complexes, soit parce que nous sommes en présence d’un partenaire
industriel et de contraintes économiques contractuelles, soit parce qu’il
s’agit de réaliser un prototype entièrement fonctionnel, etc. Nous sommes, dans ces cas, en présence de
l'excès du pôle “pratique”. En
revanche, il existe également des maîtrises dont la structure s'inspire très
fortement du modèle -considéré comme paradigmatique -
des sciences dites “d’analyse”, s’appuyant sur une tradition plus longue, donc
bénéficiant d’un statut épistémologique et scientifique mieux établi et
reconnu. En général, toute référence à
la pratique est fortement découragée dans de tels cas ( «vous n'êtes plus
au premier cycle!»); nous sommes alors en présence de l’excès du pôle “théorie”. Pour caricatural que soit un tel tableau, il n’en dépeint pas
moins la situation actuelle, sans qu’il soit nécessaire de “citer des noms”,
c’est-à-dire des programmes réels actuellement en vigueur.
C’est
donc bien aux deux catégories ainsi esquissées que correspondent
traditionnellement ce que l’on appelle, dans un cas, une maîtrise
professionnelle, et dans l’autre, une maîtrise de recherche. Notons qu’une troisième catégorie de
maîtrise existe également, celle dite “à cheminement de type cours” (par
opposition à celui de “type recherche”).
Notre nouveau programme s’efforce de se dégager de ces catégories
léguées par une tradition qu’il convient de réviser tout en reconnaissant les
mérites respectifs de chacune d’elles. S’il s’agit bien pour nous d’une
maîtrise de recherche, nous verrons qu’elle ne néglige pas complètement le fait
qu’elle relève d’une discipline professionnelle. Il ne faudra donc pas s’étonner d’être en présence d’une identité
“ambiguë” ou même “floue” si celle-ci doit être perçue selon les catégories existantes.
Comme on va le voir, cette identité se rapprocherait plutôt de ce que la
Faculté des études supérieures appelle désormais “la recherche contextualisée”
ou encore ce que le FCAR considère comme de “la recherche en milieu de
pratique”.
La
tradition qui exige une séparation nette entre maîtrise professionnelle et de
recherche ne fait pas que refléter la situation du “marché” des diplômés. Elle s’appuie sur un modèle épistémologique
des disciplines professionnelles bien ancré, celui de la science appliquée,
hérité du XIXe siècle. C’est ainsi que, dans les meilleurs des cas,
s’il n’est plus considéré comme un art ou une technique, le design est assimilé
à une science appliquée (ce que dénote l’appellation administrative M.Sc.A.),
c’est-à-dire à une pratique découlant d’un travail préliminaire (de type
analytique) opéré dans le champ de sciences dites “ fondamentales ”
(mécanique, psychologie, sémiotique, etc.).
Or le statut épistémologique de science
appliquée ne convient pas pour cerner le design, ni d’ailleurs les autres
disciplines professionnelles. Il serait
trop long d’exposer ici les arguments en faveur de cette thèse, qu’une
attention persévérante à la pratique quotidienne du design ne manquera pas de
confirmer. Ces arguments ont été
exposés ailleurs et sont désormais largement partagés par la communauté
scientifique.4 L’idée d’une
science engagée, située, impliquée,
est bien plus proche de la réalité.
L’artifice
rhétorique de Christopher Frayling (Royal
College of Art, Londres) permet de décrire de façon commode et succincte
les distinctions opérées ci-dessus.5 Celui-ci distingue les trois cas suivants : la recherche pour le design, la recherche sur le design, enfin la recherche par le design. Le premier cas, qui recouvre ce qu’on entend
habituellement par ”R &D ”, correspond à l’excès du pôle
“pratique” ci-dessus; le second cas, qui recouvre l’ensemble des travaux
réalisés par les chercheurs provenant de sciences diverses (sociologues,
historiens, psychologues, etc.) prenant le champ du design pour objet, illustre
l’excès du pôle “théorie”; quant au troisième, c’est la voie originale que nous
avons choisi d’emprunter pour notre maîtrise.
Pour résumer, nous pourrions dire que ce qui
distingue une activité de recherche dans les disciplines d’analyse d’une
activité de recherche dans les disciplines professionnelles, c’est que si elles
ont chacune pour but de faire avancer les connaissances dans leurs disciplines
respectives, on doit s’attendre à ce que, dans les disciplines
professionnelles, les résultats de la recherche contribuent en plus à une
pratique meilleure des professions correspondantes.
Les
diplômé-e-s de la M.Sc.A. (aménagement), option “Design et complexité”, auront
acquis les compétences et les connaissances nécessaires à entreprendre des
projets de recherche dans des domaines du design considérés comme prioritaires.
Ces projets sont susceptibles d’être menés dans un environnement universitaire,
dans un centre de recherche existant, au sein même d’une entreprise ou d’une
institution privée ou publique, ou encore dans le cadre d’activités ponctuelles
de consultation. S’ils sont encore peu nombreux au Canada, de tels postes
existent déjà en Europe et aux Etats-Unis où l’apport spécifique du design
commence à être bien distingué et reconnu. Les plus persévérant-e-s se consacreront
à des études doctorales et viendront grossir les rangs de nos futurs chercheurs
du Groupe de recherche appliquée au design (GRAD) en voie de formation6,
et d’une Chaire en design à la création de laquelle l’École de design
industriel s’emploie activement. Parmi nos diplômé-e-s, certain-e-s
souhaiteront reprendre une activité professionnelle interrompue; c’est alors à
titre de consultant, d’expert ou, “simplement”, de praticien “éclairé” qu’ils
agiront dans le milieu. Enfin, il convient de ne pas négliger l’apport
appréciable que constituera la contribution à l’enseignement de la discipline
de ces diplômé-e-s doté-e-s d’un profil intégrant de façon raisonnée les
dimensions pratiques et théoriques de la discipline.
Quelle est la spécialité de la M.Sc.A.
(aménagement), option “Design et complexité” ?
Il
est bien entendu plus sage de fonder la spécificité de cette maîtrise sur les
facteurs et le projet internes, plutôt que de la voir soumise aux humeurs, plus
imprévisibles et souvent capricieuses, des facteurs externes. On pourrait reprocher à un tel parti de
manquer d'opportunisme et de “réalisme”, de ne pas tenir compte des “besoins
immédiats” et des “attentes” de la société; mais on se félicitera rapidement de
la stabilité du programme, de la solidité de ses fondements scientifiques,
ainsi que de sa souplesse face aux velléités de la conjoncture. Ce parti nous impose de privilégier un
programme construit autour de connaissances “formelles” (par opposition à “substantielles”),
au détriment d'un ensemble de cours mettant l'accent sur des contenus.
La
formation scolaire et universitaire classique, par son insistance sur la façon
analytique de saisir la réalité et les problèmes du monde, n'est plus adéquate
pour permettre aux professionnels et aux acteurs sociaux de comprendre les
phénomènes plus complexes, donc d'agir de façon non seulement efficace, mais
aussi responsable. Les exemples ne
manquent pas aujourd'hui qui décrivent cette insuffisance et les impasses
auxquelles elle a mené (crise environnementale, crise des services de santé,
crise de l'école, etc.). Il convient
par conséquent de compléter (mais non de remplacer) cette formation
“traditionnelle” par le développement d'une “intelligence complexe”, ancrée
dans l'action, autrement dit par l’acquisition d’une méthode permettant tout
d’abord de saisir, de décrire et de modéliser les situations complexes
correspondant aux problèmes de design, puis d'une méthode de simulation, de
prise de décision, d'intervention, d'action et d'évaluation qui en découle.7 C'est là l'objectif principal de notre
maîtrise.
Nous voyons d’ores et déjà que cet
objectif principal interpelle tout autant les candidat-e-s souhaitant
poursuivre leur carrière professionnelle que ceux et celles qu’appelle un
cheminement universitaire, qu’il soit voué à la recherche ou à
l’enseignement. Qui pourrait affirmer
en effet que la modélisation de la complexité devrait être le monopole des uns
plutôt que des autres? Nous anticipons
avec beaucoup d’enthousiasme la stimulation réciproque que ne manquera pas de
susciter la présence et la confrontation dans un même séminaire de ces
multiples intentions et perspectives.
Dans la mesure où la compréhension de la
dynamique des systèmes complexes et celle des conditions d’intervention dans - et non uniquement sur - de tels systèmes constituent
le cœur de notre programme de maîtrise, une description plus circonstanciée des
formes que revêt la complexité en design n’est pas superflue. Nous croyons que cette description constitue
à elle seule une justification de notre choix délibéré.
En design, que ce soit dans le domaine du
design industriel ou d'intérieur, on peut distinguer quatre champs où la
complexité se manifeste. Ceux-ci constituent les principaux thèmes d’étude et
de recherche de notre programme. Deux
d’entre eux se situent à l’intérieur du processus de design, les deux autres
lui sont périphériques, l’un en amont, l’autre en aval. Résumons-les :
1)
La
complexité méthodologique, celle du processus de design lui-même, résulte du nombre
des acteurs parties prenante d’un projet (ingénierie simultanée ou concourante,
management par le design), de la sophistication des outils logistiques
(systèmes experts, méthodes d’analyse et d’évaluation), et de l’évolution des
modèles théoriques (théorie des systèmes dynamiques complexes, sciences de
l’artificiel, épistémologies des sciences de la conception et des sciences
sociales).
2)
La
complexité des produits du design, celle de leur fabrication (du prototype au
produit final, CFAO), celle de leur usage (sécurité, ergonomie cognitive,
multifonctionnalité et individualisation des produits), celle de leur
signification (dimension symbolique, esthétique, sémantique; multiculturalisme,
mondialisation) et celle de leurs interrelations avec leurs environnements
(espace intérieur, impacts environnementaux, développement durable).
3)
La
complexité des problématiques, en amont du projet, celle qui relève de la commande et de
l’établissement du cahier des charges, de la pertinence culturelle et sociale
des produits -
que les Allemands, les Britanniques et les Scandinaves appellent leur
“soutenabilité sociale”-, du contexte d’intervention, des enjeux
éthiques.
4)
La
complexité des impacts,
en aval du projet, celle - surtout mais pas exclusivement - des conséquences environnementales
de l’usage et du rebut des produits (eco-design), des méthodes d’évaluation
globales (méthodes multicritères, scénarios et prospective), de la
signification anthropologique des produits du design et de notre environnement
technique (réalité virtuelle, technoéthique).
Nous
verrons comment ces diverses complexités seront prises en compte dans le
cheminement-type d'un-e candidat-e à la maîtrise, c'est-à-dire comment
l'acquisition de l'intelligence complexe sera répartie parmi les diverses
activités pédagogiques prévues (séminaires, cours, projet, recherche).
Notre
volonté de mettre l’accent sur les aspects formels de ce programme ne
saurait cependant nous inviter à négliger les aspects substantiels,
c’est-à-dire ce que l’on appelle couramment les contenus. L’état actuel de la
recherche en design, d’une part, un certain nombre de problèmes
(environnementaux, technologiques, sociaux, esthétiques, etc.), d’autre part,
nous indiquent en effet quelques voies à privilégier fortement. Voici, à titre
indicatif et sans aucune prétension à l’exhaustivité, quelques problématiques
que nous souhaitons suggérerer à nos candidat-e-s ou que nous nous attendons à
voir surgir du champ des pratiques :
-
la conception de produits et services
dans le cadre du développement durable, ou éco-design;
-
la prise en compte des usagers dans une
perspective anthropologique plus large que celle, dominante, des services de
marketing des entreprises (dimensions symbolique, sémantique, culturelle,
esthétique, spirituelle);
-
l’impact des NTIC sur la conception des
produits et services (CAO, DAO, FAO);
-
l’impact des NTIC sur l’usage des
produits et services (ergonomie cognitive, sociologie des techniques,
techno-éthique);
-
la conception et l’évaluation des
qualités sensorielles des produits et des cadres de vie et d’activités
(couleur, lumière, toucher, son);
-
l’histoire anthroposociale du design et
la génétique des produits industriels;
-
la pédagogie du design.
Quelle est
l'originalité pédagogique de la maîtrise ?
Notre
volonté, qui reflète une exigence épistémologique aujourd’hui incontournable,
de dépasser la dualité anachronique théorie/pratique obligeant à opter pour l’un ou l’autre des deux pôles s’excluant
mutuellement, nous a amenés à réviser la définition traditionnelle de l’activité
de recherche en proposant une méthode de recherche permettant de réconcilier
théorie et pratique: la recherche-projet
(project-grounded research). Celle-ci, qui constitue l’originalité de
notre programme et en commande la structure pédagogique, permet, en résumé, de
valoriser et de mettre en œuvre l’expérience professionnelle acquise par nos
candidat-e-s (au lieu de leur demander de la placer entre parenthèses) tout en
les engageant dans un projet de recherche scientifique. Examinons-en le principe.
La
recherche-projet. Les caractéristiques de cette méthode,
empruntées à la “recherche-action” et à la “théorie ancrée” des sciences
sociales, ont été décrites et justifiées en détail ailleurs.8 C’est pourquoi il suffira de les résumer
ici. Toute recherche scientifique
s’effectue en général dans un “laboratoire” ou sur un “terrain”, la
terminologie variant selon les disciplines scientifiques. Nous proposons que le “terrain” privilégié
pour la recherche en design soit le projet
de design lui-même. De la sorte, toute
question de recherche, qui normalement
émane de la pratique du projet et d’un obstacle que celle-ci rencontre,
sera traitée dans le champ même du projet, ce qui garantira la pertinence, tant
de la question liée au projet que celle de la réflexion théorique propre à la
recherche. Les candidat-e-s à la
maîtrise appuieront donc leur projet de recherche sur un projet de design
soigneusement choisi, sans pour autant que les deux projets coïncident. Le projet de design sert de support à
l’investigation théorique; il est le terrain où sont mis à l’épreuve, “situés”,
“engagés”, les hypothèses de recherche et les modèles théoriques
développés. Autrement dit, les
questions scientifiques et théoriques qui font l’objet de la maîtrise sont
examinées “ en situation ”, depuis la perspective propre à ce qui
caractérise avant tout les disciplines de l’aménagement, donc le design: le projet. Ainsi, comme le dit cette formule paradoxale de Alain Medam, «le
dire sur le faire est affecté par le faire et, en retour, le faire affecté par
son dire».
En
raccourci, on pourrait dire que notre proposition est l’image-miroir de la R
& D qui s’effectue dans l’industrie.
Alors que celle-ci privilégie le projet de design (“développement”) en
ne considérant l’investigation théorique (“recherche”) que comme un support au
projet, la recherche-projet prend pour objectif principal la production
théorique (le mémoire de recherche) en s’appuyant sur le projet de design,
celui-ci étant renvoyé “en annexe” du mémoire principal de la maîtrise. Les deux projets sont néanmoins
indispensables, dans la mesure où ils se fécondent mutuellement.
On
remarquera qu’en principe, tout projet de R & D peut se transformer en
projet de recherche universitaire, au prix d’un travail adéquat de problématisation. « Je crois, dit Michel Foucault, que le
travail qu’on a à faire, c’est un travail de problématisation et de perpétuelle
reproblématisation… Si le travail de la
pensée a un sens, c’est de reprendre à la racine la façon dont les hommes problématisent
leur comportement ». La tâche
consiste à transformer le “problème” de design (R & D) en “problématique”,
c’est-à-dire à le placer dans un contexte de questionnement scientifique plus
vaste, plus général et plus radical.9
Cette
formule présente plusieurs avantages.
Tout d’abord, contrairement à la R & D, elle fait progresser les
connaissances sur les deux plans, théorique et pratique, à la fois. Elle permet ensuite aux candidat-e-s à la
recherche de ne pas perdre le contact avec les milieux professionnels et d’y
effectuer un retour plus aisé, si tel est leur souhait. Bien plus, grâce à la
dimension internationale du programme, elle élargit les perspectives des
candidat-e-s, alors que les maîtrises “traditionnelles” ont tendance à retirer
les étudiant-e-s du milieu. La
recherche-projet ouvre même des perspectives économiques intéressantes, dans la
mesure où la conduite d’un projet professionnel rémunéré n’est pas incompatible
avec celle du projet de recherche universitaire. Enfin, au plan scientifique, cette formule contribuera à asseoir
la spécificité théorique des disciplines du design (ce que les Anglo-saxons
appellent “the designerly way of
knowing”) et la constitution d’un corpus de connaissances qui leur soit
propre.
La
dimension internationale. Celle-ci constitue l’autre originalité
importante du programme proposé. Elle a
fait l’objet d’une description détaillée dans un document antérieur, auquel il
est donc possible de se référer.10
Notre intention est de mettre en valeur le réseau international que
s’est construit l’EDIN au cours des années, réseau qui accueille régulièrement
nos étudiant-e-s stagiaires de premier cycle (Annexe 3). Par l’intermédiaire de nos partenaires
européens (rappelons que l'ÉDIN est membre de l'ELIA, European League of the Institutes of Arts) et américains
(auxquels sont en train de se joindre l’Australie et l’Asie), il est possible
d’obtenir, pour les candidat-e-s à la maîtrise, des stages dans des entreprises
et des laboratoires de recherche. C’est
là que nos étudiant-e-s poursuivront de front leur projet de design et leur
projet de recherche. Celui-ci pourra
même (c’est ce que nous souhaitons) émaner du milieu industriel. Un premier “prototype” a été testé selon ce
modèle en Hollande (Annexe 4), une expérience qui s’est avérée plus que
satisfaisante. Une seconde expérience a
été effectuée avec succès en été 1999 en France, dans le cadre du laboratoire
de recherche industriel d’une grande école d’ingénieurs et selon la même
formule. Une convention-type a été
préparée pour encadrer, tant scientifiquement qu’administrativement, ces
séjours et ces échanges (Annexe 5).
Il
convient de préciser que le principe de la recherche-projet et la dimension
internationale constituent des horizons et non des contraintes. En effet, il ne nous apparaît pas
raisonnable, pour le moment du moins, d’en faire des obligations
incontournables. La persistance des
“habitus” académiques nous invite à la prudence et c’est pourquoi l’implantation
d’une telle nouveauté est envisagée de façon progressive.
Le
stage. Le
stage constitue donc un moment fort de la maîtrise, option «Design et
complexité». En effet, cette activité,
d'une durée variant entre 3 et 6 mois, permet à l'étudiant-e de participer à la
vie d'une équipe de professionnels ou de chercheurs, sur une problématique
convenue préalablement avec son superviseur de stage du milieu (le
superviseur-terrain) et le coordonnateur universitaire de stages de la
maîtrise, option «Design et complexité»; ce dernier a pour mandat de favoriser
la liaison entre la direction du programme de la maîtrise Aménagement et les
milieux où se dérouleront les stages. Les stages s'effectuent dans un
établissement ayant une reconnaissance de l'École de design industriel (Annexe
3).
Les
démarches reliées à la recherche d'un milieu de stage relèvent de la
responsabilité de l'étudiant-e. Le choix et l'approbation d'un milieu de stage,
commenceront dès le début de la session précédant celle du stage et comporteront plusieurs étapes de la part de
l'étudiant-e, entre autres: examen avec le coordonnateur universitaire de
stages, des possibilités de stage, des thèmes de stage et énonciation des
objectifs; demande d'approbation du projet de stage par le superviseur-terrain
du milieu choisi par l'étudiant-e; entente sur les objectifs, les intérêts, les
modalités générales de réalisation du stage.
Il
est entendu que les objectifs liés au projet de stage ne sont pas figés et
qu'ils pourront évoluer. Ainsi,
l'étudiant-e pourra les finaliser en même temps que se précisera le projet, au
cours des toutes premières semaines du stage.
Toutes
les informations nécessaires et les conditions relatives à la tenue d'un stage
seront fournies aux étudiant-e-s, aux milieux de stage et aux professeurs de
l'École de design industriel et de design d'intérieur par le biais d'un guide
de stage (à élaborer).
Résumons-nous. La M.Sc.A. (aménagement) option “Design et
complexité” est une maîtrise de recherche avec mémoire. Elle a pour but de développer auprès des
candidat-e-s une “intelligence complexe”, c’est-à-dire la capacité de saisir,
dans un processus de recherche, la complexité croissante des problèmes de
design, quel que soit le lieu où se manifeste cette complexité (méthodologie,
technologie, évaluation, problématisation, etc.). La méthode de recherche
privilégiée est la recherche-projet, qui a pour caractéristique principale de
réconcilier les dimensions pratique et théorique du design. Enfin, une partie importante de la recherche
s’effectuera dans une entreprise ou un laboratoire situés à l’étranger.
À qui s’adresse cette
maîtrise?
Nous avons procédé à une étude
d’opportunité auprès de divers intervenants des milieux industriel,
institutionnel et professionnel au Québec.
Les réponses ont été en grande majorité très favorables. À cela, il convient d’ajouter les écoles
étrangères avec lesquelles nous entretenons des relations d’échange, ainsi que
leurs propres réseaux d’entreprises; elles se sont montrées très intéressées
par ce programme. En effet, lorsqu’il
existe des programmes de maîtrise dans notre discipline (ce qui est encore
rare), il s’agit pour la plupart de maîtrises professionnelles, orientées vers
le projet de conception et la réalisation de prototypes fonctionnels avec
partenaires industriels. Ce qui intéresse
les écoles étrangères et canadiennes, c’est l’originalité et l’envergure de
notre programme de formation théorique et méthodologique.
Le
nouveau diplôme s’adresse donc en priorité aux designers (en général) qui
possèdent déjà une expérience professionnelle et ressentent le besoin
d’approfondir un aspect particulier de la discipline, d’élargir une
problématique de façon plus systématique, de cerner un enjeu (méthodologique,
théorique, technologique, culturel, économique, social ou autre) de la pratique,
ou encore de s’aménager une période de réflexion, de recul ou même de remise en
question propice à une réorientation de carrière, ce que n’autorisent guère les
exigences pressantes de la pratique quotidienne. Le diplôme s'adresse également aux étudiant-e-s fraîchement
diplômé-e-s qui éprouvent un intérêt pour la recherche et la poursuite d’un
travail intellectuel souvent déjà entamé au premier cycle, ainsi qu’aux
diplômé-e-s d’autres disciplines ayant perçu l’enrichissement que pouvait
procurer à leur formation professionnelle préalable la perspective propre à la
recherche en design. Parmi ces autres
disciplines figurent bien entendu les disciplines du design au sens large
(celles de l’aménagement), mais également toute autre discipline universitaire,
dans la mesure où les candidat-e-s se sont familiarisé-e-s avec le processus et
la culture du projet. Enfin, nous
sollicitons activement la venue de diplômé-e-s des écoles de design étrangères,
dans le cadre de notre programme d’échange international original.
Nous
souhaitons, dans la période d'implantation, limiter
les admissions à 12 candidat-e-s pour nous assurer la meilleure qualité
pédagogique possible en regard des ressources dont nous disposons et de ce que
le « marché » est susceptible d’absorber. En
nous tenant à un minimum très conservateur de 8 diplômés par année, on peut
estimer que le quart se dirigera vers le doctorat, un autre quart au moins
exploitera la spécialisation acquise pour se diriger vers une activité de
conseil, le reste reprenant son activité professionnelle avec l’espoir que
l’attitude et l’aptitude de recherche acquises seront implantées dans
l’entreprise.
Ressources
Il convient de distinguer les ressources
académiques, d’une part, et les partenaires industriels ou institutionnels de
l’autre. Aux professeurs de l’École de
design industriel pourront se joindre d’autres collègues de la Faculté (pour
les cours, par exemple, ou comme co-directeurs de recherche) pour constituer le
corps professoral de la Maîtrise en design (Annexe 6). Le Groupe de recherche appliquée au design
(GRAD) est le lieu tout désigné pour accueillir les activités de recherche de
nos future-s étudiant-e-s, et nous entretenons l’espoir de créer une Chaire en
design dans cette même perspective. Aux
partenaires industriels et institutionnels avec qui nous pratiquons déjà de
nombreux échanges, de nouveaux partenaires viendront s’ajouter rapidement, dans
le cadre des protocoles d’échange disponibles.
Enfin, l’Institut de design de Montréal (IDM) s’est d’ores et déjà
déclaré comme partenaire privilégié d’un tel programme. Nous collaborererons volontiers avec les
groupes de recherche et laboratoires déjà établis à la Faculté (Chaire en
paysage et environnement, GRCAO, GRIET, par exemple) dans la mesure où ils sont
susceptibles d’accueillir nos candidat-e-s au cours de leur stage, au même
titre que nos autres partenaires.
L'équipement des laboratoires en
matériel, dans la mesure où il deviendra nécessaire, sera financé par le
secteur privé auprès duquel nous agirons en tant qu'experts et
consultants. Les institutions
subventionnaires seront bien sûr sollicitées en temps utile.
Du point de vue budgétaire, les chiffres
fournis par les services de planification de l’U de M (132
$/crédit-étudiant/trimestre) nous permettent d’envisager, pour une cohorte de
12 candidat-e-s par année, la possibilité de dégager l'équivalent d'un-e
professeur-e à plein temps chargé-e des tâches de direction scientifique et
gestion pédagogique (1/4 de temps), ainsi que celles d’enseignement (3 nouveaux
cours, 1 cours modifié: Annexes 1 et 2) et de direction de recherche qu’exigera
le nouveau programme (Annexes 6).
Notes
1. Proposition d’un cadre
d’ensemble des programmes de formation,
Faculté de l’aménagement, 6 mai 1998.
2. Le directeur scientifique et responsable
pédagogique désigné de ce programme, Alain Findeli, a lui-même contribué à ces
recherches dans le cadre de trois subventions de recherche successives du CRSH
(subvention stratégique en éthique appliquée (1989-92), subventions ordinaires
du comité des études pluridisciplinaires (1993-96 et 1997-2000)). Les résultats
ont fait l’objet de plusieurs publications et communications et ont été validés
en diverses occasions et sous diverses
formes, ce qui leur a valu d’être par la suite intégrées dans des
enseignements, tant au premier cycle qu’aux cycles supérieurs.
3. L’expression “pathologique”est empruntée à
Jean-Pierre Boutinet qui l’utilise dans son ouvrage Anthropologie du projet (Paris, PUF, 4e éd., 1996). Cet
auteur figure en bonne place parmi les chercheurs évoqués dans la note
ci-dessus.
4.
L’autonomie épistémologique de la
technique à l’égard de la science est désormais bien établie, grâce aux travaux
en histoire des techniques, en anthropologie culturelle, en sociologie de la
connaissance, en psychologie cognitive, en phénoménologie de l’action et, bien
sûr, en épistémologie des pratiques. Pour une vision historienne, on consultera
avec profit le chapitre consacré à cette question (“Is technology applied
science?”) dans l’ouvrage de J. Staudenmeier, Technology’s Storytellers (Cambridge, MIT Press, 1989). Pour une
analyse plus serrée des professions, on relira le chapitre introductif de D.
Schön, Educating the Reflective
Practitioner (San Francisco, Jossey-Bass, 1987). Pour le design en particulier, voir A. Findeli, “Will
design ever become a science?” in P. Strandman (ed.), No Guru, No Method. Discussion on Art and Design (Helsinki, UIAH,
1998, p. 63-69).
5.
Ch. Frayling, Research in Art and Design, RCA Research
Papers #1, 1993/94.
6.
P. Lalande, Projet de création d’un groupe de recherche à l’ÉDIN, 30 sept.
1998.
7.
L’aménagement n’a pas échappé aux
conséquences de la vision complexe de la réalité qui a bouleversé de nombreuses
disciplines. Pour les disciplines professionnelles et dans le domaine
francophone, on se référera aux travaux entrepris depuis 25 ans au sein du
Programme Européen pour la Modélisation de la Complexité (<mcxapc.org>),
société savante transdisciplinaire et pluriprofessionnelle, sous la vigilance
épistémologique de Jean-Louis LeMoigne. C’est ce
dernier qui nous a livré en traduction française The Sciences of the Artificial de H. Simon, considéré comme l’un
des ouvrages fondateurs des sciences de la conception. À cet égard, signalons
que nous avons préféré conserver le terme de “design” pour notre programme,
plutôt que celui de “sciences de la conception” qui aurait également pu
convenir.
8.
La notion et la pratique de la
recherche-projet constituent les résultats d’un projet de recherche
fondamentale entrepris depuis une dizaine d’années (cf. note 2 ci-dessus). Ce
projet à visée théorique au départ connaît actuellement ses retombées dans la
pratique : pratique professionnelle, pratique de recherche, enseignement,
consultation. Le concept central, la recherche-projet, a été validé à plusieurs
reprises sous des formes diverses (publications, communications, séminaires,
direction d’étudiant-e-s) et a suscité un certain intérêt auprès des
responsables des programmes d’études doctorales en design actuellement en voie
d’établissement partout dans le monde. Au premier colloque majeur qui les a
réunis en 1998 (R. Buchanan et al. (dir.), Doctoral
Education in Design, Pittsburgh, CMU, 1999) font suite les deux colloques
organisés en Europe en été 2000. Le principe de la recherche-projet a été
décrit dans A. Findeli, “La recherche en design. Questions épistémologiques et
méthodologiques” (Int. J. of Design and
Innovation Research, I, 1, juin 98, 3-12). L’auteur a également été invité
à diriger la publication du numéro spécial consacré à la recherche d’une des
deux revues les plus reconnues internationalement dans la discipline (A.
Findeli, Guest Editor, Design Issues,
special issue on Design Research, XV, 2, Summer 1999). L’émergence du concept
de recherche-projet fait écho à une intense activité de remise en question de
nos disciplines et à la volonté de création de diplômes d’études supérieures en
design dans plusieurs écoles américaines, européennes, australiennes et
asiatiques. Voir par exemple
A. Seago, Research Methods for Mphil and
PhD students in Art and Design (RCA Research Papers #3, 1994-95).
9.
Dans son Journal métaphysique, le philosophe personnaliste Gabriel Marcel
distingue, quant à lui, le problème,
“ce qui est ‘ devant’ moi, [ce qui] est justiciable d’une certaine
technique appropriée en fonction de laquelle il se définit (et toute technique
consiste à résoudre des problèmes d’un type déterminé)”, du mystère , qui est “une réalité où je me
trouve engagé,… [et qui] transcende par définition toute technique concevable”.
On pourrait, sans trop solliciter le sens, établir une analogie avec les
systèmes complexes rencontrés en design, ce que confirmerait la notion de
“soutenabilité sociale des projets” développée en Allemagne.
10. R.
Camous, Maîtrise internationale en design
industriel. Proposition, EDIN, 11 octobre 1996.