Le stress peut-il se manifester dans l'écriture ?
Marie Jeanne Sedeyn
Il est une source d'information, concernant l'individu dans sa totalité, qui n'a pas encore été correctement exploitée : c'est l'écriture, dont chacun reconnaît pourtant la qualité personnelle et unique.
La graphologie, trop tôt orientée vers une interprétation purement psychologique, a aussi souffert d'une vulgarisation abusive, qui satisfait le grand public en exploitant le côté "magique" de l'écriture, au détriment d'une observation rigoureuse et structurée.
L'écriture constitue donc un terrain encore vierge, et doit rester un objet d'étude, renfermant une quantité d'informations que nous ne savons pas encore décoder. Elle peut être assimilée à un fluide corporel, puisqu'elle est un produit de l'individu, quels que soient la langue, l'alphabet ou l'instrument utilisés, et mérite la même attention. Elle présente en outre un avantage certain : l'écrit est produit de façon naturelle, il ne nécessite pas la présence du sujet face à l'observateur, et peut être étudié et conservé sans atteinte à son intégrité.
C'est dire qu'il est possible, à partir de l'écriture, de procéder à des recherches et à des contrôles dans un esprit véritablement scientifique. Le premier point consiste à recueillir des collections d'écrits provenant d'individus appartenant à un même groupe, clairement défini par des spécialistes. Une telle collection permet alors à un observateur attentif, sans autre information, de rechercher s'il existe ou non dans ces écrits des caractères graphiques communs, et, dans l'affirmative, lesquels. Ceci, bien entendu, sous contrôle rigoureux, en liaison avec un statisticien.
Dans le même esprit, s'il est possible à un observateur expérimenté de reconnaître dans le geste graphique de certains individus des signes témoignant par exemple d'un état de stress, ces signes peuvent être objectivés et confrontés aux informations physiologiques, biologiques et psychologiques réunies sur un même individu. Effectué sur un nombre significatif de sujets, une telle recherche pourrait permettre de mettre en évidence la validité (ou non validité) des observations faites sur les écrits, apportant ainsi au diagnostic et au suivi un élément supplémentaire d'information non négligeable.
Pour un professionnel de l'examen et de la comparaison des écritures (ce qui correspond au travail d'identification de l'expert judiciaire), l'expérience acquise engendre un certain nombre de notions, qui peuvent avoir un intérêt dans une perspective pragmatique, sans avoir été vérifiées scientifiquement. A partir de ces notions, trop personnelles pour être indiscutables, les manifestations du stress ne se traduisent pas par un signe isolé, mais par un ensemble dont chaque élément est de nature à confirmer l'information apportée par les autres. S'il fallait établir (avec prudence) la liste de ces éléments significatifs, on pourrait citer
- l'accroissement des inégalités, qui peuvent affecter
. le parallélisme des axes,
. la stabilité de la ligne de base,
. la hauteur et la largeur des lettres,
- l'absence de souplesse de la liaison, avec cabossages dans les oves, et angles au contact de la ligne,
- les atteintes concernant l'appui, avec
. des gestes verticaux plus faibles ou occasionnellement spasmodiques,
. des tremblements ou des hachures,
- les atteintes concernant la vitesse et le rythme, avec des irrégularités plus marquées, et dans certains cas, l'impossibilité de produire le nombre exact de gestes en "m" concernant les petites lettres (m, n, u, i), ce qui produit, soit des grammas supplémentaires, soit des "repiquages" postérieurs.
Tous ces signes n'ont pas à être présents : un signe isolé n'est pas à prendre sérieusement en considération, mais la présence de plusieurs signes doit attirer l'attention.
Pour utiliser une image caricaturale, une écriture "molle" ne peut évoquer un stress. Par contre, une écriture "émiettée" ou cahotique peut résulter de tensions trop fortes.
Seule, une recherche organisée, pluridisciplinaire, serait de nature à éclairer et à préciser ces observations.
(C) Marie Jeanne Sedeyn 28 rue Botzaris 75019 Paris tél. 01 42 06 41 02