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Table Ronde

10.1.A

Mardi 10 Juin

9h-10h45
Autonomie - Cognition -

Communication

Animation :

J. MIERMONT (Psychiatre, Paris), P. CHALTIEL (Psychiatre, Paris)
Contributions préparées

P. Chaltiel

(Psychiatre des hôpitaux)

" D'où vient la décision en thérapie familiale "
P. Marchand

(Conseil, Paris)

""Savoir dire ce que l'on sait faire" "
J. Miermont

(Psychiatre des hôpitaux)

" La conception des hiérarchies enchevêtrées comme aide à la décision en situation complexe"
P. Rebstock

(Psychologue, Malzeville)

" Entre illusion et fixation du sens : l'acte de langage comme support de décision thérapeutique "

A. Ret

(Conseil, Igny)

"Une approche systémique d'accompagnement d'un manager en situation complexe "

Notes

Autonomie - Cognition - Communication
10.1
D'où vient la décision en thérapie familiale

P. Chaltiel Psychiatre des hôpitaux

A

Mardi 10 Juin, 9h-10h45


Lors des 5es rencontres MCX sur le thème des stratégies de reliance, j'avais présenté une réflexion épistémologique sur "la double description" dans ses applications au domaine de la psychopathologie et de la psychothérapie (cf. : J'eux (1) : La Double description).

L'intervention que je propose cette année est conçue comme le second volet de cette réflexion systémique : après l'épistémologie de la double description (modalité d'affiliation aux systèmes familiaux privilégiant le "double lien"), il sera question ici de l'éthique du choix et de la technique de pro-vocation qui en est l'instrument.

Je tenterai de montrer que la paradoxalité (inhérente à la double description) n'obère en rien la possibilité du choix, à condition que le thérapeute adopte une position éthique de "partialité multidirectionnelle" (NAGY) sur un mode pro-vocatif, c'est-à-dire : "appelant au devant les subjectivités" (Andolfi).

Chaque description devient alors également valide et la réalité est conçue comme résultante de leur combinatoire et non pas résultat de leur compétition mutuelle.

Les choix de réalités et les décisions qui en découlent émergent alors à un autre niveau logique que celui des descriptions (complémentaires, symétriques ou paradoxales).

Ces décisions réorientent globalement et soudainement (comme les bifurcations dans les systèmes dissipatifs à distance de l'équilibre) l'auto-finalisation du système thérapeutique vers des objectifs de plus en plus simples (choix binaires) mais situés à des niveaux de complexité de plus en plus élevés.

Ces réflexions s'appuieront sur des illustrations cliniques extraites de séances de thérapie familiale.


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


Autonomie - Cognition - Communication
"Savoir dire ce que l'on sait faire"

P. Marchand Conseil, Paris

10.1

A

Mardi 10 Juin, 9h-10h45

1.- Définitions "circomplexes" -

- a) Décision : à partir de deux verbes latins : tomber à terre et juger, trancher - b) Milieu complexe : le passage de l'un au multiple et la définition de Le MoigneLe Moigne (1990) "La représentation active ... ".

2.- Conditions d'existence de la décision en milieu complexe.-

2.1.- Un sujet percevant, ou agent cognitif, est en interaction avec son environnement et celui-ci, en retour lui impose un enchaînement de situations, connues ou non,, auxquelles il doit faire face

2.2.- La décision qui en résulte présuppose un état de crise pour le sujet tel qu'en rapportent R. Thom (1970 et 1989), F. Varela ((1983) et E. Morin (1984).

3.- Hypothèses et conséquences associées pour unecompréhension du concept de décision -

3.1.- Le faire face. - L'homme a une aptitude particulière à passer d'une situation à une autre (survie). Ainsi, faire-face engendre des micromondes, avec des microruptures sous des micro-identités.

Conséquence : comment l'homme décide-t-il du choix de ces dispositions possibles que lui présente son état d'agent cognitif au moment des ruptures ?. Voici quelques points :

- la récurrence de ces ruptures constitue le flux d'une histoire qui s'incarne comme une suite d'états.

- à chaque rupture, l'agent cognitif ne décide pas de ce qu'il sera, mais son choix va dépendre de la prise en compte de l'émergence du système en crise qu'il est en train de vivre.

- en effet, le choix d'une configuration destinée à un faire-face modifie le jeu des interactions, conduit à une autre émergence et se constitue de "sens commun et de configurations autonomes" (Varela 96) qui ouvrent aux possibles de la stratégie optimum.

3.2..- Le principe d'énaction (F. Varela "Connaître" 1989) et conséquences sur la décision.. - "C'est la capacité de l'agent cognitif à faire émerger un monde de pertinence qui est inséparable de son vécu". Le point de départ de la théorie de l'énaction n'est pas le résultat de l'analyse d'un milieu qui préexisterait, indépendamment du sujet pensant, mais l'état de l'agent cognitif représenté par sa structure sensori-motrice (Varela 96). Il s'agit de cet aspect "incarné" (¤ 3.1.) dont le système nerveux constitue l'état des liens entre les aires sensorielles et les aires motrices. Ce nouage montre comment l'action, "décidée", est guidée par la perception. " ... le monde pertinent, de l'agent cognitif, est inséparable de ce qui forme sa structure".

4.- "Le langage est un organe", hypothèse complémentaire et conséquences pour la décision -.

Malgré quelque apparence, il ne saurait être question d'affirmer, ici, que la perception relève du biologique. La distinction reste forte puisque liée au travail de recherche qui couvre, par exemple, l'espace entre la vue et son organe de perception, l'oeil (aspect phylogénétique) et la vision (aspect ontologique) que soutient F. Varela à la suite de D. Marr(1980) ; " ... ensemble de dispositifs anatomiques solidaires qui permettent de fournir une réponse à la question "quoi est où ?" Cette épistémologie des "rapprochements" est féconde.

Dans cette même perspective, J.-C. Milner (1989), rappelle la thèse de l'école de Cambridge (Chomsky et K. Lorenz,), qui jette les bases d'un programme sur : "Le langage est un organe"; thèse complémentée par : "le langage est inné". Hors du feu des discussions suscitées, Il y a, là encore, un essai pour déplacer l'étude des sciences de la perception qui relèvent des sciences humaines, vers le champ des sciences galiléennes comme la biologie (aspect somatique). Là , se constitue notre troisième hypothèse de travail.

5.- "Dire ce que l'on sait faire" - Un élément pragmatique de la décision.

5.1.- Avec les hypothèses du paragraphe 3, ce que l'on a l'habitude d'appeler "décision rationnelle", perd toute sa consistance. Car, le point de départ n'est plus une "représentation" de la réalité mais une stimulation dont l'effet amène l'agent cognitif à se reconstituer. A la limite l'expression, en entreprise :"le droit du prince" est plus proche de notre propos quand il s'agit de l'approche du problème de la décision.

5.2.- Avec l'hypothèse du paragraphe 4, la décision qui relève habituellement d'un être exceptionnel (la compétence)est plus liée à sa capacité de communication (la parole). C'est une autre épistémologie :

- L'agent cognitif doit se mouvoir dans son environnement pour incarner sa propre histoire.

- Au-delà de la linéarité fonctionnaliste, l'histoire personnelle engendre une suite de faire-face où viendra se lover d'autres choix et d'autres décisions ...

- Mêlé à nos sens qui permettent la stimulation de notre monde clos, le langage a un statut particulier. Cet "organe" non seulement tient un discours sur l'environnement et nous en "in forme", mais encore il fonde les conditions d'existence d'une communication avec l'autre. En cela, le "savoir dire ce que l'on sait faire" amorce le principe de la décision en commun. 97
Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


Autonomie - Cognition - Communication
10.1
La conception des hiérarchies enchevêtrées comme aide à la décision en situation complexe

J. Miermont Psychiatre des hôpitaux

A

Mardi 10 Juin, 9h-10h45


Concevoir des hiérarchies enchevêtrées revient à modéliser et générer des formes de relation qui présentent des propriétés des systèmes hiérarchiques et des systèmes en réseau. Il s'agit d'envisager un processus emmêlé d'élaboration mentale d'une configuration, d'un modèle, d'une carte, et le déploiement d'une organisation, l'advenue d'une morphogenèse, la constitution d'un territoire. Concevoir, c'est " réaliser ", entendu dans les deux acceptions conjointes du terme : prendre conscience d'une réalité (réaliser une carte à partir d'un territoire), mettre en acte un projet qui s'inscrit comme réalité socialement reconnaissable et partageable (réaliser un territoire à partir d'une carte). La conception est par exemple ce qui advient lors de la fécondation, qui procède de l'union de deux gamètes, de deux corps sexués, de deux amoureux, de deux projets de vie, de deux systèmes d'appartenance. Ceci implique des hiérarchies à niveaux multiples (échelons, couches, strates) concernant des entités et des processus variés :

- saillances : corps physiques identifiables et reconnaissables par d'autres corps physiques

- prégnances : champs énergétiques (de la gravitation aux émotions) investis par ces corps physiques

- rémanences : transmissions, transformations, mémorisations d'informations : effet de subsistance d'un effet après disparition de sa cause (champ énergétique, excitation perçue, etc.).

Les hiérarchies enchevêtrées permettent de concevoir des ajustements entre hiérarchies et réseaux. Elles opèrent sur plusieurs plans :

- enchevêtrement des formes de hiérarchie et de réseau

- enchevêtrement des tactiques et des stratégies, des boucles lentes et des boucles rapides

- enchevêtrement des positions des acteurs et de leurs capacités de conception, d'organisation, de décision

- enchevêtrement des processus de communication (analogique/digitale), de cognition (assimilation/accommodation) et de décision (spontanée/délibérée)

- enchevêtrement des relations entre personnes et groupes, collectivités internes et externes à l'organisation considérée.

La conception des hiérarchies enchevêtrées dans les situations complexes permet ainsi la mise en oeuvre des processus de recontextualisation et d'autonomisation.


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


Autonomie - Cognition - Communication
Entre illusion et fixation du sens : l'acte de langage comme support de décision thérapeutique

P. Rebstock Psychologue, Malzeville

10.1

A

Mardi 10 Juin, 9h-10h45


Sans remonter au plus loin, mais seulement au XVIIIe et à E. Kant on peut s'apercevoir que les réflexions sur l'illusion n'ont pas cessé, de Schopenhauer à Nietzsche, de Freud à Winnicott et à la Psychologie des perceptions, l'illusion occupe une place à part dans la pensée philosophique et scientifique, jamais au centre mais toujours sous-jacente comme une sorte de passage obligé.

Malgré leurs différences notables toutes ces théories partagent une idée commune : l'illusion serait une sorte de réalité artificielle qui viendrait se substituer à la réalité "vraie". Nos propres réflexions issues du travail clinique et thérapeutique montrent plutôt que l'illusion relie production du sujet et réalité en utilisant des éléments de cette dernière et que c'est la part prise par chacune d'elle et le type d'ajustement opéré qui sont déterminants dans le processus engagé. Le rapport du sujet au monde oscille ainsi constamment entre la construction individuelle et les renvois que l'environnement opposent au sujet. L'illusion devient pathologique quand la construction est essentiellement une réponse visant à éviter le problème qui la sous-tend, quand elle est "garantie" par "l'autre" (conjoint, enfant, groupe d'appartenance...) qui, dans le réel, vient lui fournir une quasi effectivité enfin quand le sujet rentre dans un rapport de fascination à la fiction. L'oscillation se fait alors entre le récit fictionnel défensif et ce que l'illusion sert à éviter, créant un renforcement mutuel qui fait rentrer le système dans une sorte d'aporie défensive.

S'ouvre alors une série de questions : dans quel espace et comment s'organisent ces oscillations qui lient le sujet au contexte ? Comment le récit fictionnel évolue-t-il et se transforme-t-il ? Qu'est-ce qui fonde le passage du Normal au Pathologique ? Que signifie travailler avec l'illusion ?

L'Acte de langage paraît se situer à des lustres de ces réflexions sur l'illusion. Au coeur de la pragmatique des communications, les théories de l'acte de langage visent à la prise en compte des locuteurs, du contexte et des effets du discours, elles reposent la question de la signification en la fondant sur l'utilisation de la langue.

On peut concevoir, comme le fait Searle, les actes de langage dans une perspective essentiellement monologique à partir de la formalisation F(p) (où F représente la force illocutoire, ce que l'énonciation revient à faire, appliquée au contenu propositionnel p) et en tenter la catégorisation à partir de la direction d'ajustement monde-mot qui s'y réalise. Nombre de chercheurs et particulièrement ceux qui sont réunis au Groupe de Recherche sur les communications (Université Nancy 2) conçoivent plutôt l'acte de langage dans une perspective dialogique et interlocutoire. La fixation du sens émerge alors de l'échange entre locuteur et auditeur et nécessite d'intégrer les notions de réussite et de satisfaction de l'acte de langage.

A partir de ces conceptions une série de questions peut, là aussi, se poser : comment la fixation du sens dans l'interaction fait retour pour le sujet dans son univers de croyance ? Comment participe-t-elle de la constitution du groupe d'appartenance ? Comment peut-on l'utiliser ?

Ces deux séries de questions, sur l'illusion et à partir de l'acte de langage, rentrent dans une sorte de résonance dont les effets peuvent fonder de nouvelles réflexions. Elles portent sur l'interface entre le sujet et l'environnement via des "tiers" constitués et permettent d'explorer la complexité, les travailler forment aussi une nouvelle perspective d'appréhension des modalités du changement.


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


Autonomie - Cognition - Communication
10.1
Une approche systémique d'accompagnement d'un manager en situation complexe

A. Ret Conseil, Igny

A

Mardi 10 Juin, 9h-10h45


Parmi toutes les déclinaisons possibles du thème, le choix se porte sur l'expérience du dirigeant d'entreprise, qu'on appelle parfois le " décisionnaire ". Il est par sa fonction dans une environnement complexe sans que sa formation le lui fasse obligatoirement reconnaître : au contraire, cette formation classique l'amène à découper les problèmes et à traiter les morceaux de la façon la plus cartésienne possible. Ce modèle de dirigeant faisait merveille au 19éme siècle, mais de nos jours, les exemples sont nombreux de mauvaises décisions ou de décisions dont les conséquences n'ont rien à voir avec les attentes du dirigeant.

Dialectique du savoir et du faire ?

Ou est le faire en entreprise ? Il y a d'abord celui du patron, du preneur de décisions, celui qui nous préoccupe ici ; mais ce dernier est en fait dans un réseau de " faire " divers et variés, réseau de nature complexe : les acteurs qui partagent des parcelles d'autorités voulues et ceux qui agissent différemment des ordres et jouent le rôle de filtres. Dans une approche non systémique, on parle des niveaux de décisions, des décisions collégiales, etc. mais, si nous décidons que nous sommes dans un environnement complexe, le vocabulaire et les concepts seront différents. On parlera flux, boucles, modélisation,...

Il en va de même pour le savoir lié à l'entreprise. Il y a le savoir " politique " fait des informations avancées recueillies dans un réseau de relation inter personnelles et le savoir technique fait de formation, d'expérience et de mise en valeur des dons de chacun. Les différents " savoir " forment aussi un réseau.

Ces deux réseaux inter-réagissent par couplages multiples ou simples formant un réseau complexe mixte. Tout le monde peut constater qu'en entreprise (distinguer PMI et grands groupes), le faire de haut niveau est souvent disjoint du savoir, alors que le faire pratique est souvent conjoint au savoir (exemple : décrets d'application ). Cela veut dire que les couplages entre les deux réseaux sont de type ou de nature variable en fonction des noeuds envisagés.

Quelle approche d'accompagnement peut-on envisager pour aider un dirigeant? En voici une à titre d'exemple : D'abord lui faire décider qu'il est devant une situation complexe et l'aider à la modéliser. Ce résultat peut être obtenu par des techniques diverses dont l'effet miroir. A partir de là, une équipe pluridisciplinaire, réfléchit, en particulier avec l'aide du modèle, aux effets des décisions envisagées. C'est l'effet synergie. Le miroir est dans une boucle du faire et la synergie dans une boucle du savoir d'où la dialectique du miroir et de la synergie. Bien d'autres approches existent ou existeront.

En conclusion, les réflexions et modèles de l'Entreprise devraient-ils ou pourraient-ils être pratiqués dans les administrations, les fonctions publiques, la Recherche, etc. ?


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


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