Stress et Cancer

 

 Danièle Fluhr

 

Nous avons vu lors des exposés précédents que :

 

ß les facteurs stressants de l’environnement sont identifiés (deuil, perte d’identité, isolement, agression physique, perte de liberté, bruit, promiscuité ...),

 

ß la vulnérabilité de la personnalité face au stress peut être prédite (existence de traumatisme de l’enfance ...),

 

ß la biologie des situations de stress est connue, modifications fondamentales avec leur cascade de conséquences psychologiques.

 

Des facteurs psychologiques codifiés, en cas de vulnérabilité de la personnalité, entraînent un déséquilibre hormonal, dont les conséquences physiologiques sont connues. Ce déséquilibre fait le lit de la maladie. On nous a dit hier : en prison les manifestations cliniques sont plus aiguës (diabète impossible à équilibrer, asthme grave ...). Pour un même événement psychologique le déséquilibre biologique est plus grand si le sujet est vulnérable.

 

Est ce qu’une prise en charge adaptée dans une situation identifiée stressante d’un sujet à risque pourrait éviter la maladie ? (prise en charge médicale après une agression physique à la SNCF par exemple)

 

Le rôle du stress dans la révélation d’un cancer semble intuitivement évident et nous pouvons tous citer des exemples de cancer survenu peu de temps après un stress psychologique intense (apparition d’un cancer après le décès d’un enfant). Mais scientifiquement ce lien n’est pas démontré et une prise en charge reposant sur cette hypothèse serait condamnable.

 

Par exemple l’association allemande "Stop au cancer" qui partage la théorie d’un médecin allemand du nom de Hamer a été interdite. Selon ce médecin, il existe une triade psychisme - cerveau - organe constamment synchronisée. Un choc psychologique brutal ou un conflit aigu vécu dans l’isolement perturberait cette synchronisation et entraînerait une prolifération des cellules cancéreuses. Aussi selon le médecin le traitement du cancer doit être psychologique car la résolution du conflit psychique interrompra l’évolution du cancer.

 

Le Dr Hamer est interdit d’exercice en Allemagne et y est incarcéré pour manquement grave à la profession de médecin. Il est poursuivi en Autriche pour non assistance à personne en danger et en France pour exercice illégal de la médecine, escroquerie et non assistance à personne en danger.

 

Cette théorie mettant l’accent sur le rôle du conflit non résolu ou de l’impasse de vie dans l’apparition des maladies n’est pas nouvelle et le rôle du vécu émotionnel dans l’apparition des maladies est connu depuis la seconde guerre mondiale mais en l’absence de dosage d’un marqueur biologique le lien entre stress et cancer ne peut être démontré et la prise en charge psychologique exclusive de la maladie du cancer est dangereuse car elle expose des patients à abandonner les traitements éprouvés et ainsi à perdre des chances de guérison.

 

En revanche quelques études montrent le bénéfice d’une prise en charge psychologique du cancer en cours de traitement ont été publiées.

 

Nous avons vu hier qu’un stress psychologique (mort d’un conjoint) active le système hormonal lequel retentit sur le système immunitaire diminuant les défenses contre l’infection, les maladies et peut être le cancer. C’est ce qu’illustre ces études :

 

1. Une étude sur 116 femmes après chirurgie du sein, avant radiothérapie ou chimiothérapie, montre que les femmes classées comme ayant un haut niveau de stress ont moins de GB, une réponse diminuée de l’infection, et une activité diminuée des leucocytes T4.

 

2. Une autre étude a montré que des patientes ayant un niveau élevé de stress face au diagnostic et au traitement d’un cancer du sein auraient moins de leucocytes killers et l’on connaît l’importance de ces cellules dans la lutte contre le cancer

 

3. Une troisième étude a montré que des femmes ayant vécu un stress sévère dans les cinq dernières années avaient deux fois plus de chances de développer un cancer du sein.

 

 

Au vu de ces contradictions, comment expliquer la position ferme du Conseil de l’ordre des Médecins?

 

ß La prise en charge psychologique des cancéreux ne doit pas détourner les patients des thérapeutiques reconnues et démontrées.

 

ß En l’absence de dosage d’un marqueur biologique du stress, il est impossible de démontrer l’efficacité préventive de la prise en charge psychologique d’un choc psychologique sévère sur l’apparition d’un cancer.

 

ß Enfin, la maladie cancéreuse ne se laisse pas circonscrire dans le modèle du stress.