Le stress urbain
Yvonne BERNARD
INTRODUCTION
Apres avoir participé à la rencontre de HYERES, il me semble que la réflexion sur le stress peut tre poursuivie dans deux directions. Il appara"t en effet qu'il est nécessaire de distinguer le stress comme réaction à une situation ponctuelle et le stress en tant que pathologie résultant d'un effet prolongé à des situations sur lesquelles le sujet n'a pas ou peu de contr™le. On parle alors d'impuissance acquise.
La ville est un objet privilégié d'étude sur le stress car l'observation de terrain permet de réfléchir sur les moyens d'identifier et de caractériser les facteurs environnementaux stressants, le degré d'ajustement qui serait nécéssaire, les stratégies utilisées par les sujets pour y faire face. La situation urbaine permet également de d'analyser l'effet de la chronicité et de l'habituation. La multiplicité des sujets soumis aux mmes stress donne également la possibilité de déceler des différences et de mieux conna"tre et comprendre les variables individuelles qui les expliquent.
La surstimulation et l'urgence temporelle sont deux facteurs qui caractérisent le stress urbain
A La surstimulation
La vie urbaine est caractérisée par la présence simultanée de sources de stress. On peut distinguer les sources physiquesÊet les sources socialesÊ: le bruit, la pollution, la chaleur, le manque d'espace, sont stressants mais aussi la surdensité, le crowding, terme utilisé par les américains pour désigner un sentiment d'angoisse, d'oppression déterminé par la foule. Généralement la surcharge, dans la mesure ou elle altre la capacité de traitement de l'information, intensifie les réactions d'aversion. Les effets peuvent tre cependant trs différents en fonction de la situation et des motivations du sujet. La surdensité vécue dans une manifestation ou dans une gare ne provoquent pas du tout les mmes réactions
B L'urgence temporelle
D'aprs les enqutes américaines ÇÊUS National health surveysÊÈ il semble exister un lien trs fort entre le stress et le fait de toujours tre pressé. Certaines populations semblent de ce point de vue tre plus particuliérement affectées que d'autres. Les femmes qui travaillent et qui ont de jeunes enfants se déclarent plus stressées que les hommes du mme ge et dans la mme situation. On constate en effet que le stress personnel reflte jusqu'à un certain point les pressions sociales résultant d'une surcharge de r™les à jouer Le sentiment de pression du temps semble fondée sur une réalité objective et dépendre réellement des charges supportées, celles ci variant naturellement au cours des étapes du cycle de vie. Il est néanmoins constaté que les ch™meurs sont trs stressés. Il s'agit peut-tre alors à l'inverse d'une perte des repres temporels et du manque de contr™le sur la prévisibilité de l' avenir.
MODELE TRANSACTIONNEL
Le stress est généralement étudié aujourd'hui dans le cadre d'un modle théorique transactionnel. Dans le processus transactionnel, le sujet est mis en présence d'un facteur environnemental qui représente une contrainte. Il interprte alors la situation et évalue la capacité qu'il a d'y faire face. Il faut signaler que les contraintes n'ont pas forcément une réalité objective elles peuvent tre parfois imaginées. Ce qui compte c'est la perception du contr™le plut™t que son existence réelle. Le contr™le suppose une bonne compréhension d'une situation qui permet alors de prévoir et d'anticiper ce qui va se passer. Interrompre un comportement en cours ou interférer dans son déroulement déclenche le stress. Par ailleurs les signaux d'alarme sont interprétés en fonction de la connaissance d'un certain nombres de rgles. La sirne le premier mercredi du mois n'inquite personne ce qui n'est pas le cas lorsque l'alarme se produit la nuit. Dans le cadre de la prévision, il existe plusieurs types de conduites correspondant à plusieurs situations de contr™leÊ: le contr™le direct peut conduire à agir immédiatement en supprimant par exemple l'existence d'un bruit gnant, le contr™le cognitif permet d'apprécier une situation et d'envisager les possibilités d'intervention, le contr™le décisionnel permet de décider quelle est la meilleure.
Les variables individuelles modulent le stress. Si l'on prend l'exemple de la tolérance au bruit nuisance qui est citée le plus souvent dans le cas du stress devenu chronique, l'ge du sujet peut le conduire à préférer un environnement bruyant mais animé à un environnement calme et sans bruit. L'histoire du sujet, le but qu'il poursuit, les motivations qui justifient sa présence dans une situation urbaine, objectivement trs bruyante, mais nécessaire à l'évolution de sa carrire professionnelle le rendront plus tolérant.
LES EFFETS DU STRESS
Effet du stress sur les comportements
De nombreuse études le plus souvent en laboratoire montrent l'effet décisif du bruit sur les performances. On a pu montrer également que les jeunes élves d'une école située prés d'un aéroport accusaient un retard scolaire significatif.
Lorsque les situations sont extrmes comme cela peut tre le cas lors de catastrophes, le sentiment qu'il n'y a pas ou peu de contr™le possible de la situation entra"ne un effet de paralysie provisoire, mais qui est généralement suivie trs rapidement de réactions positives grce à la mise en place d'un soutien social établi naturellement par la présence d'autre victimes. Ce soutien permet de réagir et d'envisager les conduites possibles.
La vie en ville et la présence de nombreux ÇÊstressorsÊÈ ne favorisent pas les conduites d'altruisme (MOSER). On a observé que la présence d'un chantier bruyant a une influence sensible sur les conduites d'aide (demande de renseignement , aide physique d'une personne en difficulté. Selon certains sociologues (MILGRAM) la surstimulation et l'urgence temporelle entra"nent progressivement la baisse des communications interindividuelles et en particulier favorisent la disparition progressive des rgles de civilité qui ne sont pas absolument nécessaires. C'est le cas par exemple des formules de politesse qui précedent généralement un échange verbal.