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Michel SEBILLOTTE : Approches épistémologiques et pratiques d'expériences d'action de recherche et de prospective en partenariat.

30 novembre 2004

« De l’intention aux résultats dans les actions collectives.

Relations du chercheur à l’action, entre épistémologie et pragmatique »

Michel Sebillotte

michel.sebillotte@wanadoo.fr 

Je partirai de trois longues expériences d’actions collectives sur l’eau et les territoires ruraux que j’ai animées, pleinement engagé dans leur vie quotidienne, et qui ont duré de 3 à 11 ans :

-          l’opération nationale Ferti-Mieux. C’était une opération de conseil aux agriculteurs, voulue par l’Administration (Ministères) et la Profession, pour réduire les risques de pollution des eaux par les nitrates. L’adhésion était volontaire. Elle a duré 11 ans et s’est déroulée dans de nombreuses régions de France, en mobilisant de très nombreux techniciens et environ trente mille agriculteurs,

-          les programmes de recherche en partenariat « pour » et « sur » le développement régional que j’ai conçus et dirigés 10 années à l’INRA, dans cinq régions de France. Ces programmes de recherche, à l’initiative de l’INRA, visaient à construire, en partenariat, des recherches « transdisciplinaires » en partant des problèmes que rencontraient les acteurs et les institutions du développement régional,

-          la prospective « L’Eau et les Milieux aquatiques » que j’ai dirigé durant 3 ans. A partir d’une méthodologie que j’ai conçue et qui comporte, entre autres, l’élaboration d’une représentation commune du système étudié, la compréhension de son fonctionnement, la formulation et le traitement d’une centaine d’hypothèses, la consultation de nombreux experts qui se prononcent sur les différentes étapes, il s’agissait, pour le compte de l’INRA et du Cemagref, de proposer des scénarios pour le futur de l’eau et des milieux aquatiques en Europe et sur le pourtour méditerranéen. Et, à partir de là, de formuler des orientations d’actions et de recherches.

Mon propos sera de montrer, à partir des réussites et des obstacles rencontrés dans ces 3 actions collectives, le rôle des dispositifs, des méthodes (du diagnostic initial, de la modélisation…), du temps (visions d’avenir, maturation, respect des échéances) et du projet (celui qui devient commun face aux projets individuels du départ). Il sera alors possible de proposer quelques règles pour des actions collectives dans lesquelles il s’agit de gérer des ressources en eau, des territoires.

J’essaierai de mêler approches épistémologiques et pragmatiques. En effet, une première difficulté, commune à ces trois actions, est que les décisions ne peuvent être « validées » selon les critères habituellement admis. Cela donne, entre autres, une importance primordiale à la valeur du diagnostic que les acteurs concernés et impliqués, et les chercheurs émettent collectivement, et donc au projet collectif, ou qui devrait l’être. Or ce projet évolue dans le temps et dépend clairement des échéances retenues pour les actions et pour juger de leurs effets (leur degré de durabilité, pourrait-on dire) ; tout ceci variant suivant les acteurs. D’autres questions méritent attention : par exemple, celle des finalités poursuivies par les uns et les autres en terme de développement (et donc sa définition), celle de l’articulation de connaissances scientifiques et techniques incomplète, mais relativement éprouvées à une époque donnée, avec les aspirations changeantes et mal précisées des acteurs, pour en faire un projet collectif... Non plus comment gérer l’eau et les territoire mais les fondements du projet d’usage collectif de l’eau et des territoires.