97
Table Ronde

9.2.E

Lundi 9 Juin

16h15-18h
Prospective et complexité modélisation systémique, modélisation d'anticipation

Animation :

P. GONOD (Conseiller International)
Contributions préparées

J. DE BANDT

(ISEFI-LATAPSES-CNRS, Revue 'Economie Industrielle'), L. DIBIAGGIO

" Complexité de la prospective macro-économique "

P. GONOD

(Conseiller International)

" Prospective et complexité, modélisation systémique "

G. LOINGER

(O.P.I.R., GRISITEC) :

" La prospective territoriale comme enjeu dans le champ de la connaissance et de la décision stratégique : le cas de la Région Poitou-Charente "

J.-C. LUGAN

(Université de Toulouse I) :

" Essai sur la décision dans les systèmes

politiques locaux "

J. PERRIN

(CNRS-G.A.T.E.) :

" Interaction des processus et complexité

des techniques "

F. ROUBELA

(EDF - Mission Prospective)

" Prospective et processus de décision : le rôle des réseaux de prospective dans la stratégie d'entreprise "


M. SEBILLOTTE

(INRA) :

" Prospective et fonctionnement d'un organisme de recherche : orientations possibles "

S. WICKHAM

(U. de Paris, ISMEA) :

" Prévision et Prospective : rappels et pistes de fin de siècle "
Notes

Prospective et complexité
9.2
Complexité de la prospective macro-économique 

J. DE BANDT CNRS IDEFI-LATAPSES, Revue d'Economie Industrielle

L. DIBIAGGIO LATAPSES

E

Lundi 9 Juin,16h15-18h


Il ne s'agit pas ici de rentrer dans le débat, difficile et presque impossible, sur la complexité d'une économie (nationale) prise dans sa globalité (une " macro-économie ") : une économie globale est-elle plus complexe qu'un système d'interdépendance générale ? La complexité (accrue) provient, plus fondamentalement, des transformations profondes des réalités économiques, c'est-à-dire de ce en quoi consiste la réalité économique, dans son essence même en quelque sorte. D'une certaine manière le jeu économique lui-même change de nature : nombres de biens publics ou gratuits se marchandisent, nombres d'activités échappent à toute règle, les valeurs de nombres de produits ont perdu toute référence objective, l'information et la connaissance se situent dorénavant au cœur de la création de richesses...

Les économistes traduisent cela en insistant sur la généralité et l'ampleur des incertitudes auxquelles les acteurs décentralisés doivent faire face. Là ne réside par le problème de base. Les transformations structurelles ou systémiques en cours, qui introduisent de nouvelles dimensions de complexité, sont au moins de trois ordres :

· l'élargissement de l'espace technologique : du fait de l'élargissement dans plusieurs directions (l'infiniment petit, l'infiniment grand, l'infinie variété des questions) et de la démultiplication des combinaisons possibles, il n'est pas impossible qu'on ne puisse plus observer l'émergence et la maturation d'un nouveau système technique (à la Gilles), ayant une certaine cohérence et stabilité, et imposant sa logique plus ou moins à l'ensemble des activités.

· la globalisation, telle que les systèmes nationaux régulés perdent de leur consistance et par là leur capacité à définir les problématiques économiques de base, tandis que s'accroissent les tailles et pouvoirs des grands acteurs privés transnationaux ?

· l'émergence de l'économie de l'information transformant la nature des actifs spécifiques et déplaçant les lieux de création des valeurs ajoutées. Là où, dans une économie industrielle, les équipements imposaient leurs normes d'organisation, les exigences et solutions organisationnelles deviennent, dans une économie informationnelle ou cognitive, infiniment plus complexes.

Bien entendu, tout processus comporte presque inévitablement ou peut comporter ou peut comporter des effets compensatoires. On sait par exemple que si l'information sert, dans une large mesure, à réduire la complexité, elle crée elle-même de la complexité. En simplifiant (peut-être outrageusement), on pourrait dire que l'on est passé (ou passe) d'une économie (industrielle et énergétique), dans laquelle on pouvait se référer, avec une certaine pertinence, à des notions d'équilibre, voire d'équilibre général, à une économie dans laquelle cette référence a perdu cette pertinence. Ceci reflète bien la nouvelle complexité du système


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


Systèmes de connaissances dans les organisations
Prospective et complexité, modélisation systémique

P. GONOD Conseiller International

9.2

E

Lundi 9 Juin,16h15-18h


La table ronde "Prospective et Complexité" a pour objet de rapprocher la prospective et la pensée complexe, telle que cette dernière a été définie dans les œuvres d'Edgar Morin, de Jean-Louis Le MoigneLe Moigne, et dans les travaux des rencontres MCX. Et comme une des fonctions de la prospective est d'éclairer et aider la décision, cette table ronde avait sa place dans le cadre de la rencontre 1997 placée sous le thème de "la décision en situation complexe".

L'évolution de la prospective montre la nécessité d'intégrer la réflexion prospective dans la pensée complexe. E. Morin n'avait pas tort quand il taxait les premiers prospectivistes, en majorité américains, de "débilité intellectuelle". La dérive caricaturale d'une partie des "Futures studies" américaines renforce ce trait acerbe quand les prospectivistes suivant les tendances du marché, sont de moins en moins tournés vers un renforcement de la rationalité des analyses et de plus en plus vers l'aspect ludique, "visionnaire" des études du futur, la distraction, "l'entertainment". En France, tout au contraire, au début des années 70, un projet ambitieux avait vu le jour sous l'impulsion d'Yves Barel, de hisser la prospective comme une "branche de la sociologie de la connaissance". Ce projet ne pu être réalisé. Par contre à la fin de cette décennie Michel Godet a eu le mérite de mettre au point des outils d'analyse, qui, progressivement, ont été améliorés. Cette tentative, à contre-courant des tendances dominantes, va dans le sens de la rationalité. Il s'agit désormais de développer celle-ci, de passer d'une rationalité cartésienne à celle de la complexité. Quand on se rappelle la richesse des discussions des années 70 et celle des écrits des pères fondateurs français, Gaston BergerBerger et Bertrand de Jouvenel, on est frappé par l'impressionnant recul du contenu conceptuel de la prospective et la liquidation de fait d'une base épistémologique dans la majorité des exercices prospectifs. On peut se demander même, si l'entreprise indispensable d'instrumentaliser la "démarche " prospective, n'a pas eu l'effet pervers inattendu d'un réductionnisme conceptuel.

La prospective est un défi intellectuel immense. Elle est multidimensionnelle, interdisciplinaire, elle porte sur le passé, le présent et l'avenir. Elle concerne des systèmes complexes, des agrégats de systèmes, des hypersystèmes. Il est donc illusoire de l'aborder avec une pensée simpliste. Il s'ensuit que la philosophie de la complexité est le cadre conceptuel, épistémologique, nécessaire qui devrait subordonner les méthodes et les instruments utilisés dans la pratique prospective. Il en découle aussi que tout exercice prospectif implique la construction d'un modèle du système dont on conjecture des futurs. De là une modélisation systémique c'est-à-dire l'intelligence du système, et une modélisation d'anticipation, mixte de déterminismes et de projets. La prospective, on le sait, n'est pas une prédiction du futur mais une anticipation de ce qui peut advenir afin d'éclairer ce qu'on peut faire. Elle est donc espace de liberté, antidote de la pensée unique, de la solution fatale, du chemin inéluctable. Elle est une avancée vers des chemins multiples, ouverts par les volontés des citoyens et les représentations de leur propre avenir qu'ils élaborent "chemin faisant", selon la belle formule reprise par MCX. Elle pourrait donc être une voie de constitution de projets sociétaux, comblant le vide laissé par l'écroulement des grandes idéologies.

La prospective, comme aide à "la décision en situation complexe", requiert, d'une part, d'incorporer l'intelligence décisionnelle dans l'analyse du système, d'autre part, de porter sur des temps opératoires pour la décision, permettant d'articuler les temps prospectifs longs et les temps politiques à court et moyen termes. Ce qui pose le problème en terme de praxéologie politique. Il faut donc remédier aux faiblesses actuelles de la prospective, à son déficit systémique et dialectique, à son statisme, à l'absence des temps des processus, au statut de l'incertitude. De là de multiples thèmes de recherches. Par exemple, ceux des contradictions et des ruptures, des temps des processus sociaux, des prospectives intergénérations, du passage de la prospective au projet, à la décision, de la réflexion prospective à la pensée et à la pratique politiques. Recherche et développement aussi de l'utilisation du graphisme et de l'informatique multimédias permettant la constitution de véritables réseaux et d'ouvrir des débats sur le fond entre tous ceux concernés par la prospective.


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


Prospective et complexité
9.2
La prospective territoriale comme enjeu dans le champ de la connaissance et de la décision stratégique : le cas de la Région Poitou-Charente

G. LOINGER, O.P.I.R., GRISITEC

E

Lundi 9 Juin,16h15-18h


La prospective territoriale et spatiale a-t-elle une légitimité dans le champ de la prospective rationnelle, celle de la prospective stratégique ? Certains en doutent : il suffirait d'appliquer les outils et les savoir-faire de la prospective stratégique aux territoires sans se poser des questions superflues sur les conditions d'application des méthodes de la prospective stratégique aux espaces et aux territoires. Une autre thèse soutient que non seulement ce questionnement est nécessaire en terme de champ d'application spécifique, mais qu'en plus il conduit à repenser la prospective comme instrument d'aide à la décision stratégique.

A son tour, cette interrogation nous conduit à interroger la prospective stratégique du point de vue de ses relations avec la pensée complexe et la théorie des systèmes. La question des territoires devient alors une sorte de "descripteur" des insuffisances de la prospective stratégique du point de vue de la pensée complexe, dont les implications opérationnelles ne sont pas secondaires. En effet, si cette approche échoue à saisir le réel concret de la relation société-économie-territoire, dans ses aspects multidimensionnels, tant du point de vue des échelles spatiales que de la temporalité des processus, on peut se demander si elle ne conduit pas à une impasse, et si elle ne fonctionne pas comme un leurre, comme un "faire-semblant" de la pensée, soit disant au service de l'action stratégique, et en réalité l'expression d'un discours sans prise avec les logiques de la décision.

Ainsi, la question des territoires et de l'espace, loin de n'être qu'un simple épiphénomène, jouerait le rôle de test de la valeur ou de la solidité conceptuelle de la prospective stratégique.

A partir de ce point, il devient possible d'avancer réellement ce qui implique de "déconstruire" (ou critiquer) pour reconstruire sur une autre base. L'hypothèse formulée ici, est qu'une refondation de la prospective autour de la notion de "prospective systémique" peut jouer le rôle de concept pivot autour duquel peut s'articuler le champ de la stratégie, mais cette fois-ci d'une stratégie efficace, car en prise avec le réel-concret : après tout, la pensée n'avance jamais que par essais et erreurs.

Une application de cette orientation sera présentée à l'occasion de l'achèvement de l'étude "Poitou-Charentes 2015", qui a été réalisée pour le Conseil Régional de cette région, en perspective de l'élaboration du nouveau "Projet régional 2000-2005", et pour laquelle J.-P. Raffarin (Président de la Région Poitou-Charentes et de la Commission Atlantique, Ministre des PME, du Commerce et de l'Artisanat) a déclaré : "Avec cette étude, nous pouvons passer d'une prospective à une perceptive...".


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997

Prospective et complexité
Essai sur la décision dans les systèmes politiques locaux 

J.-C. LUGAN, Université de Toulouse I

9.2

E

Lundi 9 Juin,16h15-18h

Le désengagement de l'Etat au travers de la décentralisation et la raréfaction des financements en provenance du centre, ne pouvaient que renforcer la volonté des instances politiques locales de se poser davantage comme acteurs plus autonomes capables à la fois de mobiliser des ressources et de déployer des stratégies. Le contexte dans lequel s'exercent les pouvoirs locaux en France, devient donc de plus en plus complexe; ces pouvoirs eux mêmes se diversifient. L' Etat apparaît de moins en moins comme le régulateur politique et normatif absolu à partir d'un centre. Quels cadres conceptuels et méthodologiques mettre alors en oeuvre pour tenter de saisir une partie au moins de cette complexification de la prise de décision dans les champs politiques locaux ? De ce point de vue la démarche systémique contemporaine nous a semblé constituer une base théorique et conceptuelle utile par son effort pour intégrer la notion de complexité qui implique des imprévisibilités, des incertitudes. Elle tient au caractère ouvert de certains systèmes, notamment les systèmes sociaux. Il faut donc élaborer des modèles et une conceptualisation systémiques échappant aux pesanteurs analytiques, sans pour autant se priver de leur opérationnalité. Plus précisément à travers quels instruments conceptuels systémiques appréhender les instances politiques locales dans une perspective décisionnelle ? Cet objectif cognitif consiste au fond à construire un modèle capable: a) de repérer les éléments ou variables qui concernent plus ou moins directement le champ politique local, les unités actives qui l'animent, leurs interactions et leurs interrelations b) de rendre compte de ces interactions dans une dimension temporelle, c'est à dire dans la suite des séquences ou phases de la décision. La "reconstruction" d'au moins une partie de ces processus pourrait avoir au second degré un objectif pragmatique, c'est à dire permettre aux systèmes politiques locaux de pratiquer certaines formes d'autorégulation ou d'auto-adaptation, voire d'anticipation, par rapport aux stimulations exogènes croissantes dont ils sont l'objet . Ainsi un système politique local peut être considéré comme doté d'une organisation au sens défini par Edgar Morin , c'est à dire un système d'actions irréversibles, récursives, téléologiques que l'on peut tenter de modéliser. Plus son autonomie est grande par rapport aux systèmes politiques extérieurs, plus il doit se résoudre à une double complexification: a) complexification des interdépendances, des interactions, des échanges, entre d'une part les unités actives, les processus de décisions et d'actions des instances politiques locales et d'autre part les unités actives, les processus de décisions et d'actions animant les divers champs ou sous-systèmes composants la collectivité locale.b) complexification des unités constitutives et actives et des processus internes aux SPL; ce type de complexification étant directement lié au précédent.

L'objet de notre investigation a donc consisté: a) à tenter de reconstruire les modalités organisationnelles, les différentes séquences fonctionnelles et stratégiques d'un tel système. b) à considérer les problèmes qui semblent se poser à chacun des points clefs de l'organisation, de chaque séquence fonctionnelle, en prenant en compte les processus de contrôle et de rétroaction et simultanément, dans toute la mesure du possible, les stratégies des divers acteurs individuels ou collectifs impliqués de prés ou de loin dans ces processus de décisions.L'ambition n'est pas de construire un modèle rendant compte au plus prés de la réalité effective des prises de décisions dans les SPL, mais de proposer beaucoup plus modestement un modèle de "rationalité procédurale" de la décision, qui nous parait constituer une sorte de guide implicite des acteurs locaux, guide plus ou moins respecté, interprété, en fonction des cultures, des expériences, des contraintes locales. Les notions de rationalité limitée et de rationalité procédurale (H A Simon), se substituant à la notion de rationalité optimale, nous ont servi de points d'appui.


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997

Prospective et complexité
9.2
Interaction des processus et complexité des techniques

J. PERRIN, CNRS - G.A.T.E.

E

Lundi 9 Juin,16h15-18h


En reprenant la définition de la techné grecque ou celle du mot latin ars qui lui a succédé, on définira une technique comme étant l'ensemble des moyens matériels et immatériels mobilisés par les hommes pour atteindre d'une manière efficace un objectif. Si on essaie de répertorier l'ensemble des facteurs et des moyens qui participent aujourd'hui à la création de nouvelles techniques on peut les classer au sein de six catégories principales ou espaces de nature très différentes : l'espace des objectifs, l'espace des objets techniques, l'espace des organisations, l'espace des connaissances, l'espace des institutions, l'espace de symboles et de l'imaginaire social. L'intersection de ces différents espaces à un moment donné définit l'espace des techniques disponibles et utilisés à ce moment ( la voiture à essence, la production d'électricité par des réacteurs à eau légère, le TGV, la production d'aluminium par le procédé Héroult, la TV procédé Secam,...comme exemples de techniques aujourd'hui utilisées) . Il nous est donc impossible dans cette approche des techniques, de définir la nature des techniques qui sont à la fois des objets techniques (ou artefacts), des objectifs, des connaissances, des normes, des symboles, des organisations, des institutions. La composante artefact tient une place importante dans les techniques de production industrielle, puisqu'elle est le résultat de l'acte technique; c'est aussi cette composante artefact qui permet de différencier la production des connaissances scientifiques et techniques , mais elle ne serait à elle seule définir la nature des techniques. Les techniques ne sont pas des données ou une "essence" qui préexisteraient en dehors des hommes qui les mettent en œuvre pour produire de nouveaux biens ou services, s'il s'agit des techniques de production Pour accéder à l'intelligibilité de la technique, en tant qu'objet complexe, nous proposons d'adopter la démarche de J.W. Lapierre ("L'Analyse de Systèmes, L'application aux sciences sociales"), qui nous rappelle que pour le biologiste Ludwig von Bertalanffy, un des pionniers de l'analyse de systèmes, "étudier la croissance d'un organisme, c'est chercher à expliquer non pas comment se perpétue une structure, mais comment évolue un ensemble d'interactions entre des processus énergétiques, matériels, informatifs qui diversifient et relient cellules et tissus dans la totalité de l'organisme en train de se développer". Le mot système signifie alors un concept plus strictement défini : "c'est un ensemble organisé de processus liés entre eux par un ensemble d'interactions à la fois assez cohérent et assez souple pour le rendre capable d'un certain degré d'autonomie". A partir des postulats fondamentaux de l'approche systémique rappelés par J-L Lapierre et des caractéristiques qui permettent de spécifier les techniques de production par rapport à d'autres, on peut avancer la proposition suivante : c'est l'objectif de concevoir et de produire des artefacts qui permet d'identifier les processus qui constituent le système des techniques de production et de définir ainsi les limites de ce que nous appellerons ici le système technique, par rapport à son environnement. En fonction de la problématique sur la technique présentée précédemment, on définira donc la Technique à un moment donné comme l'ensemble des processus en interaction : processus d'élaboration d'objectifs, de production de connaissances techniques, de changements organisationnels, de changements institutionnels, de production de symboles et d'imaginaire social, mis en œuvre pour la conception et la production d'artefacts (…)

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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


Prospective et complexité
Prospective et processus de décision : le rôle des réseaux de prospective dans la stratégie d'entreprise 

F. ROUBELA, EDF - Mission Prospective

9.2

E

Lundi 9 Juin,16h15-18h


Qu'il s'agisse d'organisation de l'entreprise, de structure du processus de décision ou du développement des nouvelles technologies de l'information et de communication, la notion de réseau s'est imposée dans la littérature et dans les pratiques du management des entreprises. Parallèlement, il apparaît que la réflexion sur la prospective d'entreprise conduit elle aussi à considérer le caractère structurant de la notion de réseau pour l'organisation de l'activité prospective et la contribution de la prospective au processus stratégique de l'entreprise. Aussi, après avoir dans un premier temps mis en évidence la place centrale du concept de réseau en prospective, nous analyserons dans un second temps le rôle des réseaux prospectifs dans le processus stratégique de l'entreprise.

La première partie montre comment la production d'informations prospectives fait largement appel, pour des raisons méthodologiques, à des réseaux d'experts. Elle est de plus susceptible, par les techniques mises en œuvre, de s'organiser autour des réseaux d'information et de communication dépassant le cadre de l'entreprise. L'utilisation des réseaux prospectifs pour la construction collective de représentations d'une part et la modification intentionnelle des représentations des acteurs d'autre part apparaît néanmoins comme ambivalente.

Dans une deuxième partie, la contribution examine plus particulièrement comment l'organisation en réseau de l'activité de prospective est susceptible de s'intégrer dans l'évolution des structures de décision et d'organisation de l'entreprise. A travers l'exemple des entreprises de service public, elle montre que la fonction prospective de changement des représentations dans l'entreprise, notamment à travers la production de scénarios, se trouve facilitée par le caractère peu formel du réseau prospectif, mêlant réseaux d'experts et réseaux de managers, réseaux internes à l'entreprise et réseaux externes, notamment interentreprises. La prospective apparaît alors comme un moyen de changement de paradigme, au sens kuhnien du terme, dans le cadre du processus stratégique de l'entreprise.

(Texte complet disponible auprès de l'auteur)


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997

Prospective et complexité
9.2
Prospective et fonctionnement d'un organisme de recherche : orientations possibles

M. SEBILLOTTE, INRA

E

Lundi 9 Juin,16h15-18h


L'INRA est un organisme public de recherche finalisée. Ses programmes de recherche sont donc, pour partie, orientés par les attentes et les besoins des secteurs économiques qui correspondent à ses missions et par les conséquences de ces activités économiques sur la société. Aussi, la " construction de la demande sociale ", considérée comme opération de négociation entre des acteurs socio-économiques et la recherche pour déterminer un champ d'objectifs communs jugés, à une époque, comme prioritaires, est-elle une préoccupation forte de l'organisme de recherche. Les dirigeants de l'INRA s'intéressent alors à la prospective dans la mesure où ils pensent que les différents futurs possibles des secteurs pour lesquels l'organisme est censé travailler devraient orienter leur politique de recherche. Pour ces raisons, la prospective a des caractères particuliers et se trouve très liée à l'action.

Pour le prospectiviste, la première difficulté provient de l'hypothèse, raisonnable, que l'organisme de recherche produira des résultats utilisables qui influeront et conditionneront, à leur tour, les évolutions possibles des secteurs économiques concernés. L'existence d'interrelations entre acteurs est constitutive des situations socio-économiques et justifie des représentations systémiques. Mais, la recherche n'est pas un acteur comme les autres et la question se pose de la place à attribuer à l'organisme de recherche dans la représentation du système. Dans un travail de prospective sur le secteur des semences et des industries correspondantes, nous avons opté pour sortir, en tant qu'organisme, l'INRA du système dans lequel, par contre, nous avons introduit un processus de production de connaissances. Ce choix, qui peut être discuté, a l'avantage de regrouper les différentes recherches, publique et privée (et donc d'extraire aussi cette dernière des entreprises qui la financent), et d'en faire l'un des moteurs du système.

Deux autres difficultés tiennent aux conséquences du caractère simultané de recherche publique et finalisée. La première, nette dans le cas du secteur semencier, est la nécessité de gérer la recherche publique compte tenu de la recherche privée des grands groupes en pleine expansion, car " orientée " par des entreprises " accrochées " à un marché " porteur ", alors que la recherche finalisée travaille potentiellement pour répondre, au moins partiellement, aux attentes de l'ensemble des entreprises. Mais, ces attentes sont contradictoires et la construction d'une " demande sociale " est difficile. La seconde, peut-être plus importante mais qui lui est liée, résulte de la profonde contradiction qu'un tel statut porte en lui, celle du temps. En effet, les finalités de la recherche ne seront pas les mêmes à court et long terme, il faudrait donc être capable de supputer des scénarios pour les futures " constructions de demandes sociales " et, simultanément, être capable de gérer un flux de production de connaissances qui concilie ces deux horizons temporels, ce qui exige en soi une prospective scientifique spécifique qui se heurte à notre incapacité à imaginer les enchaînements de conséquences d'une " découverte ".

On bute ainsi très vite sur la complexité des systèmes et la multiplicité des dynamiques possibles pour le futur. Aussi, dans le travail évoqué, une fois la représentation du système faite autour de ses moteurs, a-t-on construit des " microscénarios " qui peuvent apparaître, a posteriori, comme autant d'expressions de " demandes sociales ". Pour chacun, on a construit des ensembles de " microstratégies " comme autant de réponses possibles de la part de l'organisme de recherche (…)


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


Prospective et complexité
Prévisions et prospectives : rappels et pistes de fin de siècle

S. WICKHAMWICKHAM, Université de Paris, ISMEA

9.2

E

Lundi 9 Juin,16h15-18h


Multiples exercices d'anticipations sur l'avenir formalisés par la génération d'après guerre : prédictions et paris, prévisions et prospective, projets et plans. Aujourd'hui désenchantement mais aussi confusions sur ces exercices récemment encore si prisés :

1°) Différence épistémologique entre l'exploration prospective et la prévision économique

La longueur de l'horizon n'est pas en cause, outre projections à long terme, la Prospective formalise toutes modalités de vigilance à court terme : veilles commerciales et technologiques. Pour toutes disciplines (sciences physiques aussi bien que sciences humaines) une prévision calcule l'état le plus probable, sur une échéance donnée, d'un ensemble quelconque précisément identifié et analysé. Valable ou erroné, c'est un énoncé objectif qui se veut indépendant de son auteur et des acteurs concernés, fondé sur l'analyse préalable du système observé : donc à quelque degré une extrapolation savante. Une exploration prospective telle qu'identifiée après guerre par ses Pères Fondateurs explore différents cheminements ou scénarios possibles même improbables (Futuribles), intègre les stratégies des Acteurs concernés de manière contingente à l'avenir de son maître d'oeuvre (un gouvernement, une firme), et privilégie les hypothèses de discontinuité c'est à dire changements qualitatifs des structures et systèmes en jeu.

2°) Imprévus fin de siècle et réponses appropriées

Sur 10 dernières années, multiplication de nos inattendus et imprévus : implosion de l'URSS, réunification allemande, sous évaluation du dollard, croissances françaises et européennes ralenties . D'où échecs récurrents de nos modèles de prévisions économétriques à court et moyen terme : notamment en Europe où les plus forts changements de structure sont en cours. Les réponses pertinentes de nos responsables publics ou privés aujourd'hui se confirment dans un couplage renouvelé entre explorations prospectives et analyses stratégiques clairement différents des démarches classiques antérieures de gestion prévisionnelle et programmation nationale.

Conclusion

L'exploration prospective se confirme comme une technique de gestion (publique ou privée) approximative, qualitative et multidisciplinaire: qui semblerait devoir s'imposer plus que jamais à nos responsables au sein d'espaces plus ouverts, plus complexes, donc plus incertains. Elle supplée au moins transitoirement à des calculs prévisionnels scientifiques dont elle prépare le renouveau (les 2 exercices se complètent dans le temps). Elle permet de répondre précisément à notre actuel défi européen de conjonction entre une accélération du changement institutionnel expressément recherché et un ralentissement de la croissance,( largement imprévu sinon imprévisible).


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


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