Qu'est-ce qu'un Modèle ?

 

 

 

 

J.L. Le MOIGNE*

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Cette étude est initialement publiée dans : "Les modèles expérimentaux et la clinique" (AMRP1985)

CONFRONTATIONS PSYCHIATRIQUES, 1987,  numéro Spécial consacré aux MODELES

 

* Professeur à l'Université d'Aix-Marseille III - Faculté d'Economie Appliquée -GRASCE - CNRS - Aix-en-Provence

 

 

Qu'est-ce qu'un MODELE ?

J.L. Le MOIGNE

 

Résumé

 

 

 

Si la notion de modèle est une idée neuve pour la science contemporaine, sa pratique cognitive est riche d'expériences multiples et enchevêtrées : doit-il être réduction au clair-et-net cartésien, ou révélation ambiguè de la complexité essentielle des phénomènes. On propose d'organiser l'intelligence du modèle, en considérant les épistémologies et les méthodologies qui supportent sa production et sa légitimation par le clinicien, l'ingénieur et le scientifique : une théorie de la connaissance-objet  contrastée par une théorie de la connaissance-projet ; une méthode analytique, hypothético-déductive-expérimentale, contrastée par une méthode systémique, axiomatico-inductive-pragmatique. Ce qu'on illustre par un exposé de deux axiomatiques de la modélisation, antagonistes et plausibles (l'Anatomique et la Systémique), et par une brève présentation de Systémographie, instrument de modélisation systémique des phénomènes perçus complexes. Si on ne peut sans doute plus définir universellement la notion de modèle, on peut concevoir la fonction téléologique de modélisation, production intelligible de représentations opératoires par le modélisateur-acteur.      

 

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Qu'est-ce qu'un MODELE ?

 

 

Dans l'ordre de la recherche scientifique, la notion de modèle, entendue comme instrument de production et d'exposition des connaissances, est une idée neuve. Et plus encore le concept de modélisation, qu'ignorent encore nos dictionnaires. Une riche étude de S. Bachelard (1983) mentionne son apparition au début du XXe siècle, par un article "Model"  publié par l'Encyclopaedia Britanica en 1902, article dû au grand L. Boltzman ; lequel avait auparavant publié un article dans un "catalogue (allemand) de modèles de physique mathématique". Les encyclopédistes du XVIIIe siècle parlaient volontiers de système pour désigner, à peu près, ce que nous entendons aujourd'hui par modèle scientifique ou technique. Auparavant lois

(.. de Kepler) ou principes (... de Newton) semblaient faire l'affaire avant que ne s'installe le concept de théorie, lequel défend aujourd'hui encore avec énergie la noblesse de son statut face aux empiettements présumés du roturier concept de modèle. Empiettements facilités par les scientifiques anglo-saxons qui assurent, au nom du pragmatisme que le reste du monde leur attribue, "que, dans l'usage contemporain, le mot "modèle" est tout simplement un synonyme du mot "théorie"... Je soupçonne, ajoute H.A. Simon (qui introduisait ainsi son article désormais classique sur "les usages et les limitations des modèles... en particulier en sciences sociales, 1955),  que l'on veuille ainsi implicitement désigner par le mot "modèle", une "théorie mathématique";  ce qui risquerait, développait-il, de nous faire ainsi perdre bon nombre de théories intéressantes, exprimées dans d'autres langages que le langage mathématique : en particulier les modèles (ou théories ?) verbalisables et les modèles informatisables" (ou "programmables"). H.A. Simon développera ultérieurement la thèse de la richesse des modèles formalisés-non-réduits aux modèles-mathématiques, notamment à l'intention des recherches en psychologie (et plus spécifiquement des recherches piagetiennes, qui, à l'époque 1965, ne l'entendirent pas) (cf. CNRS, 1967). 

 

- Théories ou modèles : quelles méthodes de production et de validation -

L'historien de la science et de la langue nous dira sans doute dans un siècle ou deux si cette synonymie est contingente ou essentielle. En attendant, il nous faut pratiquer l'un et l'autre de ces concepts en nous enrichissant de leur mutuelle ambiguïté  : aussi longtemps que nous serons convaincus du pouvoir explicatif et général de nos   modèles,   nous  les   appellerons  théorie ; et  dès  que  nous  ne   saurons  plus  convaincre nos interlocuteurs de cette fécondité, ce que nous saurons vite par l'injure offensante de théoriciens (1) qu'ils nous adresseront, nous baptiserons modèle ce qui hier eut été théorie. En attendant le jour heureux où nous parviendrons à formaliser assez tels énoncés de tels de nos modèles pour solliciter la faveur de les baptiser "théorèmes" ; alors notre modèle redeviendra sans doute pour quelque temps, théorie.

 

Modèle ou théorie, nous savons tous pourtant que nous affrontons toujours deux vieilles et familières difficultés : disposons-nous de quelques bonnes méthodes pour les découvrir ou pour les construire, d'une part, et pour les valider ou pour les légitimer d'autre part. Aristote, Archimède, Léonard de Vinci, F. Bacon, R. Descartes, G.B. Vico, Cl. Bernard, P. Valéry, G. Bachelard, E. Morin, pour ne citer que quelques chercheurs illustres, ont sans doute tenté, et parfois réussi, de nous en proposer. Mais il n'est pas certain que nous les ayions assez lu pour tirer délibérément parti de leurs propositions. Aussi réputé soit-il encore en Occident, le Discours de la Méthode reste un discours de circonstance (G. Bachelard, 1934,  p. 139) et ses préceptes nous semblent aujourd'hui bien arbitraires et contingents (2).

 

- "Nous ne raisonnons que sur des modèles" (P. Valéry) -

Il reste qu'il nous faut, quelles que soient nos pratiques, scientifiques, cliniques, techniques, nous interroger sans cesse, avec une valérienne rigueur, sur le bon usage de notre raison dans les affaires humaines (H.A. Simon 1983) : et donc sur la forme, l'intelligibilité et la communicabilité de nos raisonnements, tout autant que sur la pertinence et la légitimité des conclusions que nous en inférons. Si nous ne raisonnons que sur des modèles, ainsi que l'observait déjà Paul Valéry, (et ne communiquons que par des modèles), nous devons nous forger un entendement exigeant de la notion de modèle. Situation paradoxale sans doute, puisque dès que nous le voulons clair et net, dénué d'ambiguïté, il ne nous est plus d'aucune utilité. C'est son caractère actif, multi-dimensionnel, complexe qui lui vaut sa puissance. Ne pourrions-nous le forger sans le mutiler ? Ce que nous perdrons en illusoire clarté, nous le gagnerons peut-être en intelligibilité de la complexité. Il en va des définitions comme des brouets : plus ils sont clairs, moins ils sont nutritifs !

C'est en ce sens, on nous l'accordera, que la notion de modèle est idée neuve dans nos cultures scientifiques, techniques ou cliniques.

 

-        Le modèle a "fonction de connaissance" –

 

Cette image visible et palpable de lois abstraites que l'esprit (du scientifique) ne pourrait saisir sans le secours du modèle, (P. Duhem, 1906), un modèle parlant aux yeux (E. Mach, 1883), (rapporté par S. Bachelard, 1983), est sans doute héritière des multiples usages du mot modèle depuis Léonard de Vinci : depuis l'original (le modèle du peintre), jusqu'à la parfaite copie du faussaire,  par l'Imitation, de la Nature ou des anciens (Quatremère de Quincy, 1823), le prototype ou l'archétype, la maquette de l'architecte ou l'écorché pour l'ingénieur ou l'anatomiste, l'illustration exemplaire ou l'analogie iconique voire à l'isomorphie symbolique, le modèle réduit et le court schéma qui en dit plus qu'un long discours, notre expérience cognitive du modèle et de la modélisation est riche et multiforme.

Le clivage rassurant de P. Duhem, entre la théorie abstraite et le modèle concret (ou mécanique) n'est plus pertinent, puisqu'il permet des théories illusoires et inutiles et qu'il ignore des modèles aussi abstraits et conceptuels qu'un logiciel informatique. Il nous faut désormais reconnaître le modèle dans sa complexité potentielle : il n'a pas de réalité, il n'est rien d'autre que sa fonction : modèle de, modèle pour, il renvoie à autre chose que lui-même et sa fonction est une fonction de délégation. Le modèle est un intermédiaire à qui nous déléguons la fonction de connaissance (S. Bachelard, 1983, p. 3). Et rien ne nous contraints a priori à limiter cette fonction de connaissance à une fonction de réduction (de l'encore énigmatique), comme l'écrivait S. Bachelard, il est vrai, dans un environnement culturel où le réductionnisme était encore tenu pour solide caution de scientificité !

Le modèle opérateur souvent complexifiant d'une connaissance présumée complexe, indissociable du sujet qui le manipule : nous disposons aujourd'hui d'une conceptualistion qui, pour n'être pas claire et nette, n'en est pas moins instrumentale (R. Mattesich, 1979) et intelligible.

Une idée neuve du modèle : Modèle (ou représentation) de connaissance qu'il importe maintenant d'appréhender et de connaître assez dans sa complexité : récursion familière : il nous faut élaborer une connaissance du modèle pour construire nos modèles de la connaissance.

 

- Inventer ou découvrir les modèles -

Dès lors que nous voulons entendre nos modèles comme des processus, opérateurs de connaissance, il nous faut convenir du statut que nous reconnaissons à la Connaissance : sera-t-elle pour nous une donnée, préexistante à notre intervention  cognitive,  explication  objective  des effets  que  nous percevons par des causes que nous découvrons ? (Le Paradigme de l'Univers Cablé, qui de Newton à Laplace par Einstein à R. Thom, a dominé pendant deux siècles la théorie de la Connaissance en Occident).  Ou sera t-elle une construction cognitive, représentation projective (ou intentionnelle) des comportements que nous percevons référés à des téléologies que nous inventons ? (Le Paradigme de l'Univers Construit, qui, se forge depuis Archimède contestant Aristote, de Léonard de Vinci G.B. Vico, de P. Valéry à G. Bachelard, de J. Piaget à H.A. Simon et à E. Morin, pour ne prendre nos références que dans les sciences occidentales héritières de l'héllénisme pour nous sans doute plus familières) (3).

 

Que chacun de ces deux paradigmes, celui de la Découverte, (dévoiler un Réel), et celui de l'Invention (4), (Construire des représentations intelligibles), que chacun de ces deux paradigmes ait aujourd'hui ses tenants dans nos pratiques scientifiques et cliniques, n'est sans doute pas signal de décadence, quoiqu'en assurent les positivistes-de-stricte-observance. C'est à la qualité de la Tolérance  qu'elle suscite que nos Sociétés savent aujourd'hui reconnaître la qualité d'une connaissance scientifique. Nous savons collectivement enfin garder mémoire de la condamnation de Galilée.

 

-        Des modèles iconiques aux modèles symboliques

 

Mais on ne s'étonne pas que chacune de ces deux théories de la connaissance (l'une et l'autre héritières d'une puissante tradition: que l'on songe au conflit des Universaux et à l'émergence si féconde du Nominalisme médiéval), aient suscité leur mode d'appropriation privilégié : la Connaissance-Objet devra pouvoir se décrire par agencements quasi mécaniques de modèles iconiques : le modèle réduit ou l'écorché précèdent et permettent l'atome de Bohr, la molécule de Kebulé, la double hélice de Watson et Crick. Parce qu'elle est présumée réductible par l'analyse, à des icones de plus en plus élémentaires, elle pourra peu à peu être représentée par des modèles symboliques (le symbole de préférence mathématique étant alors tenu pour l'icône enfin irréductible à autre chose qu'à elle-même). Puis, peu à peu, le modèle symbolique s'autonomisera en se diversifiant, en conservant, présumait-on, sa vocation initiale de description explicative d'une connaissance causale : le modèle Stimulus-Réponse, le modèle d' Id et de l'Ego, le modèle de l'équilibre walrasien, le plupart des modèles dits structuralistes... autant d'exemples de modèles symboliques (... ou de théories ?) établis à fin de représentation explicative des connaissances-objets.

 

 

 

-        "Construire dans sa tête AVANT... :  Concevoir" –

 

La célèbre parabole de l'abeille et l'Architecte, proposée au siècle dernier par K. Marx, suggère sans doute une autre conception du modèle-représentation de la connaissance associée au paradigme de la connaissance-Projet :

 

"L'abeille confond par la structure de ses cellules de cire  l'habileté de plus d'un architecte.

Mais ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais architecte  de l'abeille la plus experte, c'est qu'il a construit la cellule  dans sa tête avant de la constuire dans la ruche". (5)

 

Le modèle de la cellule construit dans la tête du modélisateur AVANT que la cellule ne soit connaissable, avant qu'elle ne soit peut-être objet de connaissance, ce modèle est familier à chacun bien qu'il soit inconstructible par l'analyse, ou la découpe, de cet objet... qui n'existe pas, ou pas encore. On n'invente que ce qui n'existe pas (6) concluait Quatremère de Quincy s'interrogeant sur le paradoxal processus de modélisation de l'architecte ou de l'Ingénieur : mais comment invente-t-on ? G.B. Vico, dès 1708 dans la Méthode des études de notre Temps (7) interpellait avec pertinence l'analyse cartésienne : si on l'applique avec rigueur, elle interdit l'invention, elle ne permet que la reproduction !. Inventer, concevoir, c'est chercher ce qui n'existe pas et pourtant le trouver, s'étonnait Quatremère, citant Plaute, dans "de l'Imitation" (p. 176). Chercher ET trouver ce qui n'existe pas, ce n'est plus établir la connaissance d'un objet ; c'est quasi nécessairement, constuire la connaissance d'un Projet. Pour chercher, il faut un chercheur intentionnel, qui quête ("to search") une connaissance dans l'acte même de la construire. J. Piaget, on le sait, montrera la puissance, la généralité, et la légitimité d'une théorie de la connaissance qui fonde celle-ci dans le processus de construction qui l'élabore avant de la fonder sur ses fugaces résultats. A cette théorie de la connaissance-projet, quelle méthodologie de la modélisation saurons-nous associer : la même en apparence que celle que nous reconnaissions associée à la théorie de la connaissance-objet ? Plus aisément symbolique, qu'iconique sans doute ? Encore que, pour qui étudie les modèles de ce prodigieux inventeur de Connaissance-Projet que fut Léonard de Vinci, il faudra convenir de la puissance des modèles iconiques par lesquels il représentait ses projets de connaissance (que l'on songe au dessin de l'hélice qu'il inventait pour décrire la théorie du vol des plus-lourds-que-l'air ; ou au caractère quasi physiologique de ses dessins d'anatomie).

 

 

 

-        Deux méthodologies de la modélisation : Analyser ou Concevoir ?

 

La connaissance-projet se produit -et se représente- par CONCEPTION de modèles ("constuire dans sa tête AVANT de construire dans la ruche"), et non plus par ANALYSE. Le modèle alors, qu'il soit iconique ou symbolique, devient source de connaissance et non plus résultat. Il ne décrit plus, ex-post, une connaissance-objet tenue pour ex-ante ; il représente a priori une connaissance-projet qui n'existe que par lui.  Dès lors les modes de construction du modèle ne peuvent plus être analytiques (analyse-synthèse) et les modes de validation seront rarement de type hypothético-déductifs expérimentaux ; les modes de construction deviennent  projectifs, ou systémiques (intention-conception), et les modes de légitimation deviennent axiomatico-inductifs, pragmatiques (8) : le modélisateur doit dire son projet (ses axiomes, sa "théorie de la connaissance") et convenir que la connaissance qu'il représente est réalisation, action cognitive ; pour lui, "je comprends" se dit "je réalise" (9). J. Ladrière a proposé, dans un article intitulé "Représentation et Connaissance" (10), une métaphore très éclairante pour illustrer ces deux conceptions enchevêtrées de ce qui parfois sera "le même" modèle (d'une connaissance-objet pour l'un, d'une connaissance-projet, pour l'autre) : "Le concept de représentation, tel qu'il est utilisé dans la théorie de la connaissance, repose sur une double métaphore : celle de la représentation "théâtrale" et celle de la représentation "diplomatique"".

Le Modèle-Représentation-Théâtrale est une action représentant une action à l'intention de quelque tiers inclus dans cette action : le spectateur est intentionnellement actif, sinon acteur, dans la représentation elle-même intentionnelle. Il ne perçoit pas le rôle des acteurs mais leur jeu, actif, de ces rôles. Etonnante et intelligible conjonction d'actions, la représentation théâtrale est bien riche métaphore décrivant la modélisation d'une connaissance-projet : auteur, acteur, spectateur, chacun cherche -et souvent trouve- ce qui n'existe pas encore et qui n'existera peut-être que pour lui.

 

Le Modèle-Représentation-diplomatique est présumé passif, lettre d'accréditation qui exclut le représentant, tiers présumé transparent entre l'objet (de connaissance) à représenter et le récepteur qui devrait ne trouver dans le modèle que le duplicata fidèle de cet objet re-présenté : métaphore satisfaisante de la modélisation de la connaissance-objet (11).

 

-        Le modèle conjonction de représentations théâtrales et diplomatiques –

 

Ainsi les modèles (cliniques, techniques, scientifiques) que nous considérons, élaborons, discutons, que les uns veulent objets clairs et nets, les autres opérateurs actifs et bruyants, ces modèles doivent-ils être entendus dans cette complexité consubstantielle : il sont conjonctions de représentations théâtrales et diplomatiques. Le diplomate doit savoir qu'il joue aussi un rôle et ne peut être exclus de la relation qui associe la connaissance à son  objet. Et l'acteur doit savoir que son jeu dépend de son rôle, et qu'il faut que l'on puisse aussi l'en exclure pour accéder parfois au rôle qu'il représente.

 

Le Positivisme qui longtemps régna sur la recherche scientifique Occidentale proposa de privilégier quasi exclusivement une bien illusoire objectivité, et donc encouragea la métaphore de la modélisation-représentation diplomatique. Il fallut longtemps aux sciences douces pour se libérer de ce carcan méthodologique et pour inviter les sciences dures à convenir elles mêmes de l'appauvrissement auquel elles se contraignaient en ignorant la complexité de la représentation. En 1970, J. Monod pouvait encore soutenir qu'il fallait "accepter le postulat de base de la méthode scientifique : à savoir que la Nature est objective et non projective ... bien qu'il y ait là ... une contradiction épistémologique profonde... puisque l'objectivité ... nous oblige à reconnaître le caractère téléonomique des êtres vivants" (p. 17, p. 32). Mais cette même année, G. Bateson nous invitait à "modifier radicalement notre façon de concevoir le processus mental et communicationnel. Toute tentative, ajoutait-il explicitement, à l'intention précisément des cliniciens, visant, comme cela est fréquent, à construire un cadre théorique pour la psychologie et les sciences du comportement, en empruntant aux sciences exactes la théorie énergétique, relève du non-sens et de l'erreur manifeste" (T. II, p. 209).

Une révision radicale ? Comment la récuser aujourd'hui ? L'attitude de J. Monod se résignant à vivre une contradiction épistémologique profonde est-elle durablement admissible ? En complexifiant notre entendement de la notion de modèle-représentation, à la fois théâtrale et diplomatique, à la fois projet et objet de connaissance, nous ne perdons rien de l'acquis des sciences dures ("Le miracle des lois de la physique est un miracle isolé, que l'on a payé fort cher en croyant que comprendre est un luxe dont on peut se dispenser dès lors que l'on a la formule qui permet de prédire" concluera R. Thom dans "La Science Malgré Tout" (12)) ; mais nous restituerons, tant aux sciences dures qu'aux sciences douces, de larges champs possibles d'explorations fécondes.

 

 

 

-        Le modèle : de l'Explication à la Représentation

 

Au lieu d'imposer à nos modèles la charge d'une explication (mécanique?, causale ? thermodynamique ?, énergétique ?) de l'univers, nous pouvons les construire et les légitimer soit comme des modèles de compréhension (R. Thom),  soit comme des instruments d'intelligibilité (S. Bachelard), soit enfin comme des représentations opératoires, qui puissent servir à faire : "Je n'ai jamais cru aux "explications"" répétait souvent P. Valéry, qui ajoutait en 1942 : "Mais j'ai cru qu'il fallait chercher des représentations sur lesquelles on put opérer, comme on travaille sur une carte, ou l'ingénieur sur une épure... et qui puissent servir à faire" (13).

 

Peut-être, peut-on récapituler en un tableau (idéogramatique, et sans ambition artistique !) ces interprétations épistémologiques de la notion de modèle, dans un double référentiel épistémologique (Théorie de la connaissance : Objet et Projet) et méthodologique (Analyse par raisonnement hypothético-déductif expérimental, et Conception par raisonnement axiomatico-inductif pragmatique), au risque sans doute de figer prématurément des définitions qui s'avèrent n'être fécondes que reconnues dans leur ambiguïté.

 

 

 

 

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                                                                                 PARADIGME                                  PARADIGME

THEORIES de la                                

CONNAISSANCE                                       CONNAISSANCE-                  CONNAISSANCE-

                               OBJET                                     PROJET                        _________________________________________________________________

METHODES de

MODELISATION      

                                    

             PAR                

      ANALYSE                                                  Modèle                                                  Modèle

(hypothético-Déductif                                 EXPLICATION                              INTERPRETATION 

expérimental)               

___________________________________________________________________________________________                                                

                PAR                 

     CONCEPTION                                          Modèle                                                  Modèle

(axiomatico-Inductif                                    COMPREHENSION                         REPRESENTATION

pragmatique )                                                                                                            OPERATOIRE

                                      

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                                                                           Epistémologies de la modélisation

 

 

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La nécessaire ambiguïté du modèle –

 

Cette ambiguïté potentielle et peut-être nécessaire des modèles est sans doute elle aussi une idée neuve. Elle mérite d'être entendue dans le contexte historique où elle a émergé à partir de 1947, avec les développements des théories (puis des sciences) de la Communication et de l'information : ces nouvelles sciences s'instituaient, on dut vite en convenir, en  rupture  épistémologique (G. Bachelard, 1938),  radicale (G. Bateson, 1970) avec les théories et les sciences de la matière et de l'énergie (l'énergétisme) par rapport auxquelles devaient alors s'ordonner les sciences sociales et les sciences de la vie pour être scientifiques. La célèbre tentative de L. Brilloin (1956) proposant de tenir l'information Shannonienne comme une grandeur énergétique, physiquement dimensionnable (aussi petite que soit la constante de Boltzman) révèle l'impasse :  il n'est pas de modèle iconique (mécanique ou thermodynamique), susceptible d'expliquer les phénomènes informationnels. Les sciences de la communication ne sont passibles que de représentations symboliques, mais elles sont, récursivement, capables de théoriser le concept de symbole qui les exprime (A. Newell et H.A. Simon, 1972, 1975 ; H. Von Foerster et J. Piaget, 1976 ; E. Morin, 1986).

La légitimation des modèles symboliques par lesquels elles décrivent leurs énoncés enseignables ne peut plus se fonder à une analogie expérimentale et iconique (dénuée elle, d'ambiguïté).  Elle passe par des analogies de comportements simulés, simulations effectuées sur des modèles symboliques. Et la simulation des modèles simulés n'est pas une opération neutre : elle affecte le modèle lui-même. "Quoique le computer ait computé, écrira H. Von Foerster, il ne sera plus jamais le même" (14).  Percevant, vers 1953, la fécondité heuristique de la théorie mathématique de la communication de C. Shannon et W. Weaver, le biologiste H. Quastler en inférait un modèle original de la nécessaire ambiguïté (au moins technique) de tout message atteignant un récepteur (ainsi le présent modèle, que le lecteur pensif déclare recevoir !).

 

-        "La carte n'est pas le Territoire", mais le territoire est aussi la carte

 

Si l'on veut bien entendre les  modèles que l'on considère comme des messages que l'on reçoit, on peut, fort métaphoriquement, interpréter le modèle de Quastler dans les termes suivants :  un modélisateur X a établi un modèle qu'il présente come un message caractérisable par la quantité d'informations shannoniennes Hx qu'il transmet à l'éventuel destinataire Y que nous pouvons être : cette transmission se fait par le jeu d'un canal de capacité présumée connue H(x,y). Autrement dit le message  H(x) émis est nécessairement accompagné d'une quantité d'informations non intentionnelles  Hx(y),  l'ambiguïté de la source H(x,y) = H(x) + Hx(y).

Le récepteur y reçoit un message dont il connaît la quantité d'informations : H(y) ; et il doit savoir que ce message est a priori chargé d'une quantité d'informations exogènes au message, "le bruit" dû à l'équivocation de la réception  : Hy(x)

H(x,y) = H(y) + Hy(x).

H. Quastler montre que le message T (x,y) effectivement émis et reçu (commun, donc à x et y) est une forme symétrique

T(x ; y) = T (y ; x) = H (x,y) - Hx(y) - Hy(x) = H(x) - Hy(x) = H(y) - Hx(y)

ce qu'il illustre par un schéma aisé à interpréter :

 

        Emetteur                             Canal                                       Récepteur

                       X                                             H(x,y)                                                      Y

________________________________________________________________________________________________   

Hy(x)

 
                    

                                                                                                                                                                                                                                                                       

 H(y)

 

 

 
 H(x,y) :  Message                                                          T(x,y)                                         T(x,y) : message

H(x)

 
émis                                                                                                           H(           communiqué

                          

                                                     Hx(y)

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Autrement dit, métaphoriquement toujours : le récepteur reçoit à la fois plus et moins que ce que lui a transmis l'émetteur ; et pour notre propos sur la modélisation : Dans tout modèle, il y a à la fois plus et moins que ce que le modélisateur initial a voulu y mettre : la transmission n'est pas neutre, et il n'est de modèle que chargé d'ambiguïté. Une ambiguïté que nous ne pouvons que rarement réduire au point de l'annuler (par la transformation du modèle symbolique en un modèle iconique, par exemple), dont nous présumons qu'elle est parfois féconde, et dont nous savons qu'elle nous interdit, si nous voulons "bien conduire notre raison", de raisonner sur ce modèle comme s'il était certainement clair et net (15).

Ambiguïté féconde pourtant, qu'une autre métaphore illustrera : on sait la légitime fortune du fondateur de la Sémantique Générale, ou Logique - Non-Aristotelicienne, A. Korzybski, réfléchissant sur les raisonnements que nous développons sur nos modèles : "la carte n'est pas le territoire" (p. 58 de "Science and Sanity"), le modèle n'est pas le phénomène qu'il représente, il est, à la fois, plus et moins. Mais on a moins prêté attention aux réflexions de A. Korzybski sur le caractère auto-référentiel de toute connaissance ("All human "knowledge" is structurally circular and self-reflexive", p. 323). Autrement s'il est vrai que la carte n'est pas le territoire, il est possible que le territoire, pour l'observateur soit aussi la carte : le modèle reçu se projette sur le modèle que nous émettons. Notre modèle du Territoire est aussi produit récursivement par les modèles antérieurs que nous en avions élaboré ou dont nous disposons. "Dans les environs d'Aix-en-Provence, évoque H.A. Simon (16), on peut redécouvrir chacun des endroits où s'installait Cézanne pour peindre la Montagne Sainte-Victoire. On peut voir la montagne comme il la voyait, de la ferme de Bellevue ou du bois du Château Noir. Ses toiles alors nous livrent de nouvelles significations"... (je souligne).

Ambiguïté créatrice de nouvelles significations : c'est sans doute ce que S. Bachelad reconnaissait dans son histoire de la notion de modèle : "Le modèle lui aussi a son originalité, et cette originalité peut surgir comme un imprévu dans l'entreprise finalisée de la modélisation" (p. 10), "Ambiguïté constitutive de la fonction de modélisation" (p. 7).

 

- Du répertoire des modèles à la méthode de modélisation -

Ainsi se délite, au fil de notre réflexion la notion de modèle fini, clef en main, à utiliser en respectant soigneusement le mode d'emploi. Ces modèles enseignés deviennent pour le modélisateur (qu'il soit clinicien, technicien ou scientifique), des heuristiques parfois fécondes suscitant l'initialisation ou la ré-orientation de son propre processus de modélisation. Aussi illustre que soit le père présumé du modèle (ou de la théorie) initial, le bon usage de son modèle requiert la reconnaissance préalable de son ambiguïté nécessaire : cet opérateur qui établit la relation intentionnelle d'un sujet et d'une connaissance n'est pas et ne peut pas être opérateur clair et net. Alfred Korzybski illustrait ceci en nous invitant à reconnaître les quatre usages complètement différents du verbe être dans

les langues indo-européennes : quoi de plus ambigu dès lors que le célèbre "je pense donc je suis" si le verbe être doit avoir la même signification que dans la phrase "la pomme est rouge" ! (p. 750).

 

-    Les axiomatiques de la modélisation

 

Pour le modélisateur-acteur, soucieux de bien conduire sa raison dans les affaires humaines, la reconnaissance de cette ambiguïté est argument d'exigence intellectuelle. Il ne peut se satisfaire d'une re-production des modèles que ses maîtres ou ses cultures lui ont légué ou enseigné, ni même de ceux que ses pairs veulent bien lui prêter (par le canal aujourd'hui si bruyant de la communication scientifique !). Qu'il s'en serve comme d'un cadre ("framework"), d'un embryon ("blue print"), d'un schéma directeur ou d'une boite noire, il doit pour s'en servir, algorithmiquement ou heuristiquement, s'assurer de son adhésion aux corps d'axiomes sur lesquels ils ont été élaborés, que ce soit par déduction ou par inférence.

Le même modèle symbolique élaboré selon deux méthodes différentes (Analyse ou Conception) en se référant à deux théories de la connaissance différente ("Objet, donné", ou "Projet, construit") ne peut pas être considéré indépendamment des axiomatiques ou des logiques qui le fondent. Aussi longtemps que le paradigme de l'Univers Cablé (connaissance objet) et de la méthode analytique était quasi-exclusivement dominant dans les  communautés scientifiques et techniques, cette adhésion à l'axiomatique de référence allait de soi et n'était plus systématiquement vérifiée. Tout modèle non adéquat ne relevait pas de la science mais des humanités ("les deux cultures", selon C.P. Snow) et n'avait pas à être considéré. Cette uniformité n'est plus supportable aujourd'hui : en convenant de la complexité du monde, nous devons convenir de l'ascèse intellectuelle que requiert désormais le bon usage des modèles.

Sans doute faut-il esquisser au moins les termes de deux axiomatiques de la modélisation, aujourd'hui plausibles et praticables, pour illustrer symboliquement la démarche cognitive que se doit de mettre en oeuvre le modélisateur-acteur : pour illustrer et non pas pour contraindre. D'autres axiomatiques sont bien sûr a priori candidates : A. Korzybski, en 1931, bien avant que les travaux de K. Gödel, de A. Turing, de J. Post, de J. Piaget, de H.A. Simon, de E. Morin, de tant d'autres qui sont aujourd'hui familiers,  en  recensait  déjà  six  qu'il  ordonnait  autour  des  oeuvres  de Russell, de

Hilbert, de Brower, de Tarski ... et de son oeuvre propre (p. 748). Ce qui l'incitait à repérer la plus dangereuse des écoles, celle qui "ne s'intéresse absolument pas aux fondations épistémologiques de ses présumées "activités scientifiques""! (p. 748).

Il importe au modélisateur-acteur d'expliciter aussi loyalement que possible sa propre axiomatique de référence, à l'attention de ses co-acteurs (je pense au clinicien autant qu'à l'ingénieur ou au compositeur) et de ses lecteurs. Bonne occasion pour l'auteur  ici de mettre en oeuvre les préceptes qu'il préconise, en précisant qu'il se réfère aujourd'hui à l'axiomatique de la modélistion systémique qu'il va succinctement présenter ici dans ses contrastes avec l'axiomatique de la modélisation analytique à laquelle se réfèrent volontiers encore les institutions scientifiques occidentales.

 

-        Du modèle génotype aux modèles phénotypes

 

Peut-être enfin faut-il rassurer le lecteur que rendrait perplexe cette problématique générale de la modélisation des phénomènes, familiers ou singuliers qu'il doit quotidiennement considérer : l'immensité formelle de la tâche le décourage déjà : élaborer une axiomatique, la spécifier par rapport aux axiomatiques concurrentes, en inférer quelques modèles, les faire fonctionner (par simulation), les ajuster, les ré-étalonner par rapport à l'axiomatique initiale, laquelle, entre temps, se sera peut-être transformée, avant enfin, de comparer comportements simulés et comportements observables ou anticipables... Prise à la lettre, l'entreprise modélisatrice est écrasante en effet !. Mais, fort pragmatiquement, ne peut-on se référer à la métaphore familière des sciences de la vie, organisant leurs modélisations à deux niveaux stables et familiers, celui du génotype et celui du phénotype (17). Le génotype, en général simple dans son exposition, sera ici l'image de l'axiomatique actuelle de référence. Le phénotype, facilement complexe dans sa présentation, sera l'image du modèle spécifique que l'on élabore et spécifie, hic et nunc. Phénotype - ou modèle - sans intelligibilité stable si le génotype (l'axiomatique) de référence n'est pas entendu. A sa nécessité épistémologique s'ajoute son économie cognitive, une économie dont le modélisateur expérimenté connait volontiers l'intérêt. Peut-on, après tant d'autres (18) évoquer à nouveau l'exemple des modèles de structures de phénomènes perçus complexes (des phénotypes) établis par jeu des méthodes d'analyse de données (le génotype, chargé ici d'une axiomatique très forte : choix des variables, construction de l'échantillon, etc...) ? : combien de coûteux modèles inutiles ainsi produits à profusion, dont les modélisateurs auraient pu faire l'économie s'ils s'étaient interrogés un instant sur les caractéristiques du génotype d'appui en référence à leur propre projet ? 

 

-        Quatre axiomes plausibles de la modélisation systémique

-         

Soient donc, à seule fin d'illustration, deux axiomatiques de modélisation que l'on présente succinctement, sans pouvoir ici les commenter assez pour mettre en valeur leurs enjeux : les modélisateurs-acteurs expérimentés sauront les décoder assez en  repérant  les  conflits  d'écoles  qu'ils  dissimulent !  L'axiomatique  de  la modélisation systémique se présente économiquement par contraste avec l'axiomatique de la modélisation analytique (que l'on tient souvent pour l'axiomatique cartésienne, puisqu'elle est inférée à partir des quatre préceptes du Discours de la Méthode).

 

- A l'axiome de l'Univers Cablé, ou de causalité, consubstantiel au paradigme analytique, répond l'axiome de l'Univers Construit, ou Téléologique, constitutif aujourd'hui du paradigme systémique (il ne l'était pas dans ces termes, de la formulation "Bertalanffyenne" de la T.S.G. si souvent citée en exemple entre 1951 et 1972 (19). Ou, si l'on préfère une formulation déjà mentionnée, à l'axiome analytique de la Connaissance-Objet répond l'axiome systémique de la Connaissance-Projet.

 

- A l'axiome de Disjonction, dit "axiome du Tiers Exclus", (Le Tertium Non Datur Aristotelicien), qui interdit à un système d'être producteur de lui-même) fondateur du paradigme analytique (disjoindre pour réduire sans ambiguïté à des éléments simples), répond l'axiome de Conjonction, ou du Tiers cherché à inclure (qui implique la complexité intelligible de toute fonction .. à commencer par la conjonction cognitive du sujet et de l'objet).

 

- A l'axiome d'Elémentarité (et donc de Fermeture) de la modélisation analytique (il existe des éléments, stables, irréductibles et nécessairement constitutifs de l'Univers) répond l'axiome d'Opérationnalité (et donc d'Ouverture) de la modélisation systémique  : "Il n'y a que des opérations, c'est à dire des actes" (Cahiers T1, p. 562) affirmait P. Valéry, et l'on ne saurait donc modéliser des choses, passives et sans nécessité.

 

- A l'axiome de Réversibilité du paradigme analytique,  ("Le Temps est une variable comme une autre") constitutif de la mécanique Newtonienne, mais déjà battu en brèche par la Thermodynamique, répond l'axiome d'Irréversibilité du paradigme systémique, qui l'a assimilé spontanément, en entendant I. Prigogine inviter "la science occidentale à relever le défi qu'est le "problème du temps"" (p. 10) : révision fondamentale à laquelle l'a conduit le concept d'irréversibilité".

 

On prétend ici qu'il doit être possible d'établir la plupart des modèles systémiques de phénomènes complexes que l'on a coutume de pratiquer en se fondant sur ces quatre  axiomes. Les concepts opératoires d'autonomie, d'organisation, de symbolisation, d'équilibration, d'environnement, de finalité, de complexes d'action, de boucles étranges, d'information, de décision, d'auto-production-maintenance-relation etc.. que l'on manipule habituellement pour l'élaboration de tels modèles peuvent en être inférés par combinaison explicite. Mais faut-il redire, l'important pour notre propos est dans l'identification actuelle de nos axiomatiques : une formulation différente, en trois, ou huit, ou dix axiomes (20) serait-elle pertinente et intelligible, pour tel nouveau projet de modélisation, qu'elle serait par là même légitimement candidate. Tout discours de la méthode, et donc toute axiomatique, est discours de circonstance rappelait G. Bachelard, on le soulignait en amorçant cette réflexion.

 

Modéliser la "complexité essentielle" sans la mutiler

 

Il reste que, contingente ou non, l'axiomatique de la modélisation systémique s'avère aujourd'hui pertinente et bienvenue pour les modélisateurs qui affrontent, à fin d'intervention, nombre de phénomènes dont ils percoivent, ou postulent "la complexité essentielle" (G. Bachelard). Une complexité irréductible et dès lors inappréhendable par les désormais classiques méthodes de modélisation analytique : le manifeste "Science et complexité" que W. Weaver publiait en 1947 en invitant la Science à sortir des champs clos des complications présumées simplifiables (et donc mutilables, dira E. Morin), ce manifeste peut aujourd'hui être entendu : l'expérience scientifique accumulée dans les bouillonnements souvent brouillons et bavards des Cybernétiques des structuralismes se décante en nous proposant une instrumentation opératoire de la modélisation systémique solidement argumentée sur une axiomatique explicite et une épistémologie réfléchie, qui ne réduit plus l'histoire de la recherche scientifique aux trois siècles qui séparent la mort de Galilée de celle d'Einstein : P. Valéry, G. Bachelard, N. Wiener, J. Piaget, H.A. Simon, E. Morin nous livrent  un corpus au moins aussi exploré que celui sacralisé par  Auguste Comte, Grand-Prêtre de la Religion Positiviste et par ses héritiers qu'ils soient néo ou post-néo-positivistes !

 

-        La Systémographie, insrument de modélisation systémique

Sans doute faut-il accompagner succinctement cette déclaration d'opérationnalité du génotype de la modélisation systémique par son illustration. Il ne suffit pas de proclamer sa nécessité : une méthode générale de modélisation doit au moins pouvoir être exposée ... à l'intention au moins de ceux, désormais nombreux qui, tels Monsieur Jourdain,  la  pratiquent et  souhaitent  être  conscients  de  mille  tentations  d'un analytisme devenu quasi attavique dans les sciences occidentales.

 

La Systémographie - ou méthode générale de conception-construction de modèles systémiques de phénomènes perçus complexes (des complexes d'actions) - se décrit plus brièvement qu'elle ne se pratique, à l'instar de la photographie qui requiert elle aussi de fastidieuses et délicates opérations de développement. Comme la photographie, elle nécessite avant toute initiative le choix de quelques objectifs enchevêtrés : ici la décision de représenter a priori les phénomènes considérés comme et par un Système en Général.

- Système Général conçu pour être totalement adéquat aux axiomes de modélisation que l'on s'est proposé pour appréhender précisément les complexités actives (on a souvent souligné l'étonnante universalité, dans bien des langues, du Concept de Système en général pour décrire aisément des complexes d'actions, des enchevêtrements d'interactions).

Le mode d'emploi de notre appareil à systémographier s'infère de sa description.

 

La Systémographie : Modéliser comme et par un Système Général

 

 

 

 

 


Ellipse: S.G.                                                                                                                                        

 

         

 

 

 

 


                                                                              1.. ISOMORPHIE

                                             2 . HOMOMORPHIE                                                  

 

 

 

- Dans un premier temps (la "prise de vue"), établir un modèle vierge, par correpondance isomorphique (ou par moulage) avec le Système Général dont la forme canonique,  imposée par les axiomes de référence, est rappelée ci-après :

 

pour initialiser la modélisation d'un phénomène (perçu tangible ou projet encore intangible), la systémographie nous invite donc, métaphoriquement, à lui tourner le dos et à privilégier un a priori : ce non-encore-connu sera a priori représenté comme et par un système en général. Les systèmes ne sont (sans doute) pas dans la nature, mais dans l'esprit des modélisateurs (Cl. Bernard).

 

- Dans un deuxième temps ("le développement"), procéder à une correspondance homomorphique (une analogie fonctionnelle) entre les traits du modèle, nécessairement pré-identifiés et des traits perçus du phénomène à modéliser. Avec la vive conscience de l'incertitude d'une telle démarche : on ne cherche pas une explication, rappelait P. Valéry, mais une représentation intentionnelle.

 

- La forme canonique du Système Général -

Pour que cette phase de développement (ou la cognition du modélisateur  joue le rôle de la chimie des révélateurs en photographie) soit praticable, il faut bien sûr que l'architecture des traits fonctionnels du Système Général soit pré-établie et reconnue : Architecture que nous propose aujourd'hui la Théorie du Système Général dans les diverses formulations qu'on peut en proposer, de A. Bogdanow (la "Tectologie", 1913-1921) à E. Morin ("La Méthode" 1977-1986), par H.A. Simon (le "Paradigme du Système de Traitement de l'Information", 1956-1972), formulation dont on a proposé un exposé synthétique quasi scolaire et sans doute contingent en 1977-1984. Architecture qui déploie le corps de concepts dont la conjonction définit ce Système Général, dont on ne rappelle ici que la forme canonique : symbole de la conjonction des deux conjonctions fondatrices :

                . la conjonction cybernétique "Environnement-Finalité", et

                . la conjonction structuraliste : "Fonctionnement-Transformation".

 

FONCTION

 
                                         

 

ENVIRONNEMENT

(Contexte)

 

 

TELEOLOGIE

(Finalités )

 
 

 

 


                                                              

 

 

 


La Forme Canonnique du Systééme  Général (SG)

 

 

 

 La dimension téléologique de la modélisation -   

 

Conjonction insécable, irréductible à ses conjonctions constitutives, elles-mêmes irréductibles. La restauration de la dimension Téléologique dans la modélisation mérite notamment d'être soulignée, ce que nous pouvons faire, au moins symboliquement, en reproduisant quelques lignes sans doute encore rarement citées de R. Boudon (1968), méditant  précisément sur la nécessaire conjonction des Paradigmes Structuralistes et Cybernétiques : 

"On peut se demander pourquoi la progression de la notion de système dans les sciences humaines est récente, au moins pour certaines d'entre elles.

Cette notion à défaut du mot, est en effet fort ancienne et remonte à la philosophie grecque. Ainsi Aristote conçoit-il explicitement comme des systèmes, non seulement les êtres vivants, mais les sociétés.

Ce qui devait d'abord desservir la notion de système dans sa première version et aboutir à sa rélégation, c'est sa dimension téléologique. Les équivalents aristotéliciens de son acception moderne sont indissolublement associés au concept de cause finale. Avec  Galilée, ce dernier disparaît, et le modèle mécaniste devint le modèle par excellence de la pensée scientifique. Il fallut attendre le développement de la cybernétique pour que la notion de système soit réintégrée dans la pensée scientifique" (21). 

 

- Le Modèle : Auto-Eco-Ré-Organisation -     

 

La pratique de la modélisation systémique conduit la plupart des modélisateurs à reconstruire, dans une riche et originale intelligibilité, le concept d'organisation, devenant le substrat catalytique de tout modèle de complexes d'actions. C'est à Edgar Morin que l'on doit la synthèse la plus élaborée à ce jour de ce concept coeur du Système Général, concept-symbole qui libère le modélisateur des contraintes de l'invariante structure ensembliste des structuralistes comme de celles de l'exclusive  boîte  noire -avec-feed-back des cybernéticiens et de l'organicisme des biologistes. Parce qu'elle permet aujourd'hui de rendre compte avec économie et cohérence des phénomènes d'autonomisation par ouverture et dépendance, d'auto-organisation créatrice de nouveau et de sens, d'auto-équilibration par mémorisation téléologique, et donc par production d'in-formation (F. Varela), d'auto-référence enfin : Auto-référence   qui  nous   invite déjà  à  remettre  en  question,  alors que  nous  la renouvelons à peine, notre conception du Modèle. Le modèle auto-référent est le modèle qui se produit et se définit lui-même, qui s'établit par conjonctions irréversibles du modélisateur et du modèle, qui se charge de nombreux modèles potentiels (Y. Barrel 1979) qu'il actualise au gré des simulations qu'il incorpore . Auto-référence qui nous suggère déjà les voies de développement de nos conceptions de la modélisation et de notre compréhension des modèles : des Artefacts intelligents.    

 

- L'Intelligence de la modélisation ... artificielle -        

La concomitance des développements de la Systémique et de l'Intelligence Artificielle et des sciences de la Cognition nous apparaît dès lors comme l'annonce de nouvelles "Sciences de la Conception" (22) propres à passionner le clinicien, l'Ingénieur ou le compositeur : il nous faut apprendre à concevoir les modèles de l'action intelligente, une action conçue par l'esprit (Léonard de Vinci).        

 

"Le problème de l'observateur-concepteur-modélisateur, concluerons-nous avec Edgar Morin, devient capital, critique, décisif. Il doit disposer d'une méthode qui lui permette de concevoir la multiplicité des points de vue, puis de passer d'un point de vue à l'autre ; il doit disposer de concepts théoriques qui au lieu de fermer et d'isoler les entités (physique, biologie, sociologie), lui permettent de circuler productivement... il a besoin aussi d'une méthode qui lui permette de passer d'un point de vue à l'autre, ... une méthode pour accéder au meta-point de vue sur les divers points de vue y compris son propre point de vue inscrit et enraciné dans une société... Aussi l'observateur-concepteur doit réfléchir sur lui-même et songer qu'il lui faudra tôt ou tard, envisager un circuit épistémologique ... qui le traversera et l'écartèlera ... Le concepteur est dans une situation paradoxale"... (La Méthode, T. I, 1977, p. 179).  N'est-ce pas cette familière  situation paradoxale qui nous permet aujourd'hui de nous réinterroger avec vivacité sur notre entreprise : Nous sommes tous des  modélisateurs et non pas les meuniers de moulins conçus et fonctionnant sans que nous en ayions projets.          

 

Notes

 

(1)    "Théoricien" : on se souvient peut être de la définition humoristique autant que pertinente qu'en donnait Auguste Detoeuf, l'auteur des "Propos de O.L. Barenton, Confiseur" : "Théoricien" : individu qui n'est pas de votre avis" (p. 36 de l'édition 1965).

 

(2)    On a développé cet argument dans le chapitre un intitulé "L'ancien et le nouveau discours de la méthode" de "La Théorie du Système Général, théorie de la modélisation", 1977, 1984.

 

(3)    On a développé la thèse de deux paradigmes de l'Univers Cablé et de l'Univers Construit dans "Systémique et Epistémologie" publié dans J. Lesourne (Ed.) :

         "La notion de Système dans les sciences contemporaines" (1981).

 

(4)    H. Von Foerster évoquait, pour les "Archives  J. Piaget", (p. 196), ce passage d'un des célèbres métalogues de G. Bateson :

         "La Fille : tu veux dire que Sir Isaac Newton pensait que toutes les hypothèses étaient fabriquées comme les histoires ?                                                                                     

         Le Père : oui, tout à fait.

         La Fille : c'est bien lui qui a découvert la gravitation avec la pomme, n'est-ce pas ?

         Le Père : non, chérie ; il l'a inventée.

         La Fille : oh... Papa !" (G. Bateson, Ed. française, T. 1, 1977, p. 57).

 

(5)    K. Marx, "Oeuvres, Vol. 1 de la Collection Pleïade, NRF, p. 728.

 

(6)    On a développé sous ce titre une théorie computationnelle de la Conception à paraître dans "Ed. Morin, Arguments pour une méthode, Décade de Cerisy", Ed. du Seuil, Paris, 1988.

 

(7)    Traduction française disponible dans "Vie de Giambattista Vico écrite par lui même", établie par A. Pons, 1981, p. 187 +

 

(8)    La thèse des raisonnements axiomatico-inductifs a été introduite pour la première fois en français, à ma connaissance par P. Delattre dans sa riche préface à C.P. Bruter "Les Architectures du feu" (1982).

 

  (9)  On a développé cet argument, suggéré initialement par M. Bourgeois, dans la post-face que l'on a rédigée, pour la traduction française de H.A. Simon : "La Science des systèmes, science de l'Artificiel", cf. p. 144.

 

(10)     J. Ladrière, Article "représentation et Connaissance, Encyclopaedia Universalis (1968).

 

(11)     On a développé cette métaphore dans un article "Modèles du système et systèmes de modèles", publié dans "Thérapies Familiales", Genève 1987, Vol. 8, n° 1,  p. 107-119.

 

(12)     R. Thom, Article "La Science Malgré Tout" dans le volume Organum de l'Encyclopaedia Universalis (1972).

 

(13)     P. Valéry, Cahiers - Vol. I de l'Ed. Pleïade, NRF, p. 854 (1942).

 

(14)     H. Von Foerster dans "Cahiers de la Fondation Archives Jean Piaget", 1982 - voir un développement dans l'article "Intelligence de la Complexité publié dans U.N.U. : "Science et Pratique de la Complexité", 1986.

 

(15)     Cet argument est au centre des articles "Modèle" et "Structures" rédigés par  H. Luccioni et R. Tissot, pour le "Manuel Alphabétique de Psychiatrie" - A. Porot (Ed.) - Nouvelle Edition, PUF, 1984.

 

(16)     Dans sa préface à l'édition française de "La Science des Systèmes, science de l'Artificiel" (p. 9).

 

(17)      On emprunte la métaphore des modèles génotypes et des modèles phénotypes à J.P. Dupuy, sans doute en l'interprétant de façon extensive par rapport à son propos initial. Voir par exemple son article : "L'Anatomie et la Complexité du social" dans U.N.U., "Science et Pratique de la Complexité", 1986. Si cette métaphore du génotype est tenue pour malaisément interprétable, on peut suggérer celle du "paysage épigénétique", formulée par le biologiste- embryologiste  Waddington et généralisée par R. Thom (1972), pour supporter sa théorie des modèles (lesquels deviennent alors des coupes horizontales dans le "paysage").

 

(18)     Voir par exemple H. Lucciani et R. Tissot (cf. note (15) et R. Thom (cf. note 12)) qui évoquent "le grand mythe du quantitatif qui a permis à des milliers d'auteurs d'écrire des équations sans signification, se donnant ainsi l'apparence de faire oeuvre scientifique".

 

(19)     La "General System Theory" (traduite incorrectement en français par "théorie générale des systèmes), formulée à partir de 1949 par le biologiste L. Von Bertalanffy, va pendant une vingtaine d'années (jusque vers 1972) constituer le "territoire visible" de la discipline que nous appelons aujourd'hui la Systémique (l'expression n'apparaît guère avant 1977-78 pour désigner la Science des Systèmes). L'axiomatique explicitement formulée par L. Von Bertalauffy et la "Société pour la Recherche sur les Systèmes en général" qu'il avait fondées en 1955, de type "causaliste" : ("Systems every where" : les systèmes sont dans la nature, à nous de les y découvrir). L'audience combinée de la GST et de la Cybernétique conduira, à partir des années soixante à la constitution d'une méthodologie très largement popularisée sous le nom d'Analyse de Systèmes (La présentation de H. Quastler, 1964, est sans doute la plus remarquable, mais elle fut, hélas, souvent ignorée par la suite). Le choix même de cette désignation paradoxale inhibait la caractéristique propre et originale de la modélisation systémique, la conjonction intentionnelle du modélisateur et d'un projet - en valorisant la caractéristique antinomique de l'analytique : la disjonction !

 

(20)     On a proposé de telles formulations dans l'article "Systémique et épistémologie", cf. note (3), et dans l'étude intitulée : "Une axiomatique : les règles du jeu de la modélisation systémique" (1980).

 

(21)     R. Boudon : article "Structure dans les Sciences Humaines", Encyclopaedia Universalis, 1968.

 

(22)     Voir J.L. Le Moigne : "Intelligence et Conception", dans J.L. Le Moigne (Ed.) : "Intelligence des Mécanismes et mécanismes de l'intelligence", 1986 ; ainsi que  le chapitre "Théories de la conception" dans A. Demailly et J.L. Le Moigne (Ed.) "Sciences de l'Intelligence, Sciences de l'Artificiel, avec H.A. Simon", 1986.                              

 

 

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-    H. QUASTLER : "General Principles of Systems Analysis", in T.H. Waterman et H.J. MOROWICZ (Ed.) : Theoretical and mathematical biology - Blaisdell Pub. Cy. N.Y., 1964, pp. 313-333.

-     H. QUASTLER : "The Emergence of biological organization" - Yale University Press - New Haven, 1964.

-    QUATREMERE de QUINCY : "De l'Imitation", 1823 - Réédition AAM - Bruxelles, 1980.

-     H.A. SIMON : "The use of information processing languages in psychology", in CNRS, P. Fraysse (Edr.) : "Les modèles et la formalisation du comportement" - Ed. du CNRS - Paris, 1967.

-     H.A. SIMON : La Science des systèmes, science de l'artificiel, l'Epi, Editeur, SA, Paris,1974, (trad. française par J.L. Le Moigne de "The Sciences of the Artificial, 1969). Une nouvelle édition augmentée est parue en 1981 chez MIT Press, Cambridge, Mass. Non encore traduite en français.

-     H.A. SIMON : "Reason in Human Affairs" - Stanford University Press - cal., 1983.

-     H.A. SIMON et A. NEWELL : "Models : their uses and limitations", dans L. White

      (Edr.) :  The state of the Social Sciences - The University of Chicago Press, 1956 -

      pp. 66-83.

-     C.P. SNOW : "Les deux cultures" - Traduction française, Ed. J.J. Pauvert - Paris, 1968,

      (Ed. originale anglaise, 1958).

   -     R. THOM : "Stabilité Structurelle et morphogénèse, essai d'une théorie générale des modèles", Ed. W. Benjamin, Reading, Mass, 1972 (Diffusion Ediscience).

-     Université des Nations Unies (Ed.) : "Science et Pratique de la Complexité", la Documentation Française - Paris, 1986

-     P. VALERY : Cahiers - Collection Pleïade - Deux Volumes - Ed. NRF, Paris, 1977.

-     F. VARELA : "Principles of biological autonomy" - North Holland Pub Cy. N.Y., 1979 (traduction française à paraître, Ed. du Seuil - Paris, 1988).

-     G.B. VICO : "Vie de Giambattista Vico écrite par lui-même", (traduction française de A. Pons) - Ed. Grasset, Paris, 1981.

-     Léonard de VINCI : Carnets - traduction française partielle 1942 - Ed. Gallimard - réimpression collection TEL, 1987.

   -   H. Von FOERSTER : "Observing Systems" - Intersystems Publications - Seaside, Cal,

       2. ed. 1983.

-     W. WEAVER : "Science and Complexity" in "American Scientist" - Vol. 36, 1947,

      pp. 536-544.