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Table Ronde

10.2.D

Mardi 10 Juin

14h15-16h
LES DITES SCIENCES DE L'ÉDUCATION, "ANALYSEUR" DES AUTRES SCIENCES

LA SCIENTIFICITÉ AU RISQUE DES INTERROGATIONS CRITIQUES ANTHROPO-SOCIALES

Animation :

J. ARDOINO (Université Paris 8), G. BERGER (Université Paris 8)
Contributions préparées

J. ARDOINO, G. BERGER

(Université de Paris 8)
" Du discours et des faits scientifiques dans les dites sciences de l'éducation "

A. R. BALZA

(Corrientès, Buenos Aires, Argentine) :
" Construire le futur et gérer dans la complexité "

A. DE PERETTI

(D.R. honoraire I.N.R.P., Paris)
" Comment une science de l'éducation, par définition toujours en construction, pourrait-elle se garder de faire place aux théories constructivistes ? "

C. PEYRON BONJAN

(U. de Lyon I)
" La prégnance des inscriptions paradigmatiques comme freins de la pensée complexe en sciences humaines "

P. PURROY CHICOT

(Conservatoire Supérieur de Musique de Saragosse, Espagne) :
" Du savoir intéressant le fait décidable (simple) au fait du savoir indécidable (complexe) "

Notes

Les dites Sc. de l'Education, "analyseur" des autres sciences
10.2
Présentation de la table ronde

D

Mardi 10 Juin, 14h15-16h


La suspicion, quand ce n'est la dérision (SOKAL) suivie des attaques en règles (académie des sciences) contre les constructivismes et plus généralement contre la prétention des sciences humaines et sociales à dire quelque chose de l'institution et des pratiques scientifiques ouvrent actuellement un débat, consacrant du même coup un retour de la philosophie pour ré-interroger la scientificité.

Selon nous la question doit être posée concurremment et simultanément sur 3 plans :

- Le premier est celui de l'autonomie ou de l'"extraterritorialité"(Michael Polanyi) du monde scientifique, voire de chaque discipline pour lesquelles prétendre constituer une sociologie des sciences reviendrait à disqualifier celles-ci. Le modèle poppérien de la scientificité conduit à une auto-référentialité. Il devient donc scandaleux qu'une science, par ailleurs" molle" et de ce fait "non falsifiable" ait l'outrecuidance de questionner les fondements de ce dont elles n'ont aucune légitimité à connaître. La science canonique peut se trouver l'élégance de manifester son incomplétude radicale avec le théorème de Gödel; elle peut reconnaître l'existence de changements paradigmatiques mais à la condition que l'essentiel soit préservé : seuls les scientifiques d'un épistème donné ont le droit de s'examiner et de formuler des paradigmes.

- Le second est encore plus épistémologique car il ne fait plus référence seulement à l'autonomie de la communauté scientifique mais il renvoie à l'autosuffisance théorique et conceptuelle de toute élaboration scientifique.

Parler d'une construction du réel, c'est parler d'une construction de la science, et, donc, admettre un enracinement psychologique et sociologique, anthropologique, du savoir. En proposant de constituer une épistémologie génétique Piaget, même s'il se réfère à des modèles canoniques de la scientificité devient en quelque sorte "un ennemi de l'intérieur" puisqu'il substitue aux classifications logiques d'un Auguste Comte une genèse conceptuelle qui fait de la psychologie génétique le juge "en boucle"du développement scientifique. Du coup le systèmisme lui-même né hors de l'école piagetienne, mais auquel Piaget se réfère déjà explicitement devient également menaçant.

- Le troisième plan, à l'inverse, repose sur le postulat d'une réalité hétérogène, autant que sur la reconnaissance argumentée de cette hétérogénéité puisqu'il comprend l'affirmation transdisciplinaire d'un pluriel qui n'est plus, comme à l'accoutumée, accidentel, provisoire, pathologique, en attente d'unification, mais expérience inépuisable d'altérité et qui, du même coup rend vaine toute autre attente transconceptuelle. Du coup se trouve contrebalancée la recherche de théories unificatrices dont la science après la métaphysique et la philosophie conservent toujours quelque nostalgie.

Plus profondément encore cette reconnaissance de la pluralité, reliant le politique (praxéologique) et le scientifique conduit :

- à définir la scientificité autant par le positionnement de l'observateur, le dispositif d'observation que par les caractéristiques supposées de la chose observée,

- à proposer de travailler sur une complexité qui ne serait en aucun cas à ramener à une analyse (combinaisons d'éléments),

- à affirmer la possibilité d'approches multiples ayant toutes, mais diversement, le souci de la rigueur, même si ces rigueurs ne sont pas réductibles les unes aux autres, ayant toutes également l'obligation de rendre compte de leurs démarches.

Les sciences de l'éducation, parce qu'elles se référent toujours en même temps au praxéologique, aux valeurs, et, donc, parce qu'elles ne peuvent pas faire l'économie de l'implication du chercheur et des praticiens, parce que leur objet, les situations éducatives, ne peut relever que d'une approche en termes de complexité, parce que enfin du simple fait de la multiplicité des acteurs-auteurs, elles ne peuvent pas ne pas être pluri-référentielles, deviendront un analyseur pertinent des autres disciplines.

L'atelier tentera de développer cette problématique plurielle à travers les contributions de ses participants.


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


Les dites Sc. de l'Education, "analyseur" des autres sciences
Construire le futur et gérer dans la complexité

A. R. BALZA Corrientès, Buenos Aires, Argentine

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Mardi 10 Juin, 14h15-16h


(traduit de l'espagnol par N. Vallejo GomezGomez)

Intégrer l'opposition complémentaire entre le savoir et le faire, pour faciliter à l'avenir une gestion dans la complexité, cela se présente, selon notre point de vue, sur trois voies possibles : le solipsisme, l'hétéronomie et l'autonomie. Dans la première, il suffirait d'énoncer le nouveau paradigme, de professer la complexité, de pratiquer la transdisciplinarité et de l'administrer comme des prêtres du troisième millénaire. Dans la seconde, l'on considère que tout est déterminé d'avance par les grands centres du pouvoir mondial et ses produits : la globalisation, les modèles mondiaux, les nouvelles techniques de communication, etc.. En ce sens, l'action individuelle est dépourvue de signification et de responsabilité. La troisième voie est celle de l'autonomie. Il s'agirait de faciliter sur la planète l'émergence des expériences diverses sur la gestion dans la complexité. Celles-ci s'auto-reproduiraient. Dans ce sens, l'on proposera l'étude des expériences suivantes :

1. S.I.N.P.R.I.I. (Système Intégré de Gestion des Ressources Humaines). B.I.D. (Banque Inter américaine de Développement). République du Paraguay. Ministère des Finances. C.T. Recherche et Développement.

2. Maison de la solidarité : Groupe de députés argentins. Réseau d'organisations non gouvernementales pour la participation sociale. C.T. Recherche et Développement.

3. Centre culturel de la coopération : Mouvement coopératif (Argentine). C.T. Recherche et Développement.

4. Complexité : Publication trimestrielle. Association pour la Coopération Internationale (A.C.I.). C.T. Recherche et Développement.

Il convient, en outre d'indiquer qu'il ne s'agit pas ici de vendre la "nouvelle formule" ou le nouveau "management hit". Par ailleurs, ces expériences ne manquent pas de ressources. Ce qui fait défaut, en revanche, c'est de rendre plus aisée l'émergence des organisations capables de proposer des solutions inédites aux problèmes détectés par la construction de l'avenir, en vue de la gestion dans la complexité. Il s'agirait de surmonter les structures et les mécanismes qui nous enferment dans leurs frontières et dans des modes de pensée obsolètes. Il s'agirait, enfin, de développer une société planétaire digne de ce nom, de promouvoir la construction communautaire du futur, d'affermir la prise de décision, de diminuer le coût social et d'améliorer la qualité humaine sur notre planète.


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997

Les dites Sc. de l'Education, "analyseur" des autres sciencess
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Comment une science de l'éducation, par définition toujours en construction, pourrait-elle se garder de faire place aux théories constructivistes ?

A. DE PERETTI D.R. honoraire I.N.R.P., Paris

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Mardi 10 Juin, 14h15-16h


Qui "dit" sciences, dénotées adéquatement comme démarches de recherche, "dit" nécessairement, à leur terme, construction de nouvelles théories plus ou moins englobantes : par ré-exploration de données et élaborations antérieures, et par combinatoire de celles-ci avec des références neuves et des faits émergents (plus ou moins inattendus), saisis grâce à de nouvelles méthodes et techniques. La scène actuelle où se joue la quête de scientificité n'est toutefois plus celle d'un déroulement et dénouement "classiques" : elle se dispose comme un lien chaotique (Prigogine) labyrinthique, astreignant à des démarches "baroques" pour conjoindre des hétérogénéités irréductibles, par la construction de modélisations complexes résistant à des inerties de fermeture.

Qui "dit" éducation, insérée dans l'enchevêtrement d'interférences culturelles multiples et antagonistes [esthétiques, éthiques, scientifiques, technologiques, anthropologiques], "dit" aussi (même si elle est lente), construction de savoirs scolaires ou scolastiques en des rapports plus ou moins congruents avec la société soumise à des mouvements accélérés et la civilisation en gestation difficile, cette construction est provoquée, plus ou moins souterrainement par une tectonique de "plaques" de rationalité (Michel Serres) qui s'entrechoquent, remodelant insensiblement, par à-coups, le paysage éducatif.

La multiplication (ou l'imbrication réciproque), l'une par l'autre, de ces deux entités processuelles, sciences et éducation, ne peut manquer de complexifier les échafaudages approximatifs édifiés entre les savoirs savants et les connaissances socialement (ou institutionnellement) transmises. La double croissance des références hétérogènes et des incertitudes (ou indécidabilités), dans le champ des sciences de l'éducation comme dans celui des autres sciences, appelle alors une stabilisation, une "culture", par l'éclairage des conceptions constructivistes. En retour, les sciences de l'éducation peuvent offrir une représentation analysable des soubresauts et des hiatus résultant de l'évolution sismique des conceptions scientifiques, telle qu'elle s'est déroulée au XXe siècle.


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997

Les dites Sc. de l'Education, "analyseur" des autres sciences
La prégnance des inscriptions paradigmatiques comme freins de la pensée complexe en sciences humaines.

C. PEYRON BONJAN Université de Lyon I

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Mardi 10 Juin, 14h15-16h



Dans le débat classique de l'histoire des idées, on sait combien les inscriptions temporelles jouent comme écran ou impossibilités de comprendre les novations des auteurs. Preuve en est Kant qui croyait être réveillé de son "sommeil dogmatique" par Hume alors qu'il inscrivait encore ce dernier dans la confrontation empirisme-rationalisme sans s'être aperçu comme Husserl le fera que ce dernier bousculait définitivement la séparation "sensible-intelligible" et, par là même, le paradigme classique de la représentation dans lequel s'imprime toute la Critique de la Raison pure . Kant dormait encore dans le dogme du moment !...

Or, lorsque Bachelard réclame une épistémologie non cartésienne détruisant définitivement la notion de simples en prônant le complexe, il surenchérit sa demande de la nécessaire distorsion des couples antithétiques de la métaphysique (objet-sujet, pensée-réalité, vrai-faux...). Cette échappée hors des "allants de soi" a-t-elle été opérée ? Certes le balancier de l'histoire de la pensée actuelle privilégie plutôt le principe de falsifiabilité à la vérité, le relativisme à la certitude, la pluriréférentialité à la monoréférentialité...mais ces préférences ne sont-elles pas encore seulement l'envers de la médaille de Janus d'un même paradigme ?

Du point sur une droite à la structure dans un système et enfin à l'enchevêtrement des systèmes complexes, n'a t-on pas seulement ouvert vers l'hyper-complication les références premières ? D'une logique de la séparation (sommation d'unités) à une logique de l'immanence ("unitas multiplex") est-on sorti du débat classique : fini-indéfini-infini, même si on unit ces rationalités de manière Hegélienne ou même encore si on les plie comme l'indique Deleuze dans son livre à propos de Leibniz ?

Si la langue de désignation se doit d'être abandonnée afin de dire le complexe, comment l'exprimer ? Une langue dialogique le peut-elle malgré l'opacité ? Comment ? Une redéfinition de la dialogie s'impose pour ne pas la confondre avec une union potentielle des complémentaires habitant l'ancien mode de pensée dialectique.

Afin que la pensée complexe ne demeure pas une simple propédeutique au dépassement de la pensée linéaire mais un autre paradigme et afin de répondre aux attaques de J.P.DupuyDupuy contre la notion de complexe, nous tenterons lors de la table ronde de discuter à propos de ces interrogations.


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997

Les dites Sc. de l'Education, "analyseur" des autres sciences
10.2
Du savoir intéressant le fait décidable simple au fait du savoir indécidable complexe

P. PURROY CHICOT Conservatoire Supérieur de Musique de Saragosse, Espagne

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Mardi 10 Juin, 14h15-16h


On dit que le savoir a déjà osé (appris à ?) agir - à faire - sur des situations paradoxales. Ce savoir est associé à la complexité, au "savoir complexe". Ceci en effet est apparu, plutôt que comme un mode, comme un guide d'agir - de faire -. Mais là ce sont uniquement les situations qui sont paradoxales, le savoir ne l'est pas. Car ce dont on a besoin en plus c'est le faire, la forme paradoxale pour le savoir. C'est à ce moment-là que le savoir transmettrait au faire l'information de comment faire, non pas sur le paradoxe, mais déjà à partir du paradoxe. Mais cette situation proposée pour le faire et le savoir est en elle même paradoxale. Il paraît que le savoir a déjà dû transmettre cette information au faire, seulement, afin que le faire produise (fasse) dans le savoir précisément le savoir qu'il doit transmettre au faire. Mais même en marge de ceci, j'insiste, ce n'est pas la même chose d'agir sur le paradoxe qu'utiliser le paradoxe pour agir . Et si cela arrive en ce qui concerne le faire sur des choses autres que le savoir : ce n'est pas la même chose d'utiliser le savoir pour agir (faire) sur le paradoxe qu'utiliser le paradoxe pour agir (faire) sur le savoir. Et le cercle récursif reste déjà là, proposé pour que le dernier savoir, le seul complexe avant encore la fermeture, se referme, c'est-à-dire, s'intègre sur le premier pour le faire efficace. Car le premier, avant la fermeture, est encore là un savoir simple avec seulement la provision de courage qu'il faut pour ne pas éluder, pour affronter le paradoxe. Rien de plus. Cependant, il y a une autre valeur à considérer déjà dans ce pas-là, et c'est le fait même que c'est grâce à lui que nous avons su cette autre direction. Mais maintenant, situés devant elle, que faire?, comment la faire, et ainsi obtenir que dans le même acte elle se retourne, elle s'intègre sur la première et intègre un savoir dans un autre?; que faire si, comme j'ai vu, l'action -le faire- double entre le savoir et le faire n'offre pas du temps aux faire entre eux?. En effet, que faire lorsque la question sur qui doit agir avant, le faire sur le savoir, ou le savoir sur le faire, est indécidable?. Que faire lorsque l'indécidabilité passe de la décision sur une question (souvenons-nous de la conclusion godelienne d'indécidabilité), à la raison de la question sur laquelle il faut déjà décider? Là il paraît que les problèmes augmentent: apparaissent entretissues la décidabilité et l'indécidabilité mêmes: il faut décider sur l'indécidabilité! Mais si à partir de Godel (et à partir de la musique), le savoir, et de lui-même, s'est trouvé en effet attrapé dans cette indécidabilité (de laquelle le savoir n'a su pas encore que faire pour en sortir), à partir de quelle décidabilité peut décider le savoir, quand c'est son propre décider -entre beaucoup d'autres choses- ce qui se voit là-même mis en question? En le disant d'une autre façon, peut-il décider même cette indécidabilité? En effet, d'une part il peut, car il peut ne pas répondre, mais d'autre part il ne peut pas, car en effet sa propre décidabilité est là mise en question. Mais il y a là déjà quelque chose de différent qu'on peut au moins sentir dans cette nouvelle indécidabilité sur la propre indécidabilité. Quelque chose a changé car cette duplication sur l'indécidabilité ne nous retourne pas simplement au début comme si rien ne s'était passé, comme le faisait par exemple la négation agissant sur la négation. Mais elle ne nous laisse non plus attrapés dans cette simple indécidabilité. Nous sommes déjà dans un autre lieu. Mais encore, pourrions-nous suivre depuis là un peu plus en avant pour essayer de répondre à ce "que faire" qui avait surgit à partir et sur le cercle et qui nous a conduit jusqu'ici? Ou même, ce "que faire" n'est-il pas déjà ce suivre que j'ai suggéré et qui a commencé à partir de ce même "que faire"? Si je dois décider, je dirais: sans doute. Et ce "sans doute" se rapporte déjà à la fois à mon propre décider. Et c'est que je sens que je suis en train de décider à partir d'un autre lieu, car en plus et surtout, entretissu dans tant d'indécidabilité, en quelque façon je sens qu'à la fois je suis en train d'indécider. Et ceci même en marge de savoir maintenant ce que cela peut vouloir dire: par exemple, simplement être en train de savoir de l'indécidabilité ou/et être en train de savoir de/déjà un autre type de savoir.

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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


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