Un document du programme européen M.C.X./A.P.C.
|
|
COMMISSARIAT A L'ÉNERGIE ATOMIQUE
Version anglaise (sous forme abrégée sous le titre "MKSM, a
method for knowledge management") parue dans "Knowledge Management, Organization,
Competence and Methodology", Advances in Knowledge Management, Volume 1,
Jos F. Schreinmakers Ed., pp. 288-302, Ergon Verlag, 1996.
MKSM, méthode pour la gestion des
connaissances
Jean-Louis Ermine, Mathias Chaillot, Philippe Bigeon,
Boris Charreton, Denis Malavieille
Commissariat à l'Énergie Atomique ermine@cartier.cea.fr
DIST/SMTI
Groupe Gestion des Connaissances
Centre d'Études de Saclay
91191 Gif sur Yvette Cedex
RÉSUMÉ : La gestion des connaissances dans une organisation est un problème complexe qui comporte de multiples aspects, tant au point de vue stratégique qu'au point de vue opérationnel. La méthode MKSM qui est proposée ici, est issue de travaux de recherche et d'applications au Commissariat à l'Énergie Atomique. MKSM fournit une méthodologie d'analyse permettant d'aboutir, au moins en partie, à la maîtrise de la complexité dans les projets de gestion des connaissances, avant d'aboutir à un projet "opérationnel". Les phases de la méthode procèdent par raffinements successifs de l'analyse et de la modélisation du patrimoine de connaissances, jusqu'au grain suffisant qui permet d'avoir une visibilité correcte sur les connaissances à gérer, les projets possibles à mettre en place et les critères de décision pertinents.
ABSTRACT : Knowledge management in an organisation is a complex problem with numerous and various point of views. The problem may be strategic or operational. This article presents the method MKSM which has its origin in research and applications within the French Atomic Research Centre (Commissariat à l'Énergie Atomique). MKSM offers an analysis process addressing, at least partially, the mastering of complexity in knowledge management projects, before considering an "operational" application. The method has several refining steps for analysing and modelling the knowledge system, down to the sufficient grain a correct visibility on the knowledge to be managed, the possible projects and the pertinent decision criteria.
MOTS CLÉS : Gestion des connaissances, modélisation systémique, modélisation cognitive, ingénierie des connaissances, système d'information
KEY WORDS : Knowledge management, systemic modelling, cognitive modelling, knowledge engineering, information system
La problématique de la gestion des connaissances a été
définie dans [Brunet 94] comme la mise en place d'un système
de gestion des flux cognitifs qui permet à tous les composants de
l'organisation à la fois d'utiliser et d'enrichir le patrimoine de
connaissances de cette dernière. Il s'agit de considérer ce
patrimoine comme un objet d'ingénierie, au même titre que le
patrimoine immobilier ou le système d'information de l'organisation.
Nous renvoyons à cet article pour aborder certains problèmes
concernant les enjeux de la gestion des connaissances dans une entreprise.
Considérer les connaissances comme les objets potentiels d'un processus
d'ingénierie est un point de vue, qui, s'il n'est pas tout à
fait nouveau, n'est pas encore très répandu, surtout s'il s'agit
des connaissances au niveau de toute une organisation. En fait, le problème
est complexe, les points de vue sont extrêmement divers, les angles
d'approches multiples, et les besoins à satisfaire très
variés. Avant de se lancer dans un projet opérationnel
nécessairement long et coûteux, il semble impossible de faire
l'économie d'une analyse globale du problème. Celle-ci aurait
pour but de fournir des objectifs et des propositions fondées pour
la mise en place d'un système de gestion des connaissances sur le
domaine choisi répondant au mieux aux attentes de tous, dans le cadre
d'une transversalité difficile à cerner a priori.
Les concepts de base d'une telle approche ont été esquissés
dans [Brunet 94]. Il restait à les confronter à une pratique
sur le terrain et à élaborer une méthode
opérationnelle permettant de maîtriser la complexité
d'un système de connaissances pour réaliser des objectifs
opérationnels. C'est une telle méthode que nous présentons
ici, la méthode MKSM, qui a été élaborée
au sein du "Groupe Gestion des Connaissances" de la Direction de l'Information
Scientifique et Technique du CEA (Commissariat à l'Énergie
Atomique). Cette méthode est appliquée dans de nombreuses
unités du CEA, organisme grand "producteur de connaissances", sur
des domaines très divers allant des sciences de la vie aux technologies
nucléaires, civiles et militaires. Elle a été
également utilisée sur des projets en collaboration avec des
partenaires diversifiés comme EDF, COFINOGA ou des PME.
La méthode MKSM, tout au long de son évolution, a constamment
gardé comme cadre fédérateur un certain nombre d'objectifs
principaux :
MKSM se présente donc comme une méthode d'analyse des systèmes de connaissances, et a pour but de rendre ces systèmes intelligibles à ceux qui en sont les acteurs, afin qu'ils puissent mettre eux-mêmes en place leur propre système de connaissances. Il est encore trop tôt, et les outils théoriques manquent, pour tirer des leçons sur le bénéfice d'une gestion des connaissances efficace. En terme économique certains réfutent l'idée de retour sur investissement en insistant qu'il ne s'agit pas de profit mais de survie de l'entreprise, d'autres, plus classiquement, s'orientent, comme pour la qualité, vers une estimation d'une non gestion des connaissances.
Citons quelques exemples de projets où la méthode a été
employée :
La liste n'est pas exhaustive et prouve que la gestion des connaissances
est technologiquement multiforme et qu'une approche amont est
nécessaire.
Confronté au problème de la connaissance dans une organisation,
surtout quand il s'agit d'en organiser la gestion, on peut être
légitimement pris de vertige devant la complexité du
problème, due au nombre des agents, humains ou non, intervenant dans
la réalisation des objectifs, au dédale de leurs interrelations,
à la multiplicité des sources d'information participant au
processus, aux connaissances intervenant dans la résolution des
problèmes, au non-dit d'un certain nombre de procédures, au
savoir tacite ou implicite nécessaire à l'application de certaines
tâches etc. Il est donc clair qu'on est en face d'un système
complexe, dans un sens qui est maintenant largement répandu [Morin
90]. Les méthodes classiques qui permettent actuellement d'analyser
la circulation des informations dans une organisations paraissent bien mal
adaptées à capter cette connaissance dans la complexité
qui en fait sa richesse.
Il s'agit donc d'inventer un nouvel outil, qui nous permette d'explorer et
de découvrir, de manière féconde et pertinente, les
systèmes de connaissance, dans cette nouvelle dimension du complexe,
qui nous permette d'avoir une vision globale des systèmes, non
réductrice. Il s'agit en fait de construire un macroscope de la
connaissance au sens de [De Rosnay 75] "le macroscope n'est pas un outil
comme les autres. C'est un instrument symbolique, fait d'un ensemble de
méthodes et de techniques empruntées à des disciplines
très différentes [...]. Il ne sert pas à voir plus gros
ou plus loin. Mais à observer ce qui est à la fois trop
grand, trop lent et trop complexe pour nos yeux". On peut imaginer, si on
dispose d'un tel outil, observer (et maîtriser, c'est à dire
gérer) les connaissances sans les réduire ou les mutiler. Nous
allons tenter de définir ici un macroscope pour l'observation et la
maîtrise des systèmes complexes, et surtout décliner
ce macroscope sous le point de vue qui nous intéresse : les systèmes
de connaissances.
2.2. Les points de vue de la modélisation
d'un système
Ce paragraphe énonce les hypothèses théoriques de base
qui permettent de construire un macroscope pour les systèmes de
connaissances
La première hypothèse forte à la base de la méthode
MKSM est que le patrimoine de connaissances d'une organisation est un "objet",
un "phénomène", perçu par tous comme un ensemble global
d'éléments, abstraits, concrets, conceptuels, matériels
etc., qui, même s'il est malaisé de les distinguer ou les
interpréter donnent un sens, une signification, une cohésion
intrinsèque au système. C'est la perception globale de ces
éléments qui justifie qu'il existe bien quelque chose susceptible
d'observation, voire de modélisation, que nous ne connaissons pas
encore, que nous ne pouvons peut-être même pas nommer pour le
moment. C'est l'hypothèse sémiotique : ces éléments
sont désignés sous le terme général de signes,
et donc un système de connaissances est perçu comme un
système de signes. Rappelons le fondement de la théorie
du signe, qui est une base raisonnable reconnue par tous.
Tout phénomène perceptible (signe)
s'observe selon trois niveaux indissociables : le référent
ou signe (la manifestation), le signifié (la désignation),
le signifiant (le sens) ou encore se perçoit selon trois dimensions
: syntaxique, sémantique, pragmatique. Cette conjonction de points
de vue est inséparable. Ainsi donc, tout système doit être
vu comme la conjonction de trois points de vue inextricablement liés.
Ces trois points de vue ont été nommés de bien des
façons. Nous retiendrons, par convention terminologique, les trois
termes : syntaxique, sémantique et pragmatique qui se représentent
dans un triangle appelé triangle sémiotique symbolisé
par la figure 1.
La seconde hypothèse forte à la base de MKSM est que le patrimoine
de connaissances d'une organisation est un système au sens
de la théorie du système général, popularisé
en France par le célèbre ouvrage de Jean-Louis Le Moigne
[Le Moigne 77]. Pour reprendre la définition "triviale mais
mnémonique" de J-L Le Moigne dans son chapitre 2 : "en acceptant
une définition passe-partout du mot objet, [un système se
définit comme] un objet actif et stable et
évoluant dans un environnement, et par rapport à
quelque finalité".
Cette définition du système général aboutit,
comme pour la sémiotique, à une "triangulation" symbolisée
par la figure 2. Un système s'observe selon trois points de vue
indissociables. Là encore, les mots retenus pour désigner ces
trois aspects sont variés, et dépendent des connotations qu'on
veut y mettre. Un premier point de vue, dit ontologique, considère
le système dans sa structure, en tant qu'il est perçu
comme un ensemble d'objets agencés, comme "quelque chose", c'est le
point de vue de l'être du système. Un second point de
vue, dit phénoménologique (ou fonctionnel),
considère le système dans sa fonction, en tant qu'il
est perçu comme agissant, comme "faisant quelque chose", c'est le
point de vue du faire du système. Un troisième point
de vue, dit génétique, considère le système
dans son évolution, en tant qu'il est perçu comme se
modifiant au cours du temps en accord avec son projet, c'est le point de
vue du devenir du système. Là encore, on choisit par
convention la terminologie : structure, fonction et évolution.
La perception, l'étude, la modélisation d'un système se fait donc à travers un choix pondéré entre ces trois points de vue. Que ce choix soit dû au hasard, à l'aveuglement, à une réflexion profonde est le vrai problème. Actuellement, il semble que seul un consensus, plus ou moins implicite, entre les acteurs du savoir (y compris ceux qui participent à sa gestion), détermine ce choix et assure la cohésion du système perçu. Ceci est également vrai pour les trois points de vue sémiotiques.
La dernière hypothèse qui est le fondement de MKSM découle
directement des deux premières, et fournit le macroscope qui permet
d'appréhender globalement un patrimoine de connaissances dans une
organisation. Puisqu'un système est perçu comme un système
de signes et comme un système général, avec chacun trois
points de vue, la perception globale qu'on peut en avoir est le produit de
ces deux types d'approche, qui fournit donc neuf points de vue possibles
: un point de vue syntaxique, sémantique et pragmatique, chacun
étant décomposé en trois autres points de vue : ontologique,
phénoménologique et génétique (structure, fonction,
évolution). Cet ensemble de neuf points de vue sera considéré
désormais comme notre macroscope permettant d'aborder, voire de
maîtriser, la complexité des systèmes que nous aurons
à étudier et gérer.
C'est cette décomposition d'un système en neuf points de vue
qui est la base de la méthode MKSM. Il reste, avant d'aborder le
détail des points de vue, à décliner le macroscope pour
fournir une vision spécifique des systèmes de connaissances.
Le macroscope de la connaissance est donc cet outil méthodologique
qui permet de définir et d'aborder la connaissance sous l'aspect
syntaxique, sémantique et pragmatique, avec chacun trois visions
différentes et complémentaires. Il reste à faire les
postulats qui permettent d'interpréter et d'adapter ce macroscope
à la problématique de la connaissance.
Le premier postulat est que l'aspect syntaxique de la connaissance concerne
l'information. Le terme information est tellement utilisé,
usé, galvaudé, qu'il est difficile de le préciser sans
entrer dans une certaine technicité. Disons grossièrement que
l'information concerne la partie visible, la mise en forme de la connaissance,
au même titre que l'orthographe ou la grammaire concernent la partie
visible du langage. C'est donc le point de vue qui s'occupe de la forme sous
laquelle se traduit la connaissance, du code qu'elle utilise pour prendre
forme.
Le second postulat est que l'aspect sémantique de la connaissance
concerne la signification de l'information, qui est bien évidemment
distincte de sa forme, de même que dans le langage, le sens d'une phrase
ne dépend pas (ou pas uniquement) de sa syntaxe. Il ne suffit pas
d'accumuler des données sur une connaissance, encore faut-il y adjoindre
d'une manière ou d'une autre, le sens de ces données pour obtenir
quelque chose un tant soit peu pertinent. L'accumulation d'information (au
sens brut), ne fait pas plus de la connaissance que l'accumulation de briques
ne fait un mur ! C'est donc ce point de vue qui s'occupe du fond par rapport
à la forme de la connaissance, de la structure qu'elle utilise pour
prendre sens.
Le troisième postulat est que l'aspect pragmatique de la connaissance concerne le contexte dans lequel le sens dont on vient de parler se met en place, et qui, comme on le devine aisément, influe fortement sur cette composante. Une connaissance n'existe pas seulement parce qu'elle a une forme et une signification donnée, mais aussi parce que cette forme et cette signification sont données dans un milieu qui lui donne sa richesse et sa pertinence. C'est donc ce point de vue qui s'occupe du système, de l'environnement que la connaissance utilise pour se mettre en contexte.
Un système de connaissances est donc vu, à travers notre
macroscope, comme de l'information qui prend une certaine signification dans
un contexte donné. Nous allons préciser succinctement ce que
nous entendons par là.
Connaissance et information : la définition précise,
mathématique de l'information existe. Elle a été
donnée par Shannon en 1949 [Shannon 49], et constitue ce qu'on
appelle la théorie de l'information. Inutile donc de tergiverser sur
les multiples sens, populaires ou philosophiques, qui ont été
donnés à ce mot, il suffit de se baser sur cette théorie,
qui a énormément influencé toutes les théories
modernes sur tous les aspects de la connaissance. La théorie de Shannon
fournit donc aisément l'aspect structurel de l'information. Elle fournit
une définition formelle, quantifiée du code qu'utilise la
connaissance pour se mettre sous forme de données
informationnelles (on utilisera le terme simplifié de
données, malheureusement lui aussi très connoté).
L'aspect fonctionnel de l'information concerne le traitement de
l'information, (parfois synonyme d'informatique), qui est un domaine
scientifique très développé. Il décrit comment
on peut manipuler les données. Les aspects structurels et fonctionnels
de l'information sont en parfaite dualité.
Connaissance et signification : la signification aborde le problème
du sens. L'aspect structurel s'attache à définir la nature
du sens. Vaste programme, qui emprunte à la linguistique, la psychologie
cognitive, l'anthropologie, car le sens est profondément enraciné
dans l'être humain et sa culture. Il se traduit par des réseaux
sémantiques (des données sémantiques, par opposition
aux données informationnelles) qui se construisent et se
pérennisent, selon certaines théories cognitives, dans les
structures mentales. L'aspect fonctionnel aborde le traitement des données
sémantiques. Les structures sémantiques n'existent pas dans
l'abstrait, elles sont construites parce qu'elles doivent être
utilisées dans un certain but, dans une certaine action. Cette action
est caractérisée par un problème à résoudre,
un objectif, et est décrit par une stratégie construite par
l'esprit humain afin de résoudre ce problème. C'est pour cela
que les données sémantiques sont utilisées par des
tâches cognitives (on utilisera là encore le terme
simplifié de tâches), qui sont des méthodes de
résolution de problèmes, elles aussi construites et
pérennisées dans les structures mentales.
Connaissance et contexte : le contexte aborde la connaissance en tant
qu'elle est intégrée à un système, au sens du
système général. Il convient alors de représenter
ce système pour mettre la connaissance en contexte. L'aspect structurel
du contexte concerne le domaine de la connaissance. Pour en avoir
une vision globale, le domaine est représenté intégré
au système qui produit les connaissances, puis comme un système
général "tapissé de processus". C'est cet ensemble de
processus identifiés qui permette de définir une ontologie
raisonnée (ou un "glossaire") du domaine. L'aspect fonctionnel du
contexte est une étude fonctionnelle du système de connaissances.
Il consiste à identifier ou définir les activités
qu'il contient et leurs liaisons en terme d'échanges (de données
le plus souvent).
On remarquera une absence de taille dans ce qui vient d'être décrit,
c'est la composante "évolution" de la connaissance. C'est effectivement
un grave manque, mais auquel pour l'instant, la méthode MKSM n'apporte
pas de réponse complète. Il n'est, à notre connaissance
du moins, pas possible de fournir un modèle pertinent de l'évolution
des systèmes de connaissances, de leur progression à travers
le temps, de la naissance des connaissances jusqu'à leur disparition.
Et ceci que ce soit dans la composante informationnelle, sémantique
ou pragmatique. Des solutions partielles sont envisageables (comme les
systèmes de maintenance, de traçabilité...), mais il
n'y a pas de vision théorique globale. Les recherches en cours, notamment
en sciences cognitives, permettront à terme de lever cette lacune.
Mais il est trop tôt pour parler de modèles "d'évolution"
validés et opérationnels.
En résumé, MKSM s'articule autour du macroscope symbolisé
dans la figure 5. La méthode prend en compte six points de vue (sur
neuf possibles). Le point de vue de l'information ne sera pas abordé
ici, car il est classique et concerne une discipline bien connue qui est
le génie logiciel (MKSM reprend la méthode de génie
logiciel OMT - Object Modelling Technique). Le point de vue sémantique,
que nous appellerons aussi cognitif, concerne une discipline moins répandue
qui est le génie cognitif (MKSM intègre la méthode
de génie cognitif MOISE [Ermine 93] proche de la méthodologie
classique KADS), et le point de vue pragmatique concerne l'analyse
systémique, et, en partie, son avatar qu'est l'analyse
fonctionnelle.
La méthode MKSM comporte cinq phases de modélisation s'inscrivant
dans la logique du macroscope. C'est le "cycle de modélisation" de
MKSM. Ces phases sont articulées avec d'autres phases qui sont des
jalons pour la conduite de projet. Suivant le problème posé,
toutes les phases de modélisation ne sont pas nécessairement
retenues, et ne sont pas menées de la même façon. La
conduite de projet se décrit donc dans le "cycle de vie" de MKSM qui
contient des phases de modélisation et des phases d'analyse, propositions,
décisions etc. MKSM fournit une méthodologie d'analyse permettant
d'aboutir, au moins en partie, à la maîtrise de la complexité
dans les projets de gestion des connaissances, avant d'aboutir à un
projet "opérationnel". Les phases procèdent par raffinements
successifs de l'analyse et de la modélisation du patrimoine de
connaissances, jusqu'au grain suffisant qui permet d'avoir une visibilité
correcte sur les connaissances à gérer, les projets possibles
à mettre en place et les critères de décision pertinents.
Nous décrivons ici essentiellement le cycle de modélisation
de MKSM. Le problème épineux des liens entre les différents
modèles sera à peine esquissé. Il s'agit de liens
associatifs (de type hypertextuels), qui sont actuellement découverts
empiriquement au cours des projets. Le travail est en cours pour leur donner
une base plus solide.
La première difficulté qui apparaît, dans un problème
de gestion des connaissances, est de savoir où sont localisées
ces dernières. Outre le caractère multidimensionnel, perçu
de manière évidente, de cette connaissance (physique,
cérébral, culturel, social....) on perçoit également
un caractère certain d'ubiquité qu'on pourrait caractériser
par l'aphorisme : "La connaissance est partout". Pour s'en donner une idée,
on peut reprendre une modélisation systémique des organisations
qui est classique [Le Moigne 90]. Tout système complexe, et notamment
une entreprise, peut être représenté par trois sous
systèmes : le système opérant, qui transforment
les flux intrants en flux extrants, le système de
décision (ou de pilotage) et le système.
Il est clair que chaque composant du système possède des
connaissances : le système opérant par le savoir-faire des
opérateurs, les savoirs des experts, les connaissances dans les
procédés et les instrumentations..., le système de
décision par sa connaissance de l'environnement extérieur,
sa capacité organisatrice..., le système d'information par
la somme considérable de savoir qui "dort" dans les documents, les
bases de données...
La connaissance n'est donc pas un attribut propre à un des sous systèmes, elle existe cependant en tant que telle, comme un patrimoine propre au système. Ceci justifie l'hypothèse de l'existence d'un quatrième sous-système qu'on appellera patrimoine de connaissances. Ce sous-système de connaissances est vu comme un sous-système actif. Cette activité se traduit classiquement par des flux qui créent des interrelations actives avec les autres sous-systèmes. Ces flux peuvent se classer en deux catégories : ceux qui partent des sous-systèmes vers le sous-système de connaissances correspondent, selon l'appellation d'Edgar Morin ([Morin 86], Introduction) aux activités de compétence (production de connaissances), et ceux qui partent du système de connaissances vers les autres sous-systèmes correspondant aux activités de cognition (acquisition de connaissances). Le flux de compétence correspond à l'enrichissement (à travers le temps) du patrimoine de connaissances du système, par le biais de ses différents acteurs humains ou ses composants (objets physiques, systèmes d'information...). Le flux de cognition correspond à l'appropriation implicite (le plus souvent) ou explicite de ce patrimoine en vue de l'utiliser dans le processus de transformation propre au système. La gestion des connaissances se définit donc comme la gestion de ces flux cognitifs. Le système de référence désigne le système de transformation des flux intrants en flux intrants qui répond à une finalité donnée, avec ses quatre composants : opérant, information, décision et patrimoine de connaissances, qu'on résume dans le terme de "modèle OIDC" (figure 6). Il est caractéristique de la mobilisation d'un certain nombre de connaissances et de savoir-faire en vue d'un objectif.
Le modèle de la figure 6 permet d'identifier et caractériser
les connaissances et les flux cognitifs d'un système, et réaliser
ainsi une première cartographie des connaissances. C'est la phase
1 de modélisation dans MKSM, qui définit et
délimite le système sur lequel on désire travailler.
Cette modélisation n'est pas toujours nécessaire (elle n'a
pas été utilisée dans l'exemple choisi) et est peu
liée aux suivantes.
La première étape consiste en la définition précise
des intrants et des extrants. C'est en fait cette définition
qui conditionne la définition du système dont le patrimoine
de connaissances est à gérer. Cette définition ne peut
se faire qu'à travers l'explicitation d'une finalité du
système, qui est choisie comme référence. Toute la suite
des modélisations se fera en respectant cette finalité. Dans
le système opérant et le système de décision,
on identifie ensuite les acteurs qui participent à l'enrichissement
ou l'utilisation du patrimoine de connaissances, sous forme d'agents
cognitifs. Cette appellation, fortement connotée dans certains
courants de recherche, est simplement utilisée parce que chacun de
ces agents détient des connaissances qu'il s'agit d'identifier. On
ne s'intéresse pas pour l'instant aux réseaux "sociaux" de
ces agents, à leur système de coopération ou de
coordination. Le terme d'agent cognitif est pris au sens large, il peut s'agir
bien sûr de personnes physiques (opérateurs, spécialistes,
responsables, managers...) mais aussi de matériels
(procédés...), de sous systèmes spécifiques (service
statistique, service juridique, organisation externe...) pour autant qu'elles
sont porteuses de connaissances. Outre sa désignation, un agent cognitif
est caractérisé par les attributs suivants :
rôle, informations consommées, informations
produites, connaissances utilisées, connaissances
produites. Les informations sont données en terme d'information
"matérialisable" sous forme de documents, données
électroniques, etc. Les connaissances sont données en terme
de savoirs ou savoir-faire du domaine. Les informations identifiées
sont placées dans le système d'information (elles doivent donc
être en cohérence avec les éventuelles autres sources
d'information qui s'y trouvent) et les connaissances constituent le patrimoine.
Comme ces dernières peuvent être nombreuses et
détaillées, il peut être utile de les regrouper en classes
générales et d'en créer ainsi une classification sommaire.
Ce sont les éléments les plus génériques qui
figurent sur le schéma synthétique de la figure 6. Il peut
en être de même pour les agents.
Conformément au macroscope, il s'agit de décrire les connaissances
en contexte : de quoi parle la connaissance ? Dans quelle activité
est-elle mise en oeuvre ?
La première question est abordée dans la phase 2 de
modélisation dans MKSM où on construit le modèle
du domaine. La seconde est abordée dans la phase 3 où on
construit le modèle d'activité.
L'hypothèse fondamentale qui est faite dans la phase 2 de
modélisation de MKSM est que le domaine est décrit par l'ensemble
des processus qui s'y déroulent (le système est "tapissé
de processus"). Il reste alors à fournir un modèle de
définition et de description de processus. Pour cela, MKSM s'appuie
sur la théorie du système général telle qu'elle
est décrite dans [Le Moigne 77]. Cette théorie se base sur
deux dualités fondamentales. La première est la dualité
flux/champ. Tout processus émet un flux propre qui le
caractérise, on stipule en général un flux de matière,
énergie ou d'information, mais cette classification peut être
aisément étendue (flux cognitifs, prescriptifs, etc.). La notion
de flux est indissociable de la notion complémentaire de champ.
C'est un paradigme bien connu en physique, qui peut se généraliser
aisément. Le champ est vu comme "une capacité d'influence".
C'est l'ensemble des éléments qui influent sur le processus
sans en faire partie. C'est le cas du catalyseur dans une réaction
chimique, de la pluie et du vent dans un incendie, de la réglementation
dans un processus incidentel etc. En résumé, le flux participe
au processus actif, et le champ à l'environnement actif.
La seconde dualité de base dans la modélisation des processus
pour MKSM est la dualité source/cible. Le flux, dans un processus
est vu comme écoulement entre une source et un puits, entre deux
réservoirs. Il relie donc deux sous-systèmes, qu'on appellera
source et cible, qui caractérisent le processus au
même titre que le flux et le champ. La modélisation retenue
ici, appelée modèle SCFC (pour Source-Cible-Flux-Champ), a
été utilisée avec succès pour la première
fois pour modéliser des processus de danger [MADS 92].
Ce modèle a été repris depuis dans des applications
très diverses, car il est pertinent pour donner une vision qualitative
indispensable à la compréhension des phénomènes
en contexte dans les domaines de la physique, la chimie, la biologie etc.
L'ensemble des processus peuvent être reliés par des liens de
causalité, d'enchaînement et fournir ainsi des
scénarios de processusqui
complètent la description du domaine. L'ensemble des processus sous
forme de modèles SCFC et l'ensemble des scénarios constitue
le modèle du domaine de MKSM. Il est en général
complété par des fiches analytiques ou scientifiques,
rédigées par des experts pour chaque processus, qui fournissent
les éléments scientifiques et quantitatifs qui sont utiles
pour la compréhension du processus (équations mathématiques,
ordres de grandeur, équations physico-chimiques etc.).
L'ensemble (système source-action source) est relié à
l'ensemble (système source-action cible) par un flux qui
"s'écoule" de la source vers la cible. Selon la théorie classique,
il s'agit d'un flux de matière, d'énergie ou d'information,
mais on peut utiliser d'autres types de flux (flux cognitifs, flux prescriptifs,
flux monétaires etc.). L'ensemble source-cible-flux est
complété par le champ actif qui représente
l'environnement qui influence le processus. Pour compléter ce
modèle, on attache à chaque élément du modèle
(source, cible, flux, champ) un ensemble de propriétés
qui prennent souvent la forme de grandeurs qui servent à
caractériser ces éléments, qu'elles soient mesurables,
qualitatives ou descriptives (cf. figure 7).
La phase 3 de modélisation dans MKSM est une analyse de l'activité
du système qui produit ou utilise les connaissances, et cherche à
replacer les connaissances du domaine (décrites ci-dessus dans les
processus) dans le cadre d'une utilisation opérationnelle. Il s'agit
d'une analyse de type "fonctionnelle" descendante, où chaque
activité est décomposée hiérarchiquement en
sous-activités de plus bas niveau. Cette analyse est "guidée
par les données", dans le sens où elle est une simple description
structurée des activités (des "fonctions") du système,
reliées par les flux (le plus souvent représentés par
des données) qu'elles échangent. Le langage de modélisation
est classique, il reprend et adapte les caractéristiques du langage
bien connu SADT (cf. par exemple [IGL 82]). Nous le détaillerons donc
peu.
L'analyse de toute activité est descendante, hiérarchique,
modulaire et structurée. La modélisation décrit
l'activité en termes d'entrées, sorties, ressources et acteurs.
Les entrées sont les flux utilisés par l'activité,
elles peuvent être constituées de matière, d'information
etc., les sorties sont les résultats fournis, ce sont
également des flux. Les ressources sont soit les
connaissances qui sont nécessaires (ou du moins utiles) à
l'accomplissement de l'activité, soit les informations, les
matériels, les procédures etc. nécessaires à
l'accomplissement de l'activité. Les ressources de type connaissance
font référence explicitement aux processus décrits dans
le modèle du domaine. Les acteurs sont ceux qui accomplissent
l'activité. Graphiquement, l'activité est représentée
par une cellule (un rectangle symbolisant la boite noire), et les autres
éléments sont représentés par des flèches.
Les différentes boites peuvent être connectées par leurs
interfaces, les entrées d'une activité pouvant être les
sorties ou les ressources d'une autre fonction et ainsi de suite. On peut
ainsi décrire une succession d'activités, succession qui est
souvent, mais pas nécessairement, temporelle, et qui décrit
une activité globale de plus haut niveau. (cf. figure 9). D'autres
connexions avec le modèle du domaine sont parfois identifiées,
car les activités sont clairement identifiées en fonction de
leurs capacités à déclencher ou inhiber certains processus
du domaine. C'est le cas par exemple des systèmes de production
industriels.
La description hiérarchisée des activités est un avantage
d'un tel langage. La description arborescente de la hiérarchie des
activités fournit l'arbre fonctionnel du modèle
d'activité.
Les modèles présentés au § précédent
(modèle du domaine et modèle d'activité) permettent
de mettre en contexte l'ensemble des connaissances que l'on désire
gérer. C'est une approche globale, qui utilise des concepts et des
méthodes systémiques. Les phases 4 et 5 de modélisation
de MKSM partent d'un autre point de vue, qui est celui de la sémantique
dans le macroscope. Elles se proposent de fournir des modèles qui
reflètent l'aspect cognitif des connaissances (!), en décrivant
de manière précise les savoirs et les savoir-faire qui sont
mis en oeuvre dans le système de connaissances étudié,
tels qu'ils sont supposés être stockés dans les structures
mentales sémantiques de l'être humain. C'est une approche qui
utilise des concepts et des méthodes issues des sciences cognitives,
notamment l'ingénierie des connaissances (ou génie cognitif)
[Ermine 93].
Cette approche part de l'hypothèse de l'existence d'un niveau
sophistiqué de représentation d'un système de connaissances,
qu'on appelle niveau cognitif ("knowledge level" : on pourra consulter
par exemple l'excellent exposé [Ganascia 91] ou l'article original
[Newell 82] pour plus de détails), qui est apte à accueillir
des modèles pertinents à la fois pour les détenteurs
de la connaissance et pour ses destinataires. Le niveau cognitif répond
à un besoin de modélisation du système de connaissances,
il est "caractérisé par la connaissance
comme médium et le principe de rationalité comme loi de
comportement" [Newell 82], c'est à dire qu'il manipule des connaissances
dans un but : résoudre
le problème qui lui est assigné.
Le génie cognitif se fixe pour but d'offrir des outils pour
modéliser au niveau cognitif un système de connaissances
quelconque. Il se trouve que le niveau cognitif, comme il a été
dit, est orienté vers la résolution d'un problème
donné, on retrouve donc des outils de modélisation de tâches
de résolution de problèmes. Cependant, la connaissance est
traitée d'un point de vue plus global. Non seulement les aspects de
résolution de problèmes sont
abordés, mais aussi la connaissance mise
en oeuvre pour cette résolution est modélisée à
part entière. C'est ainsi que la plupart des méthodes de
génie cognitif sont orientées sur deux axes : celui dit de
la connaissance statique, qui modélise les objets et les concepts
du domaine considéré et celui dit de la connaissance
dynamique qui modélise les stratégies d'utilisation de
cette connaissance statique destinées à résoudre un
ou plusieurs problèmes déterminés. La méthode
MOISE est une méthode de génie cognitif initialisée
vers 1989 [Ermine 93]. Elle a été utilisée depuis sur
une trentaine de projets très divers, tant dans les domaines abordés
que dans le degré de mise en uvre. Au cours de ces applications,
la méthode s'est affinée et précisée. Cette
méthode, contemporaine des grandes méthodes dans ce domaine
(KADS, KOD...), est basée sur les mêmes principes que ces
dernières, notamment sur l'hypothèse du niveau cognitif. Elle
comporte une phase qui consiste à construire un modèle
formalisé de l'ensemble des connaissances qui interviennent dans le
problème qui est traité. Le langage de modélisation
de connaissances de MOISE comporte deux composantes nécessaires et
suffisantes pour construire un modèle cognitif. Très
schématiquement, on distingue la composante appelée "connaissance
statique" qui représente le "savoir" et la composante appelée
"composante dynamique" qui représente le "savoir-faire". Le langage
de modélisation de MOISE, pour décrire ces deux composantes,
dispose d'une syntaxe graphique et d'une syntaxe textuelle formelle [Charreton
96]. Ces composantes forment la description de la
connaissance (la couche descriptive du langage). Ce langage peut s'exprimer
sous forme graphique (grapho-langage) ou formellement (spécifications
formelles). Il possède également une sémantique (dite
dénotationnelle) qui en donne une base mathématique ([Charreton
96]). Cette étape de modélisation est maintenant
intégrée à la méthode MKSM. Dans MKSM, le
modèle des connaissances statiques s'appelle modèle des
concepts et le modèle des connaissances dynamiques s'appelle
modèle des tâches. Cette étape peut être
considérée comme le passage à une "granularité"
plus fine de la connaissance par rapport à l'étape
précédente, qui se contente de mettre en contexte la connaissance.
Elle est liée donc à des parties plus petites du système
de connaissances, notamment aux expertises et aux savoir-faire précis.
Concrètement, elle prend sa place quand le niveau de détail
requis ne peut plus s'exprimer de manière "satisfaisante" dans les
modèles du domaine ou d'activité. Il devient alors "naturellement"
nécessaire d'utiliser d'autres langages de description. C'est ainsi
que se repèrent les liens entre les modèles de la première
étape et ceux de la seconde.
Le modèle des concepts représente l'aspect "statique" de la
connaissance. Il existe essentiellement deux modèles de structures
sémantiques mentales qui traitent ce problème, qu'on appelle
les modèles en réseau et les modèles à
propriétés ou à traits (cf. par exemple [Caron 89]).
Dans le vocabulaire du génie cognitif, on parle en général
de réseaux sémantiques et de représentations
objet (ou à objets ou par objets etc.). Dans l'acceptation actuelle,
les réseaux sémantiques décrivent le plus souvent des
liens de nature hiérarchique entre concepts, revenant à la
signification première qui leur avait été assignée
pour modéliser la mémoire sémantique : décrire
"l'effet de "distance hiérarchique" entre catégories
concernées, tel qu'il se manifeste sur les temps de jugement"
([Le Ny 89]). Les modèles objet supposent que le monde nous
apparaît sous la forme d'un agencement d'objets. Ces objets sont
définis par des traits qui sont des représentations composantes,
qui elles-mêmes peuvent être des composantes d'autres
représentations, et qui soit sont terminales (elles ne se
décomposent pas), soit peuvent se décomposer en d'autres traits.
Ces traits sont des éléments psychologiques traduisant notre
perception des objets qui nous entourent. C'est sans doute dans un article
célèbre de Marvin Minsky, pour l'étude psychologique
de la vision ([Minsky 75]), qu'ont débuté les tentatives de
formalisation de ce type de modèle. Repris depuis sous bien des aspects,
ces modèles sont devenus de véritables langages, extrêmement
formels, notamment en informatique.
On le voit donc, les modèles objet privilégient les listes
d'attributs ou propriétés ("traits") enregistrés avec
le concept en question, alors que les modèles en réseau
privilégient l'ensemble des relations que le concept entretient avec
les autres concepts. Ces deux modèles peuvent être
considérés souvent comme équivalents, sous certaines
réserves. Le modèle des concepts dans MKSM prend en compte
ces deux points de vue et utilise donc un formalisme mixte.
Un objet décrit une entité du monde réel. De
même que cette entité est unique, un objet est unique: il
possède donc une identité propre. Un concept désigne
une catégorie d'objets ayant des propriétés communes.
Un objet appartient forcément à un concept: on dit alors qu'il
est une instance de ce concept. Les propriétés communes aux
objets d'un concept sont représentées par des attributs.
Les attributs permettent par exemple de modéliser que toute instance
du concept voiture a une couleur, roule à une certaine vitesse,
et possède 4 roues. On dira alors que le concept voiture a
comme attributs couleur, vitesse, et roue, qui sont
eux même des concepts. Dans le cas de l'attribut roue, on dira
qu'il est multivalué et qu'il a exactement 4 valeurs.
On veut de plus décrire de quelle façon les concepts sont
organisés. On utilise pour cela la relation de
spécialisation qui permet de hiérarchiser les concepts,
et d'exprimer par exemple que les voitures sont une sous catégorie
des véhicules. On dira alors que le concept voiture
spécialise le concept véhicule. La relation de
généralisation exprime la démarche inverse.
On donne enfin des concepts de base, ou types, qui sont définis de
deux manières :
Tout concept est défini à partir d'autres concepts et des concepts
de base, en utilisant la relation de spécialisation, ainsi que les
attributs.
La représentation graphique adoptée dans MKSM est parfaitement
équivalente au langage formel, qui peut être défini par
une grammaire BNF. On en donne un exemple dans la figure 10, qui diffère
de l'exemple de la conduite de centrales où ce modèle n'a pas
été utilisé. Les traits gras représentent les
liens de spécialisation, les traits fins les liens attributs et les
traits pointillés les liens de valeurs
Le modèle des tâches de MKSM décrit la connaissance
dynamique. C'est une représentation de la stratégie mise en
oeuvre pour résoudre le ou les problèmes qui sont posés
dans le système de connaissances considéré. La connaissance
dynamique est vue sous deux angles. Le premier est celui de la résolution
de problèmes. Il s'agit de modéliser la résolution d'un
seul ou d'un petit nombre de problèmes donnés et identifiés.
L'aspect résolution de problème de la connaissance dynamique
se résume à deux questions : "quel type de tâche doit-on
résoudre ?" et "comment résout-on généralement
ce type de tâche ?". Ce premier aspect prend souvent le pas sur le
second dans les applications. Le deuxième aspect de la connaissance
dynamique est celui de la manipulation de la connaissance statique. On a
construit, grâce au modèle des concepts, une représentation
des objets du domaine en faisant peu référence à leur
utilisation. La question se pose maintenant "comment utiliser cette connaissance
statique pour résoudre le ou les problèmes posés ?".
C'est une approche distincte du premier aspect, mais tout à fait
complémentaire, qui permet de guider le travail d'élaboration
des modèles de tâches à travers la connaissance statique
(il est à noter que ces approches ont été souvent
antagonistes).
Le langage de MKSM, pour construire un modèle de tâches, comporte
la description de l'ordonnancement des tâches à accomplir par
une décomposition hiérarchisée, arborescente qui raffine
récursivement les tâches de plus haut niveau en sous-tâches
plus détaillées, jusqu'à aboutir à des tâches
qu'on considère comme terminales. Chaque tâche qui se
décompose possède un type qui décrit le
contrôle qu'elle exerce sur l'exécution de l'ensemble de ses
sous-tâches. Ainsi, une tâche séquentielle exécutera
successivement chacune de ses sous-tâches dans l'ordre donné,
une tâche alternative exécutera la sous-tâche dont la
condition d'application est vérifiée, une tâche
parallèle exécutera ses sous-tâches en parallèle,
une tâche répétitive exécutera une même
sous-tâche successivement avec des paramètres différents
etc. L'arbre de décomposition des tâches en sous-tâches,
avec leurs types s'appelle, pour cette raison, le
flot de contrôle de la connaissance
dynamique. Ce flot de contrôle est caractéristique de la
stratégie de résolution de problème et peut être
représenté graphiquement. Par ailleurs, les tâches manipulent
la connaissance statique, elles échangent donc des données
qui proviennent des réseaux sémantiques élaborés
précédemment. Cet échange de données constitue
le flot de données
(sémantiques) de la connaissance dynamique. Pour des raisons de
lisibilité, ce flot de données ne peut être
représenté graphiquement, il est représenté seulement
dans le langage formel. Ainsi le modèle des tâches dans MKSM
se distingue nettement du modèle d'activité. D'abord il ne
représente pas le même point vue et il se situe à un
niveau de granularité plus fin. Ensuite, il se construit par une analyse
"guidée par le contrôle", où ce qui importe, ce ne sont
pas les données qu'échangent les tâches, mais la
manière dont celles-ci s'agencent pour résoudre un problème
précis.
Une tâche peut être terminale si on ne souhaite pas pousser
plus loin son analyse (elle peut faire l'objet d'une représentation
par un algorithme ou autre, ou être considérée comme
"connue de tous", ou au contraire impossible à analyser plus avant...).
Sinon, la tâche est décomposable en plusieurs sous-tâches.
L'ensemble de ces sous-tâches constitue le corps de tâche. La
tâche possède un type de tâche, qui décrit
la manière dont elle agence ses sous-tâches. Dans une approche
simplifiée, MKSM propose quelques types de tâche, qui correspondent
à une majorité des problèmes de modélisation
rencontrés :
Il est cependant possible de définir des nouveaux types de tâches
à partir de ces types de base qui peuvent être
réutilisées dans plusieurs modélisations (tâches
génériques) ([Charreton 96]). On peut également
introduire des tâches avec des aspects temps réel (ex. [Zolghadri
93]). La description des tâches et de leur décomposition avec
leur type, jusqu'aux tâche terminales constitue l'arbre des
tâches qui est représenté graphiquement dans le
modèle des tâches de MKSM (cf. Figure 11). C'est la
représentation du flot de contrôle des tâches.
Les informations utilisées et produites par les tâches sont
définies par les paramètres de la tâche.
Chaque paramètre spécifie un ou plusieurs objets manipulés
par la tâche. Lorsque la tâche est exécutée, on
affecte à chaque paramètre un ou plusieurs objets, instances
d'un des concepts décrits dans le modèle des concepts. Ainsi
le modèle des tâches s'appuie sur le modèle des concepts.
La manière dont circulent les données dans l'arbre des tâches
constitue le flot de données. La représentation graphique du
flot de données peut très vite devenir illisible. Il est alors
préférable d'employer un langage formel lui aussi défini
par une grammaire BNF.
En pratique, les modèles des concepts et des tâches se construisent
généralement en séquence ou en parallèle sans
s'inquiéter du flot de données qui est assez délicat
et fastidieux à établir. La relation entre concepts et tâches
est alors "faible". Cependant, l'écriture complète des
modèles formels permet d'obtenir des modèles exécutables
sur ordinateur par génération d'un code écrit en langage
objet. C'est "l'opérationnalisation" des modèles
([Charreton 96]).
Les phases qui ont été détaillées ci-dessus
constituent le coeur de la méthode MKSM. Elles font partie de ce qu'on
peut appeler le cycle de modélisation. Elles ont pour but d'aider
à maîtriser la complexité d'un système de
connaissances dans les points de vue contextuels et cognitifs définis
par le macroscope de la connaissance. Le point de vue informationnel (ou
syntaxique) n'est pas abordé ici. Il concerne, dans l'optique de
l'ingénierie d'un système de connaissances, le génie
logiciel. Les méthodes de génie logiciel définissent
également un certain nombre de modèles qui permettent de
maîtriser la complexité d'un système logiciel de traitement
de l'information. Ces modèles ne sont pas toujours disjoints des
modèles qui ont été définis ci-dessus, car ils
cherchent (souvent sans le dire explicitement) à atteindre des points
de vue pragmatiques ou sémantiques. Ils sont cependant très
orientés vers la réalisation de systèmes de traitement
de l'information, et arrivent donc rarement à dépasser
réellement ce point de vue. Le cycle de modélisation de MKSM
peut donc être avantageusement complété par le cycle
de modélisation d'une méthode de génie logiciel. Dans
notre pratique, nous utilisons la méthode orientée objet classique
OMT [Rumbaugh 95], qui possède trois phases de modélisation
: modèle objet, modèle dynamique, modèle fonctionnel.
L'intégration formelle d'OMT à MKSM est en cours.
Un projet MKSM est donc organisé autour du cycle de modélisation.
Il est fortement conseillé de suivre ce cycle dans l'ordre des
modèles tel qu'il a été décrit ci-dessus. Il
induit donc un cycle de vie d'un projet MKSM. Cependant, un cycle de vie
étant à vocation opérationnelle, il ne saurait avoir
pour objectif la simple construction des modèles. Il faut donc
définir des étapes qui articulent les phases de modélisation
et orientent celles-ci selon un projet (cf. Figure 12). Deux
caractéristiques essentielles guident le cycle de vie de MKSM : la
première est que tous les modèles ne sont pas nécessaires
dans un projet particulier, d'où la nécessité d'une
phase préalable de cadrage, la seconde est que MKSM est une méthode
orientée vers l'analyse, dont le but est de maîtriser la
complexité de la gestion des connaissances d'un domaine, et non pas
d'aboutir nécessairement à une solution finalisée (ce
en quoi elle se situe en amont de la plupart des méthodes ou outils
existant), d'où l'intérêt de fournir une étape
d'aide à la décision.
Un plan qualité a été défini qui assure le bon déroulement du cycle de vie d'un projet MKSM.6.2. La phase de cadrage
Le nombre de modèles à construire représente un effort
considérable. Les projets de gestion de connaissances, tels qu'on
peut les rencontrer sont de nature très diverse, tant par leur domaine
d'application recherché (assurance qualité, documentation,
logiciel, organisation etc.), que par leur niveau d'approche (stratégique,
opérationnel...) ou leur sujet d'étude. Le cycle de
modélisation complet n'est donc pas perçu comme nécessaire
par les acteurs : un sujet d'étude à caractère peu
scientifique ne nécessite pas en général la construction
du modèle du domaine, une approche stratégique de la gestion
des connaissances d'un domaine ne s'intéresse pas en général
aux modèles cognitifs etc.
Pour chaque projet, il est donc nécessaire de définir, outre
son objectif en termes stratégique ou tactique, les phases de
modélisation qui seront utiles à l'objectif. C'est l'objet
de la phase de cadrage. Par exemple, un projet visant à répertorier
les compétences sur un domaine sera plus intéressé par
le modèle du système de connaissances et le modèle
d'activité. Un projet visant à capitaliser le savoir dans un
domaine sera plus intéressé par le modèle du domaine,
un projet de capitalisation d'une expertise particulière utilisera
les modèles cognitifs etc. La phase de cadrage permet également
d'identifier et mettre en place les acteurs : comité de pilotage qui
suit et oriente, comité de projet qui réalise, comité
technique qui conseille.
Les phases de modélisation sont au centre du problème de la connaissance. Elles s'effectuent sur la base de sources de connaissances identifiées. Il s'agit en général d'experts, ou de documentation (avec des "lecteurs spécialisés"). Elles comportent une phase de recueil sous forme d'entrevues ou d'interprétation de documentation. Cette phase est toujours guidée par les modèles, et fonctionne grâce à l'interaction de personnes du domaine et de personnes extérieures, au fait des modèles. Vient ensuite une phase d'écriture et de mise en qualité des modèles, qui se fait grâce à des outils spécifiques. Ces modèles font ensuite l'objet d'une revue avec l'ensemble de ceux qui les ont élaborés.
L'ensemble des modèles construits est réuni dans un document
qu'on appelle le Livre de Connaissances du domaine. Le concept de
livre de connaissances est un concept en plein développement dans
la problématique de la gestion des connaissances et qui se
révèle très riche. Il capitalise et diffuse un ensemble
de connaissances sur un domaine, et fournit un point de départ
indispensable à tout projet opérationnel de traitement de ces
connaissances.
La phase d'élaboration d'un schéma d'orientation est une phase stratégique distincte des phases de modélisation et qui ne s'intègre pas nécessairement à un endroit précis du cycle de modélisation. Deux situations extrêmes sont possibles, bien que non souhaitables : celle où on ne parle pas de schéma d'orientation, (ce qui signifie soit qu'il a été fait auparavant par d'autres moyens, soit qu'il a été ignoré, tant la perspective opérationnelle est forte) et celle où on fait un schéma d'orientation sans le support d'aucun modèle.
Cette phase se place au moment où l'on estime avoir une vision
suffisamment globale et partagée de la diversité des connaissances,
de leur localisation au coeur des métiers, de leur rôle et de
leur origine. L'expérience manque encore pour déterminer à
coup sûr (si c'est possible) quand émerge cette vision globale.
Il semble que cela dépende des attentes et de l'ampleur du patrimoine
à gérer. Les phases de modélisation sont faites pour
faire émerger cette vision, mais celle-ci peut intervenir après
un premier modèle (celui du système de connaissances ou de
l'activité, par exemple), ou à la fin du cycle de
modélisation (pour avoir une vision "en profondeur" du patrimoine
à gérer, par exemple). Ceci peut se décider en
général lors de la phase de cadrage.
Le schéma d'orientation se construit essentiellement à deux niveaux : stratégique et tactique, le niveau opérationnel étant la définition et l'élaboration concrète de projets, relevant d'une conduite de projet classique. Le niveau stratégique s'inspire des méthodes de management qui ont été par exemple utilisées pour définir le plan stratégique du CEA (contrat d'objectifs État-CEA 1995), le niveau tactique capitalise de nombreux faits d'expérience ([Ermine93] par exemple) et un ensemble de réflexions sur ce sujet ([De Baecker95] par exemple). Le but du schéma d'orientation est de fournir une aide à la décision quant aux choix des moyens et des outils à mettre en oeuvre pour assurer la cohérence entre les finalités, les stratégies et les objectifs de l'organisation et sa politique de mobilisation des ressources organisationnelles, techniques, humaines et financières pour la gestion de son patrimoine de connaissances. Il peut donc être intégré à une schéma directeur de gestion des connaissances.
La première étape de cette phase est celle de définition
des objectifs de la gestion du patrimoine de connaissances
considéré. Ces objectifs sont répartis selon quatre
thèmes schématisés par la boussole de la figure 13
([Brunet 94]).
Des objectifs suivant chaque orientation sont prédéfinis, parce
que typiques des cas rencontrés. Par exemple pour l'orientation
"Production" on peut avoir : optimiser la conduite de production, standardiser
la production, maîtriser la qualité de production. Pour
l'orientation "R&D" on peut avoir : favoriser la fertilisation croisée
des savoirs, faire de la veille technologique, gérer l'innovation
etc. Pour l'orientation "Ressources humaines" on peut avoir : maîtriser
les compétences présentes ou à venir, mettre en place
la formation, impliquer et mobiliser les acteurs autour de leur métier
et de leur savoir etc. Pour l'orientation "Management", on peut avoir : partager
son savoir avec les clients, les sous-traitants, transférer les
technologies et le savoir-faire, aider à la décision à
l'innovation etc. Cependant il est bien évident que l'on peut
définir des objectifs plus précis ou plus spécifiques.
L'étape suivante qui découle naturellement de la
précédente est la priorisation des objectifs qui fournit
une liste classée par ordre de priorité de l'ensemble des objectifs
retenus.
L'étape suivante s'appelle classiquement le positionnement stratégique. Elle recense les enjeux externes (ou attraits) et les enjeux internes (ou atouts) rattachés à chaque objectif. Pour une organisation, les enjeux externes pour la gestion de ses connaissances sont par exemple : obtenir une certification, anticiper la concurrence, s'allier à des partenaires, répondre à des obligations morales et/ou déontologiques, améliorer l'image de marque etc. Les enjeux internes sont par exemple : le zéro-défaut, zéro-panne, la réduction des délais, la valorisation des acteurs, la pérennisation des connaissances, la traçabilité de l'activité etc. Les enjeux correspondent aux avantages (externes ou internes) attendus dans la réalisation de l'objectif.
Le niveau tactique recense pour chaque objectif les projets possibles
(ou actions) qui permettraient d'atteindre cet objectif. En gestion des
connaissances, un certain nombre de projets possibles sont connus, beaucoup
ont leur origine dans les technologies de l'information, de l'éducation
ou de l'organisation. Il s'agit par exemple de systèmes de recherche
d'information, de systèmes documentaires, de systèmes à
base de connaissances, de systèmes d'aide à la décision,
de formations, de systèmes d'enseignement assisté, de cartographies
de compétences, de connaissances, de "groupware", de "workflow", de
procédures de conduite, d'assurance qualité, de retour
d'expérience etc. Mais à l'occasion de séances de
réflexions, il n'est pas exclu d'imaginer d'autres projets
possibles.
Ces projets possibles ne sont pas définis encore en terme précis,
leurs calendriers, leurs moyens, leurs risques etc. ne sont pas définis
rigoureusement. Ceci fera l'objet d'une phase classique de conduite de projet
au niveau opérationnel. Cependant, l'objectif du schéma
d'orientation étant de fournir une aide à la décision,
il est nécessaire de préciser quelques éléments
tactiques sur les projets. Théoriquement, un projet de gestion de
connaissances dans les organisations peut être vu comme un processus
actif dans le système, et est donc susceptible d'être
modélisé par le modèle général (SCFC)
d'un processus (§ 4.1 et 4.2). C'est ce qui avait été
fait dans [Brunet 94]. Cependant, pour éviter une approche théorique
trop abstraite, il est possible de retenir quelques caractéristiques
significatives et utiles des projets. Celles-ci sont au nombre de cinq. On
peut spécifier les Objectifs spécifiques à l'action,
qui sont en dehors des objectifs stratégiques, les Sources de
connaissances qui sont à utiliser dans le projet (personnes, documents
primaires ou secondaires, bases de données etc.), les Résultats
attendus, en termes d'utilisation et d'utilisateurs, les
Conséquences spécifiques de l'action, en terme de suite
possible ou corollaire de l'action engagée, et enfin
l'Environnement susceptible d'influencer le projet, environnement
humain ou matériel.
L'objectif de l'étape qui est décrite ici est de fournir un
outil d'aide à la décision concernant la gestion d'un système
de connaissances : quelles sont les meilleures actions à mettre
en place, quels sont les risques etc. Cet outil s'appelle le schéma
d'orientation. On vient d'en définir les ingrédients au niveau
stratégique et au niveau tactique : les objectifs, avec des enjeux
externes et internes, les actions répondant à des objectifs,
caractérisées par des sources de connaissances, des résultats
attendus et un environnement susceptible d'influencer l'action (dans ce
paragraphe, on ne considère plus les objectifs et les conséquences
spécifiques à l'action).
Il reste maintenant à établir une méthode d'évaluation
des risques pour chaque projet possible (ou action), qui permet de situer
cette action par rapport aux autres et par rapport à des critères
pertinents. Pour cela, MKSM propose de classer les risques sur cinq axes
différents : les deux premiers correspondent à des
considérations stratégiques sur les enjeux, les trois autres
à des considérations tactiques :
L'ensemble de ces réflexions et de ces positionnements peut-être
récapitulé et visualisé sous une forme concise, par
exemple sous forme de diagramme de Kiviat (Figure 14), qui permet de se rendre
compte du risque interne à chaque projet, et de positionner les projets
les uns par rapport aux autres. Le projet a priori le plus intéressant
est celui dont le pourtour sur le diagramme de Kiviat est le plus
équilibré autour du centre et le plus à l'extérieur.
7. Les outils de support de MKSM
L'atelier informatisé actuellement utilisé est conçu
comme une structure d'accueil qui organise un projet MKSM. Comme il a
été indiqué au début, un des objectifs de la
méthode est de s'intégrer simplement dans l'environnement courant
des utilisateurs, pour leur permettre une appropriation aisée. Ceci
vaut aussi pour leur environnement informatique (ce qui est une condition
nécessaire mais non suffisante ! ), dont le dénominateur
commun est la bureautique. Dès lors, il n'est pas question, du moins
pour l'instant, de fournir un outil intégré et complexe supportant
MKSM. Le choix qui a été pris est radicalement différent,
à la fois pour les raisons indiquées ci-dessus, mais
également pour des raisons de coût (de développement,
d'achat, de support...) et de moyens humains (mobilisation de ressources
humaines, formation...). Les outils utilisés sont donc les plus courants
du marché : Windows95®, Word®, Excel®, Visio®,
Access® et Visual Basic®.
L'atelier MKSM est organisé en répertoires, chacun
représentant une phase de la méthode, plus quelques
répertoires techniques ou de documentation. Un répertoire contient
un classeur au sens Windows95, qui est un document composite formé
d'un modèle graphique et de divers dictionnaires, notices ou fiches.
Les modèles graphiques sont élaborés avec le logiciel
de dessin structuré Visio®, pourvu des palettes graphiques
adéquates. Ces modèles sont ensuite analysés par un
outil spécifique fournissant une base de données Access®,
référentielle pour tout le projet. A partir de cette base de
données on peut générer automatiquement un ensemble
de dictionnaires contenant des références croisées,
et une présentation textuelle des modèles. Ces documents sont
fondamentaux dans le cycle de qualité de MKSM. Les modèles
sont parfois complétés par des fiches rédigées
séparément et intégrées dans le classeur
correspondant. Le schéma d'orientation est construit avec un outil
d'aide à la décision programmé avec Excel® et
Access®.
Comme on peut le voir, l'environnement informatique actuellement associé
à MKSM est volontairement élémentaire. Mais il est clair
que ce choix présente des inconvénients. C'est celui-ci qui
est utilisé dans les projets opérationnels. D'autres voies
pour d'autres outils sont actuellement explorées.
La première voie explorée est celle de la création d'un
livre électronique de connaissances. Le concept de livre de
connaissances commence à apparaître maintenant comme un
enjeu important de la gestion des connaissances. Pour MKSM, un livre de
connaissances est composé d'une sélection des différents
classeurs qui ont été produits dans son cycle de vie :
modèles graphiques, fiches, glossaires etc. Les différents
composants de ce livre étant reliés entre eux par des liens
sémantiques forts, notamment en ce qui concerne les modèles,
il est intéressant d'envisager la présentation de ce livre
sous forme hypermedia. Une première réalisation d'un livre
électronique de connaissances a été réalisée
en partenariat avec EDF sur la conduite des centrales [Millerat 96], avec
le logiciel de création d'hypermedia Toolbook®. Il met "en page"
des modèles de processus (domaine), des modèles d'activité
et des modèles de tâches. Il permet de naviguer dans les
différents modèles, dont le volume rend délicat la
consultation linéaire, et de consulter des fiches attachées
à ces modèles. C'est un bon outil de présentation et
de formation. Cette expérience peut être
généralisée efficacement si l'on dispose d'outils de
création automatique de livre électronique à partir
des modèles. Les logiciels auteurs d'hypermedia ne sont actuellement
pas assez puissants pour réaliser facilement ce genre d'outil. La
recherche dans cette voie est en cours pour trouver des solutions, notamment
avec le langage C++ et l'outil Ilog Views® ou encore avec l'environnement
Acrobat®.
La seconde voie explorée est la conception d'un atelier de gestion
des connaissances intégré. C'est une solution lourde, qui demande
des développements informatiques importants et un lent mûrissement.
Elle est à l'opposé de la solution adoptée actuellement,
donc très complémentaire en termes d'avantages et
d'inconvénients. Actuellement, les recherches se sont portées
surtout sur les modèles cognitifs. Un des thèmes consiste à
"opérationnaliser" ces modèles, c'est à dire à
obtenir des modèles qu'on puisse exécuter sur ordinateur, à
l'instar des spécification exécutables du génie logiciel.
Ceci a demandé la mise au point d'une définition formalisée
du langage de modélisation, la définition d'une sémantique
de ce langage, la transformation des modèles en "langage objet", et
la programmation d'un "moteur de tâches" pour exécuter la forme
objet des modèles. L'outil a été programmé dans
un langage de type Prolog-objet [Charreton 96]. Un autre thème de
recherche a consisté à transformer comme ci-dessus les
modèles en langage objet, à programmer des éditeurs
graphiques d'acquisition de ces modèles pour les stocker sur une base
de données objet, permettant ainsi de constituer un
référentiel sur lequel peut s'appuyer tout outil attaché
à MKSM. C'est ainsi que se conçoit actuellement tout atelier
de génie logiciel. Pour ce thème de recherche, le langage
utilisé est Visual C++® et la base de données objet est
Poet®. L'application test est un projet de gestion des connaissances
sur les méthodes d'intervention en cas d'accident majeur, mené
en collaboration avec le Service Départemental d'Incendie et de Secours
de Seine-Maritime [Malavieille 95].
La méthode MKSM est une méthode pour la gestion des systèmes
de connaissances qui essaie de maîtriser la complexité
inhérente à cette problématique par des modélisations
successives, à différents niveaux de granularité. Son
objectif est d'arriver à avoir une visibilité correcte sur
les connaissances à gérer, de déterminer les projets
possibles à mettre en place et les critères de décision
pertinents. Elle se fonde sur des éléments théoriques
fournis en particulier par la systémique et la sémiotique.
Elle bénéficie du retour d'expérience de nombreux projets
opérationnels (cf. par exemple [Royer 95]). Elle est supportée
par des outils informatiques simples à mettre en uvre. Des
activités de Recherche et Développement autour de cette
méthode permettent d'en approfondir les concepts et de prospecter
les différents outils de traitement de l'information qui peuvent lui
être attachés.
Les évolutions futures concernent l'atelier de gestion des connaissances
attaché à MKSM, la prise en compte de l'évolution des
systèmes de connaissances dans la méthode (la troisième
composante de la systémique) et les liens formalisés des
modèles avec les diverses applications possibles, dans la gestion
documentaire, l'assurance qualité, la veille stratégique, la
gestion des codes de calcul, la formation etc.
[Brunet 94] Brunet E., Ermine J.-L. : Problématique de la gestion des connaissances des organisations, Ingénierie des systèmes d'information, Vol. 2, n° 3, pp. 263-291, Hermès, 1994
[Caron 89] Caron J. : Précis de psycholinguistique, P.U.F, Paris, 1989
[Charreton 96] Charreton B., Ermine J.-L. : From knowledge specification to executable specification, KEML'96, Knowledge Engineering and Modelling languages, Paris 1996
[De Baecker 95] De Baecker P. : Systèmes de management des connaissances, éléments stratégiques et faisabilité, Thèse professionnelle, École Supérieure de Commerce de Paris, 1995
[De Rosnay 75] De Rosnay J. : Le macroscope, vers une vision globale, collection Points, Le Seuil, Paris, 1975
[Ermine 96] Ermine J.-L. : Les systèmes de connaissances, Éditions Hermes, Paris, 1996
[Ermine 93] Ermine J.-L. : Génie logiciel et génie cognitif pour les systèmes à base de connaissances, Collection Tec et Doc, Lavoisier, Paris, (1993)
[Ganascia 91] Ganascia J-G. : L'hypothèse du "Knowledge level" : théorie et pratique, dans "Les sciences cognitives en débat", Édition du CNRS, pp. 57-71, Paris, 1991
[IGL 82] IGL, France : Introduction à SADT, Manuel, 1982
[Le Moigne 77] Le Moigne J-L : La théorie du Système Général, théorie de la modélisation, P.U.F., Paris, 1977, 3ième édition mise à jour, 1990
[Le Moigne 90] Le Moigne J-L : La modélisation des systèmes complexes, Afcet Systèmes, Dunod, Paris, 1990
[Le Ny 89] Le Ny J-F : Science cognitive et compréhension du langage, P.U.F., Paris, 1989
[MADS 92] MADS : Dos Santos J., Dutuit Y. , Ermine J.-L.., Lesbats M., Pénalva J-M., Périlhon P.: Problématique et méthodologie de la maîtrise des risques, CYNDINICS'92, Cannes 28-30 Janvier 1992
[Malavieille 95] D. Malavieille, J.-L. Ermine, Ct Ribot, C Lions, Lt Condamin : Étude et réalisation d'un système à base de connaissances d'aide à la décision en cas d'intervention sur des accidents majeurs, IA'95, 26-30 juin 1995, Montpellier
[Mélèse 79] Mélèse J. : Approche systémique des organisations, Les éditions d'organisation, Paris, 1979
[Millerat 96] Millerat P., J.-L. Ermine, M. Chaillot : Knowledge management for modelling nuclear power plants control in incidental and accidental states, CESA'96, Volume 2, Lille 9-12 juillet 1996
[Minsky 75] Minsky M. : A framework for representing knowledge, in P. H. Winston (Ed.), The Psychology of Computer Vision, McGraw Hill, New York, 1975, ou in Mind design, pp. 95-128, MIT press, 1981
[Morin 86] Morin E. : La méthode, 3. La connaissance de la connaissance, Éditions du seuil, Paris, 1986
[Morin 90] Morin E. : Introduction à la pensée complexe, Communication et complexité, ESF Éd., Paris, 1990
[Newell 82] Newell A. : The Knowledge Level, Artificial Intelligence, Vol 18, pp. 87-127, 1982
[Royer 95] J-C Royer, M. Chaillot, J.-L. Ermine : Gestion des connaissances dans le domaine de la dosimétrie en réacteur Conférence AFCET 95, Toulouse, 25-27 octobre 1995
[Rumbaugh 95] Rumbaugh J. et alt. : Modélisation et conception orientée objet, Masson-Prentice Hall, Paris, 1995
[Shannon 49] Shannon C. E., Weaver W. : The Mathematical Theory of Information, Urbana, University of Illinois Press, 1949, trad. : Théorie mathématique de la communication, Retz - CEPL, Paris , 1975
[Zolghadri 93] A. Zolghadri, B. Bergeon, Z. Benzian, J-L Ermine, M. Monsion
: Fault Diagnosis and Supervision of a Cutting Tool Robot, Diagnostic
et sûreté de fonctionnement, Vol 3 n° 2, pp. 151-174,
Hermès (1993)