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Gérard  ENGRAND : Considérations autour du concept d’enseignabilité .

30 03 05

CONSIDERATIONS AUTOUR DU CONCEPT D’ENSEIGNABILIT

Gérard  ENGRAND 

34 rue Cabanis  59000     LILLE

Ecole d’architecture de Lille/Régions Nord

engrand@lille.archi.fr

Résumé

A partir de situations de conception, nous souhaiterions ré-examiner à nouveaux frais philosophiques le fonctionnement et la légitimité d’un vieux couple : le fameux duo Théorie/Pratique. Nous analyserons particulièrement les apports des excursions chinoises de François Jullien et de la conception de l’efficacité que ses travaux semblent fonder.

 

« Pour un enseignement des arts et sciences impliqué »

C’est la fin qu’atteignent les moyens et non la fin que suggère le désir
 inarticulé et l’occasion primitive de l’émotion qui est importante

Valéry

Nous voudrions interroger les conditions d’enseignabilité de la conception (et de l’aptitude à produire de la nouveauté ou de la différence) à partir du réexamen critique de trois dichotomies canonique de l’enseignement :

            La distinction analyse/synthèse

            La distinction fins/moyens

L’opposition entre l’entêtement (que la morale scolaire nomme persévérance) et l’opportunisme qui serait le péché par excellence.

C’est cette dichotomisation, et la convergence des partis-pris pédagogiques dans ces trois champs qui fonde le concept d’application (les Facultés de Sciences Appliquées) auquel nous voudrions substituer le concept d’implication ;

Notre première thèse – pas si neuve dans le ciel des idées, mais dans la réalité des structurations de programmes si rarement et si timidement mise en œuvre – est que l’implication des savoirs doit être pensée comme pratique de requestionnement et de problématisation plutôt que comme pratique de réponse (habileté et pertinence de la répartie).

Deux axes majeurs conduiront notre propos :

            Toute pratique est rencontres et la fidélité à la rencontre exige toujours une forme d’infidélité à ses propres intentions, la capacité et le courage de les réévaluer, les déplacer ou modifier. Savoir manifester une ingratitude radicale tant pour les « sacro-saintes intentions de l’auteur » que pour les attentes de la culture de la discipline, atteste d’une santé souvent féconde (souvenons-nous du « je peins ce que je trouve, pas ce que je cherche » de Picasso) et d’une capacité à s’écarter des chemins déjà tracés. Il y aurait à enseigner un courage dans l’opportunisme qui ne contredise pas l’entêtement théorique. Savoir céder mériterait d’être un objet d’enseignement aussi important que savoir résister.

            En second lieu, nous voudrions illustrer, que les métiers ayant à voir avec l’invention, ne peuvent s’exercer avec une seule tête, mais supposent au contraire de sans cesse changer sa méthode d’exploitation de sans cesse travailler contre soi-même en retournant sa posture intellectuelle, nous appuyant pour cette démonstration essentiellement sur Valéry et Bateson. De ce dernier nous emprunterons plus particulièrement le mélange détonnant de « pensées décousues et sauvages et de pensées formelles » qui serait « notre outil » le plus précieux ».

Nous poserons en conclusion une interrogation provocatrice autour de la notion de « subversion programmatique », comme condition de la production de l’innovation en examinant la distinction que propose Deleuze entre culture de réserve et culture d’invention..