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n° 32 Juillet 1998
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Retiendra-t-on l'attention par ce titre apparemment provocant ? Telle est son intention. Peut être faudrait-il ici parler de réforme de la Compréhension, puisque Locke, qui proposait déjà, en 1690 , après Spinoza (le "Traité de la Réforme de l'Entendement" paraît en 1677), et avant Leibniz (les "Nouveaux Essais sur l'Entendement Humain", en 1704), un célèbre "Essai sur l'Entendement Humain", écrivait (dans l'original anglais) : "Compréhension" ("An Essay concerning Human Understanding") ? Car c'est bien à la Compréhension que va, trois siècles après, s'attacher Edgar Morin dans un Manifeste qui paraît le 18 juin 1998 (dans le journal "Le Monde" daté du 18.06.98).
Coïncidence sans doute, mais le hasard parfois suscite ces rencontres
espérées : la valeur symbolique pour les citoyens de la
Terre-Patrie que nous sommes tous, de cet "appel à la
compréhension" de la complexité de la condition humaine,
est si manifestement pertinente pour nos civilisations en quête de
repères intelligibles, que l'on veut tenter sans relâche de
l'entendre et de la comprendre.
Certes, pour ceux d'entre nous qui s'efforcent d'être attentifs à cette "éthique de la compréhension" que plaide Edgar Morin et avec lui tous ceux qui, dans toutes nos cultures, s'efforcent de "travailler à bien penser" (Pascal) en entendant "la complexité de la vie, du monde et de l'éthique elle même", ce manifeste, suscité par l'événement, ne constituera pas une révélation soudaine. Mais l'audience que connaît et que peut connaître cette réflexion enracinée dans le terreau d'une immense expérience, celle de nos "sociétés civiles" (ainsi G.Vico désignait-il les sociétés humaines tentant sans cesse de "se civiliser" !) cherchant à comprendre, à connaître, à se cultiver, à donner sens délibéré à leurs actions, cette audience d'un moment ne peut elle constituer pour nous une opportunité ?
L'analogie avec "le traité pour la réforme de l'entendement" de Spinoza n'est-elle pas suggestive ? : la parution de ce livre en 1677 n'allait-elle pas susciter une sorte de renouvellement de nos formes de compréhension et de civilisation ? Un peu, révérence gardée, comme l'appel du 18 Juin 1940 allait rendre pensable puis possible une autre conception du rapport de chaque citoyen à la société civilisée ?
Ce manifeste d'Edgar Morin a pour prétexte, on le sait sans doute, le bilan qu'il tire de l'expérience d'un rapport public qu'il eut à animer sur les "réformes du savoirs pour les enseignements supérieurs et secondaires français", expérience qui associa de nombreux citoyens et qui révéla une sorte de potentiel d'intelligence que les institutions et les corporations ont sans doute grand mal à entendre : l'incompréhension rend si difficile la compréhension !
Peut-être est-ce là que réside aujourd'hui une des vocations
que peut se proposer le Programme Européen Modélisation de
la Complexité ? : S'efforcer, sans découragement, de susciter
des oasis de compréhension de la complexité dans nos
cultures, nos institutions professionnelles et politiques, nos multiples
médias, nos systèmes d'enseignement
"On ne convainc
pas un nazi avec des arguments raisonnables", observe le philosophe R.
Rorty, mais on peut parfois le faire hésiter dans ses certitudes de
haine et de mépris par la chaleur convaincante du témoignage,
de l'attention, de l'entendement ouvert... ne serait-ce qu'en cherchant à
comprendre plusieurs langues. "uvres qui sont, écrit
Edgar Morin, des écoles de la complexité où l'on
découvre la multiplicité intérieure d'une même
personne, les transformations de personnalités emportées dans
le torrent des événements et, par là-même, des
écoles de la compréhension humaine
introduisant aux
émotions esthétiques, aux émerveillements, aux
émotions poétiques
"
"Il n'y a pas, nous rappelle-t-il aussi, de processus
déterministe inéluctable vers un progrès
nécessaire
Il n'y a pas de lois de l'histoire, mais une dialectique
entre l'économique, le sociologue, le technique, le mythologique,
l'imaginaire. Il n'y a plus de progrès promis ; il ne peut plus advenir
que par l'action volontaire et consciente des humains". Ne pouvons-nous
former en interactions collectives innombrables à une citoyenneté
qui nous fasse capables d'affronter les problèmes de notre temps,
capables de comprendre (de "modéliser intelligiblement") les
systèmes perçus complexes dans lesquels nous intervenons sans
cesse, solidaires et responsables ? Ce défi donne sens à notre
entreprise apparemment incongrue et joyeusement démocratique : nous
tentons ensemble de ne pas mourir idiots.
J.-L. Le Moigne
Ce numéro 32 de "La Lettre MCX CHEMIN-FAISANT" inclut à nouveau
la fiche (jaune) de (renouvellement de) la cotisation à
l'Association du Programme Européen MCX à l'attention
des participants qui ont oublié de la régler lors de l'appel
de mars 1998. En la règlant dès que possible avec son montant
(200 F. minimum en 1998), nous contribuerons à donner sens
éthique et civique à notre projet scientifique et culturel...
Les membres de l'Association pour la Pensée Complexe (qui
rayonne en particulier en Amérique et en Asie, qui reçoivent
également "La Lettre Chemin Faisant MCX-APC"), recevront dans quelques
mois l'appel à cotisation 1998 de l'APC (du même montant minimum),
du fait du décalage initial de date de constitution des deux Associations
(en attendant que nous harmonisions les procédures... !).
P.S. : La Lettre CHEMIN FAISANT est l'organe d'expression interne
de nos Associations.
On ne s'y abonne donc
pas : elle ne constitue pas une prestation de service
rémunérable
; mais on contribue à l'audience de leur projet en cotisant à
l'AE. MCX
(ou à l'APC).