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"... Que sera le prochain pas ? "
Que sera le prochain pas ?, mon prochain pas ? Que faire, ici et
maintenant ? L'action que nous allons entreprendre est-elle déjà
déterminée, programmée, nécessaire parce
qu'imposée ? Fut-elle déjà essayée avec
succès ? Ce succès, par rapport à quelles fins
l'évaluons-nous ? Ces fins sontelles subies, ou
pré-déterminées ? Ou pouvons-nous, et voulons-nous,
concevoir d'autres fins, inventer ingénieusement d'autres actions,
d'autres moyens ? Puis, pas à pas, les choisir, agir, faire et
connaître ainsi souvent le plaisir de faire ?
Trouverons-nous alors quelque science qui nous aide à prendre conscience de ces possibles, à moins qu'elle ne nous contraigne à assumer consciemment telle unique nécessité ou telle unique finalité ? Questions ancestrales, que chaque être rencontre entre foi et raison, et parfois entre leurs extrêmes, intégrisme débilitant et rationalisme délirant, sources de tant de barbarie.
Questions dont chaque culture et chaque siècle renouvellent les termes.
Edgar Morin nous le rappelait il y a peu en évoquant un propos du
philosophe tchèque Patocka : " Cela se manifeste par
ce que Patocka appelle la "problématisation permanente". Autrement
dit, non seulement il n'y a pas eu d'arrêt dans l'interrogation du
problème général (qui sommes-nous, qu'est-ce que le
monde, la nature, le réel ?), mais cette problématisation
a été très riche. C'est à elle que nous devons
la rationalité, non seulement la rationalité critique, mais
la rationalité autocritique... "
Cette "problématisation permanente", ne nous importe-t-il pas de la poursuivre avec plus d'attention encore aujourd'hui, à l'heure où les institutions que nos sociétés démocratiques ont formées semblent nous imposer tant de " dénis de la complexité ". Complexité que pourtant nous percevons sans cesse devant tant de nos actes, avec une angoisse parfois insupportable lorsque nos actions et nos choix sont collectifs et que nous les voudrions collectivement et effectivement délibérés.
Les exemples de ces dénis de la complexité sont innombrables
dans nos vies quotidiennes, et parfois terrifiants dans nos vies citoyennes
: spéculation financière internationale facilitant le blanchiment
de l'argent sale, traitement des déchets nucléaires compromettant
le développement durable, organismes génétiquement
modifiés compromettant la bio diversité de la planète,
négation ou exclusion de la dignité humaine contredisant nos
appels à un "monde responsable et solidaire", inculture
épistémique de tant de scientifiques et d'experts compromettant
l'élaboration des "politiques de civilisation",...
Chacun, chaque jour peut citer quelques nouveaux dénis de la
complexité auxquels il vient d'être sensible, s'indignant en
silence de son incapacité à relever de tels défis, alors
que nous clamons les merveilles de la raison humaine. Hier
"héroïque", ne redevient-elle pas "barbare" ? Ces
problèmes ne sont-ils pas pourtant créations humaines ?
Les ayant suscités et les percevant maintenant dans leur intensité,
ne serions-nous pas capables de les comprendre et parfois de les transformer
assez pour " civiliser " notre planète ? " La
société humaine est son uvre à
elle-même " nous rappelait G.Vico il y a trois siècles,
méditant sur l'histoire des sociétés humaines se civilisant
et se détruisant, entre " corso et ricorso ", entre
" l'héroïsme de la pensée " (ou de la
raison :"mente eroica") et " la barbarie de la
réflexion " (ou de la raison).
Cette incapacité, et cette indignité, pourtant ne sont pas nécessairement fatalité. On se souvient peut-être de la méditation de Pascal : " L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature, mais c'est un roseau pensant... Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C'est de là qu'il nous faut relever, et non de l'espace et de la durée, que nous ne saurions remplir. Travaillons donc à bien penser, voilà le principe de la morale "
" Travaillons donc à bien penser ", est-il aujourd'hui
devise plus pertinente pour exprimer cette intelligence de l'action humaine
s'entendant dans sa "praxis", autrement dit dans sa tension pour tenter
de comprendre "ce qu'elle fait", de se percevoir ni erratique ni fatale mais
intentionnelle, délibérée, consciente au moins de ses
propres aveuglements et de l'incertitude de ses effets dans les contextes
dans lesquels elle s'exerce.
Cette intelligence de l'action humaine ou de la praxis, que nous désignons
volontiers aujourd'hui par "la Pragmatique", (en tentant ainsi de
rendre au "pragmatisme" les lettres de noblesse sémantique
que lui avaient données ses pères fondateurs Nord Américains,
W. James, J. Dewey,...), ne symbolise-t-elle pas notre projet civique
autant que scientifique ? Projet qui appelle cette "nouvelle
réforme de l'entendement de la complexité" à laquelle
collectivement... et pragmatiquement... nous voulons contribuer.
Sans doute nous faudra-t-il d'abord " procéder au nettoyage préalable de la situation verbale ". Le pragmatisme a mauvaise presse tant on l'a utilisé pour travailler à "mal penser", en lui attribuant le pervers et stérile pseudo machiavélisme de la formule : " la fin justifie les moyens ". Interprétation qui dénie le " principe d'action intelligente ", sur lequel les pragmatistes du début du siècle nous invitaient à méditer : Comment, dans l'action, les moyens souvent transforment les fins qui, à leur tour, suggèrent quelques nouveaux moyens.
" Nous voilà au rouet ", disait Montaigne, lorsque nous nous attachons à "bien penser", autrement dit, à penser nos projets et nos actes dans leur complexité, leurs contextes, leurs intentions, leur réciprocité. Relier sans cesse l'élaboration des fins et l'invention ou le choix des moyens, plutôt que les séparer, dans nos esprits comme dans nos institutions, s'interdire même cette simplification mutilante origine de tant de barbaries, n'est-ce pas le projet de ce "nouvel entendement" qui ne veut plus disjoindre la Pensée et l'Action, l'Épistémè et la Praxis ?
Un entendement qui veut " comprendre, prendre avec ",
appréhender la pensée dans l'action et l'action dans la
pensée ; un entendement qui soit
"compréhension" : Le célèbre essai de
J. Locke (1690) " An essay concerning human
understanding "ne fut-il pas traduit dès 1700 sous le titre
" Essai sur l'entendement humain " ?
La Pragmatique aura-t-elle meilleure presse que le pragmatisme ? Les
linguistes protesteront peutêtre pour cet emprunt à C.
Morris qui introduisait en 1938 " l'idée d'une pragmatique
dans la théorie du langage ". Mais ils nous accorderont que,
même dans ce contexte disciplinaire, la pragmatique constituait
" une voie d'accès privilégiée à une
juste compréhension du langage ". Compréhension du
langage, compréhension de l'action, compréhension de l'autre,
compréhension du contexte et du projet. Compréhension qui est
intelligence de l'action nous introduisant à l'action intelligente,
celle qui s'exerce à la recherche de " ce que sera le
prochain pas ", attentive à ce qu'il interdit
irréversiblement autant qu'à ce qu'il permet ou rend possible.
Edgar Morin, méditant sur l'intelligible complexité et la
pragmatique faisabilité de nos entreprises de connaissances des conditions
de notre praxis, nous invite à une " éthique de la
compréhension " : " une éthique qui n'impose
pas une vision manichéenne du monde, éthique sans fondement
autre qu'elle-même, mais qui a besoin d'appui à l'extérieur
d'elle-même ". N'est-ce pas à cette
" reliance " de l'éthique de la compréhension
et de l'action intelligente que la Pragmatique s'entendant " Science
et Conscience de la Complexité " nous incite aujourd'hui
à nous attacher avec " l'obstinée rigueur "
(" ostinato rigore ", Léonard de Vinci) de
l'imagination ingénieuse et créatrice de celui qui
" travaille à bien penser ", sachant que
" toute idée porte en elle, dans sa rétine conceptuelle,
une tache indélébilement aveugle. Le but du discours
théorique n'est pas de faire clarté sur tout, mais de voir
malgré et avec la tache aveugle " (E. Morin).
Les réflexions que nous avons développées ces
dernières années lors des Rencontres du Programme Européen
MCX, nous incitent à privilégier maintenant la restauration
de l'intelligence de la Pragmatique entendue dans sa
Complexité pour enrichir notre entendement : On se souvient
des thèmes qui retenaient notre attention et sur lesquels nous nous
exercions à bien penser ! " Intelligence Stratégique
de la Complexité " (1994), " les Stratégies
de Reliance " (1996), " Reliance des Faire et des
Savoirs " (1997), et cette année, le Grand Atelier sur
" la Coproduction de Connaissances Actionnables "
autant de questions emboîtées qui nous incitent à nous
exercer à cette réforme de l'entendement que symbolisent pour
nous la Modélisation de la Complexité et la Pensée
Complexe : Pragmatiquement, une Ethique de la Compréhension dans
l'Action et en particulier dans l'action collective. Action collective qui
appelle ce " changement de regard " dont le recteur Claude Pair
nous dit la nécessité pour la démocratie et pour
l'école, dans son dernier livre si chargé d'expériences,
" L'école devant la grande pauvreté ; changer
le regard sur le quart monde ".
Pragmatique de la complexité, inséparablité du "fait", que privilégiait le scientifique, et du "faire", que privilégiait le praticien, ne pouvons-nous, dans tous les domaines où nous sommes engagés, ceux de la recherche et ceux de l'enseignement, ceux de la médiation sociale et ceux des responsabilités économiques et citoyennes, nous exercer ensemble à " travailler à bien penser " pour construire ce prochain pas qui trace notre chemin ?
J.L. Le Moigne
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Sur ce thème fédérateur, nous nous proposons de susciter notre septième RENCONTRE biennale du Programme Européen MCX, maintenant familière aux participants anciens du Programme.
Le projet de ces Rencontres demeure l'échange et l'interaction
entre des responsables d'action collective riches d'expériences
multiples (entreprises, municipalités, action sociale et culturelle,
thérapeutes
), et des enseignants, formateurs et chercheurs
actifs dans toutes les disciplines, les uns et les autres étant attentifs
à ne pas s'enfermer dans le cadre de leur expérience ou de
leur discipline.
Ces interactions s'expriment en particulier :
- par une veille épistémique commune : quel est
le sens de ce que nous faisons, enseignons, recherchons ? Ce sens est-il
" en prise " avec les problèmes perçus dans nos
sociétés aujourd'hui ? Pourquoi ? Comment ?
- et par une intention " ingénieriale "
partagée : nous voulons dire par là une attitude de
conception ou d'invention, qui ne se satisfait pas a priori des
" analyses " aussi poussées soient-elles. La recherche
de possibles et de souhaitables importe plus que la quête
de présumées inéluctables causes nécessaires.
L'élaboration des desseins importe plus que l'hypothétique
révélation des destins !
En pratique, nous lançons ici :
aussi ouvert que possible, la problématique retenue n'étant
pas restrictive :
L'universitaire pointu, qui ne veut pas finir enfermé dans sa
spécialité sans s'en apercevoir, tout autant que le responsable
d'organisation qui s'interroge sur le sens de ce qu'il fait
et fait
faire à d'autres, l'épistémologue attentif à
la renaissance des épistémologies pragmatistes et
constructivistes, tout autant que le spécialiste de l'ingénierie
des systèmes complexes, qu'ils soient industriels, informatiques,
logistiques, éducatifs ou administratifs
Tous, nous sommes invités à contribuer à cette
réflexion collective.
Sans doute sera-t-elle relativement bruyante et polyphonique. Mais nous avons
les uns et les autres assez d'expérience dans les domaines de la
modélisation et du pilotage des systèmes complexes pour savoir
que nous parvenons parfois à reconnaître l'émergence
du nouveau et du sens au sein de ce " bruit "
auto-éco
organisateur. La diversité des générations, des
expériences, des disciplines, des responsabilités et des cultures
européennes s'avère souvent bénéfique dès
lors que nous cherchons
pragmatiquement
à ne pas d'abord
mutiler en simplifiant par principe !
1. Nous prévoyons environ 200 participants, débattant
autour de 80 contributions préparées à l'avance
(par la rédaction d'un résumé de 2 pages), dans
cinq sessions travaillant en parallèle sur des thèmes relativement
congruents, sessions coupées de quelques séances
plénières et tables rondes, pendant deux jours dans l'ambiance
conviviale d'Aix-en-Provence selon un rythme qui facilite autant que faire
se peut les échanges multiples.
2. On prévoit donc de monter 20 ou 25 sessions de 100 minutes chacune, certains thèmes pouvant "occuper " 2 ou 3 sessions en séquence. Chaque session permettra de présenter oralement (en 15 mn au plus) quatre contributions préparées suffisamment à l'avance pour que son animateur ait pu susciter les coordinations souhaitables en référence au thème général de la Rencontre.
On disposera ainsi de 40 minutes disponibles par session pour susciter
échanges et débats dont un rapporteur s'efforcera
de garder les traces communicables. Les autres participants étant
invités à rédiger avant comme après la Rencontre
un résumé de leur intervention. (S'il est rédigé
avant, il sera joint, dans la mesure du possible au " Cahier des
Résumés " que nous établirons selon un usage
maintenant familier). On prévoit de diffuser ultérieurement
les Actes de cette Rencontre, sans doute par le site WEB /MCX-APC.
3. Chacun des 20 ATELIERS MCX en activité en 98/99 est bien sûr invité à proposer une ou plusieurs sessions sur des thèmes qu'ils mettent actuellement ou potentiellement à l'étude.
On souhaite aussi des initiatives pour l'instant plus individuelles ou
spontanées, révélant la diversité et la
capacité créatrice de notre " collège
invisible " : de l'enseignement des mathématiques et
de la rhétorique, à la diffusion des organismes
génétiquement modifiés, par les représentations
socioculturelles du travail et le développement de " l'Alliance
pour un monde responsable et solidaire "
, les projets possibles
ne manquent pas dès que l'on assume l'intelligence de la pragmatique
entendue dans sa complexité.
4. L'architecture détaillée de l'Agenda de la Rencontre
ne pourra être établi que lorsque nous aurons reçu les
" déclarations d'intention de participation et de
contribution " :
avec, si possible, un résumé (fût-il provisoire ) d'une page ou deux.
(L'indication du contexte permettra de constituer des sessions sur des
thèmes aussi transversaux que possible, se référant
à des problématiques plutôt qu'à des disciplines).
5. Les " résumés " de deux pages,
rédigés par chacun des contributeurs et intervenants,
seront publiés à l'avance dans
Ils devront nous parvenir avant le 7 MAI 99 (au plus tard) établis
selon les modalités usuelles qui seront rappelées dès
réception de la fiche d'intention, fin mars 99, pour que nous puissions
diffuser le programme détaillé à partir du 15 mai,
préparer l'édition de ce " Cahier des
Résumés ", et pour que les animateurs de sessions puissent
organiser à temps toutes les concertations souhaitables entre les
intervenants d'une part et entre les différentes sessions de l'autre.
6. La préparation des séances plénières
est en cours par ailleurs. Si nos ressources le permettent, nous nous proposons
d'inviter quelques amis de divers pays européens, de façon
à rendre plus visible encore le projet d'ouverture culturelle qui
donne son sens à notre " intelligence de la pragmatique dans
une éthique de la compréhension ".
7. Le programme détaillé de cette 7e Rencontre
MCX sera diffusé à partir du 15 MAI 1999 par la LETTRE
CHEMIN-FAISANT MCX-APC n° 34, et par une annonce sur notre site WEB
MCX-APC). Comme nous ne pourrons guère dépasser le chiffre
de 230/250 participants, la priorité sera bien sûr donnée
à tous ceux qui se seront manifestés auparavant, en nous renvoyant,
par courrier, fax ou courrier e-mail, leur fiche d'intention de participation
ou de contribution (fiche rose ci-jointe).
8. Le budget de la Rencontre MCX 99 n'est pas encore " bouclé " (nous sollicitons divers concours), mais nous pensons pouvoir proposer des frais d'inscription (incluant les deux repas de midi, le banquet du 17 au soir, les pauses et les dossiers) de 1.200 F.
La salle de Congrès CARNOT à Aix, que nous avons retenue est maintenant bien équipée et adaptée à nos activités. Déplacement et hébergement seront à la charge des participants.
Les informations d'accueil (Office du tourisme, plans, etc.) pourront être
diffusées à partir d'avril 99, avec la fiche d'inscription
usuelle. Celle-ci sera adressée à tous les correspondants ayant
manifesté leur intention avant fin mars, puis sera diffusée
plus largement avec le programme détaillé vers le 15 mai (donc
à peine un mois avant la Rencontre).
9. Nous prévoyons de tirer parti des ressources permises par
le site WEB Internet MCX-APC pour diffuser à l'avance les informations
pratiques, et certains au moins des résumés des contributions
annoncées (ceux qui nous seront parvenus assez tôt).
Ouvert en mars 98, grâce au concours décisif de notre ami Serge Diebolt, puis de la plupart des animateurs d'Ateliers MCX, ce site commence à prendre autonomie et vitalité. Nous venons de l'installer sur le serveur associatif GLOBENET, qui dispose et disposera de ressources techniques adaptées à notre projet (moteur de recherche), en le dotant d'une adresse aisée à voir et à mémoriser :
hyperlink http://archive.mcxapc.org
archive.mcxapc.org
On peut prévoir et vouloir que ce mode de communication
" ouvert ", relativement économique et aisé à
gérer en terme logistique, facilitant l'interactivité et l'exercice
de l'attention intelligente
et mémorisante, se développe
dans les prochaines années. Pour le Programme MCX et pour l'APC, qui
doivent rester légers et autonomes, il constitue a priori un mode
de communication et de coproduction fort bienvenu
dès lors que
la plupart des participants actuels et potentiels peuvent y accéder
sans difficulté particulière. Ce qui n'est pas encore le cas
pour tous. Il nous faut donc nous efforcer de maintenir le support papier
que constitue la Lettre Chemin Faisant MCX-APC aussi longtemps que de
besoin
et que nous le pourrons.
Mais en même temps il nous faut nous accoutumer à tirer parti
au mieux de cette ressource, en apprenant à développer et à
travailler avec notre site WEB INTERNET. Les premiers mois d'exercice sont
très encourageants, au moins en terme de faisabilité. Mais
par exemple on ne sait pas encore assez que le fichier indexé des
" Notes de Lectures MCX " constitue sans doute la plus riche
introduction à la " Bibliothèque virtuelle des
Sciences de la Complexité " disponible (en langue française
pour l'essentiel) sur toute " la Toile ".
Ces premiers résultats ne doivent pourtant pas faire illusion. Il
est manifestement possible de faire beaucoup mieux (et nous lancerons
bientôt un appel à volontaires dévoués pour enrichir
l'indexation hypertextes), et surtout beaucoup plus, notamment en terme
d'interactivité. Ce qui implique que chacun s'exerce à visiter
le site régulièrement, et surtout s'accoutume à dialoguer
et à suggérer, voire à innover. Le cadre est suffisamment
flexible pour que nous puissions nous adapter à bien des suggestions
auxquelles nul n'a encore pensé !
Pour l'instant le " fichier des adresses e-mail des participants "
dont nous avons commencé la constitution suite à l'appel
lancé dans la LETTRE n° 32, en juillet 98, se met en uvre
avec quelque 250 " inscrits ", que nous pourrons aisément
alerter en fonction des opportunités. Mais tous les inscrits ne sont
pas encore participants... et les participants ne sont pas tous inscrits
!
Ajoutons que le site est librement " ouvert " sur le monde, et
en particulier sur les sites des autres pays et cultures qui partagent avec
nous le projet de relever le défi que constituent les innombrables
dénis de la complexité dans toutes les sociétés
et dans leurs systèmes d'enseignements et de recherche. La rubrique
des " Réseaux en Reliance " donne déjà quelques
bonnes adresses. Ceux d'entre nous qui participaient au Congrès
International de l'A.P.C. de RIO en septembre 98 ont été sensibles
à cette demande d'échanges et d'interaction entre toutes les
cultures. (Combien de personnes, en France, savent qu'en 1997, un ouvrage
de belle qualité, intitulé " Complexité et
Représentation ", a été publié
par nos amis brésiliens
en français ?).
Les uvres maîtresses de quelques grands chercheurs francophones,
Edgar Morin, Ilya Prigogine, etc. , attirent l'attention des autres
cultures sur ce qui se fait dans notre environnement, et nous avons le devoir
de faciliter l'accessibilité de nos propres tâtonnements.
Réciproquement, nous avons le devoir épistémologique
d'être attentif à ce qui se fait ailleurs : nous avons
tant à apprendre et à nous enrichir mutuellement de ces
échanges. Le site WEB MCX-APC nous ouvre aisément les portes
de ces interactions, dans les deux sens. N'est-il pas de la responsabilité
de notre Collège Invisible de les maintenir ouvertes ?
Ajoutons que cet appel à l'ouverture est lui-même
ouvert : le Programme Européen MCX construit son chemin
en cheminant, et tous les chemins ne mènent peut-être pas à
la Toile de l'Internet ! Le plaisir d'une conversation au coin du feu
mérite aussi qu'on le rappelle : pourquoi ne pas profiter du
bon vieux support papier pour nous rappeler d'autres chemins possibles aux
détours de la pensée complexe !
Un des avantages du Site WEB MCX-APC est de permettre une information " en ligne " et autonome de chacun des 24 Ateliers du Programme MCX. Certes leurs animateurs n'ont pas tous encore pu utiliser cette ressource commode dont peuvent disposer tant les participants de tel ou tel Atelier que tous les autres citoyens de la Planète.
Mais une visite du site, fût-elle occasionnelle, permettra à chacun de faire des découvertes originales et souvent fort enrichissantes. Promenons-nous par exemple dans les pages de l'Atelier MCX 21 , " Arts , Société et Complexité ", qu'animent P. et M. Signorile , ou dans celles de l'Atelier MCX 18 " Décision et Langage " qu'anime E. Andreewsky , ou dans celles de l'Atelier MCX 17 " Prospective et Complexité " qu'anime P. Gonod. Les bons guides vous le confirmeront : " méritent le détour " !
A moins que vous ne préfériez vous attarder sur l'étude
originale de notre ami Augusto Cusinato : " Planification
régionale et stratégie procédurale " que vous trouverez
dans les pages de l'Atelier MCX 24, " Complexité -
Cité " ?
Il faut pourtant accorder ici une attention plus particulière à
cinq Ateliers qui ont eu une activité visible importante en 98, qui
se manifeste encore peu sur leurs pages du site WEB MCX-APC :
L'Atelier MCX 13, animé par Ph. Boudon et Ph. Deshayes,
" les sciences de la Conception " a tenu plusieurs séances
de travail réunissant une vingtaine de participants et publié
un Dossier MCX XIII qui connaît une diffusion significative dans
les communautés de l'enseignement des sciences de la conception. (Le
compte rendu de sa journée de travail de Lyon, sept. 98, devrait
être prochainement disponible sur ses pages du site WEB MCX-APC)
L'Atelier MCX 20, animé désormais par P. Peyré
et M. Laforcade, a également tenu plusieurs réunions sur la
représentation de ces systèmes complexes que sont les
systèmes sanitaires et sociaux, la dernière à Pau en
octobre 98. Il compte publier prochainement le compte rendu de cette
réunion sur ses pages du site WEB MCX-APC.
L'Atelier MCX 10 " Critique épistémologique des sciences de la complexité " a contribué à l'une des " Journées Thématiques " organisées par le Conseil Scientifique du Colloque National " Quels Savoirs enseigner dans les Lycées ? " pour le Ministère de l'Education Nationale (Conseil présidé par Edgar Morin). Au cours de cette journée (24 mars 98) qui avait pour thème : " Relier les Connaissances " sont intervenus J.L. Le Moigne (Complexité et Système), G. Lerbet (Transdisciplinarité et Education ) et J. Ardoino (Multidimensionalité et Multiréférentialité). On peut certes présumer que l'Institution Education Nationale Française ne sera pas volontiers attentive sur-le-champ à ce " bouillonnement épistémologique " original et stimulant dans l'immédiat, mais n'est-ce pas là une nouvelle illustration du " principe de la taupe " que nous rappelait E. Morin en concluant "Terre Patrie "(p. 216) : " La taupe creuse ses galeries et transforme le sous-sol avant que la surface en soit affectée ".
C'est dans le cadre de cet Atelier MCX 10 qu'ont aussi été
élaborées diverses contributions au Congrès Inter-latin
sur la Pensée Complexe de Rio, sept. 98, notamment
" Complexité et Citoyenneté " (J.L.
Le Moigne).
L'Atelier MCX 3 " l'argumentation en situation complexe ", a assuré la préparation de la première " Conférence-Débat " organisée par le Programme Européen MCX en coopération avec l'Institut du Management d'EDF et GDF et du 2IP- Futuroscope, à Paris le 9 juin 98 sur le thème : " Savons-nous délibérer en démocratie, dans l'entreprise et dans la cité ", conférence dont le compte rendu détaillé est disponible sur ses pages du site WEB.
L'Atelier MCX 1, enfin, animé par M.J. Avenier, a assuré pour le Programme MCX la conception et l'animation du premier Grand Atelier MCX sur " la Coproduction de connaissances actionnables ", organisé également en coopération avec l'I.M. et le 2I.P., au Futuroscope, à Poitiers, les 19-20 novembre 98. On rend compte ailleurs de cette entreprise pour nous tous très enrichissante, mais on peut déjà préciser que le " Cahier des Résumés" correspondant est disponible dans la série des Dossiers MCX (Dossier MCX XV, 1998), et bien sûr, sur le site WEB MCX-APC. Les Actes de ce premier Grand Atelier MCX sont déjà en préparation et devraient paraître dans les premiers mois de 1999.
La partie la plus visible de l'activité des Ateliers MCX en 1999 s'exprimera sans doute par leur contribution à la 7e RENCONTRE MCX d'AIX-en-PROVENCE, les 17-18 juin prochains.
L'agenda des activités de chacun d'eux se construit en marchant : une visite au site WEB MCXAPC donnera à chacun plus d'informations précises que nous ne pouvons le faire au moment où cette LETTRE Chemin Faisant est établie.
On peut pourtant mentionner au moins deux projets en cours de " constitution " qui peuvent intéresser les lecteurs encore peu familiers de l'activité des Ateliers MCX :
Le projet d'un Atelier sur le thème : " COMPLEXITE ET MEDIAS ".
Et celui d'un Atelier sur le thème : " COMPLEXITE DES
REPRESENTATIONS DU TRAVAIL ".
Il est encore trop tôt, à l'heure où cette Lettre Chemin Faisant n° 33 est éditée, pour synthétiser les réflexions qu'a suscitées le premier Grand Atelier organisé par le Programme Européen MCX avec le concours de l'Institut International de Prospective du Futuroscope et de plusieurs entreprises (Institut du Management d'EDF et GDF, INSEP Consulting Group, SICS, ALGOE, TRANSFORMANCE ) sur " la coproduction de connaissances actionnables ". Le Cahier des Résumés des quelque 50 interventions préparées est certes déjà disponible sur le site WEB MCX-APC, ainsi que les textes des contributions de Pierre Calame (FPH) et de Bruno Tardieu (ATD Quart Monde). Mais ces écrits ne peuvent rendre compte de la richesse presque ineffable des échanges, dialogues et coproductions des mille rencontres permises par cette Rencontre !
Peut-être pourtant réussirons-nous à faire émerger quelques aspects en publiant ci-dessous des extraits de quelques-uns des courriers que divers participants ont adressés, en rentrant de Poitiers, à Marie-José Avenier qui, on le sait, a assuré la préparation et l'animation de cette entreprise innovante de coproduction de connaissances dans, par et pour l'action en situation complexe.
En exergue à ce dossier, pouvons-nous placer ces quelques lignes
d'une lettre d'un des intervenants évoquant la discussion qui a suivi
sa présentation ?
" (Parmi) les questions et remarques qui ont suivi, une en particulier
me reste gravée à l'esprit. Malheureusement je n'ai pas retenu
les mots exacts ni repéré qui l'a dite. Elle disait en gros
qu'on pouvait élargir la question du lien entre connaissance et action
à celle du lien entre connaissance et engagement, engagement de vie.
On ne peut connaître sans un engagement. N'est-ce pas une question
fondamentale pour nous ? " B.T.
Je vais commencer par redire ce que tu as déjà dû entendre mille fois, mais tant pis. J'ai passé deux jours vraiment très agréables, de grande chaleur, convivialité, circulation simple des propos, et rencontres de personnes de qualité.
A partir de ce premier constat, je crois que beaucoup de choses se sont dites très facilement en dehors aussi des temps "officiels" de travail.
Du coup, je ne sais pas quoi dire de ce qui aurait "dû" être traité. Est-ce que ceux qui avaient besoin de plus, ou d'autre chose, ne l'ont pas trouvé, même si ça n'a pas été "traité" ?...
Cependant, je crois qu'il y a deux choses au moins qui, peut-être, ont manqué et sur lesquelles nous pouvons réfléchir :
1) L'opportunité qu'il y ait en introduction, ouverture plénière, un minimum d'explicitation des termes de l'intitulé, pour que cette explicitation fasse référence, c'est-à-dire que, dans la suite du colloque, chacun puisse se situer par rapport à quelque chose de commun (pas pour l'adopter comme parole magistrale, mais pour pouvoir dire comment on le partage, le nuance, le conteste, les uns et les autres, quand on prend la parole en plénière ou en atelier). Je pense par exemple, ici, à "délibération" et "intervention", qui auraient pu faire l'objet d'une telle explicitation.
2) Le statut, par rapport à notre problématique qui est une
problématique de recherche, des intervenants -amorces de
plénière. J'ai trouvé que c'était vraiment une
très bonne idée, un bon bol d'oxygène à partager,
un beau cadeau qui nous était offert par ces personnes à qui
l'on demandait quelque chose de difficile, malgré tout. Et, en retour,
nous ne leur donnions pas grand chose. Je me demande s'il ne faudrait pas
limiter un peu leurs apports propres, et prévoir ensuite un temps
de TRAVAIL où 2 ou 3 personnes de MCX les rejoindraient (toujours
en public), et où on tenterait de mieux comprendre les articulations
entre ce qu'ils apportent et le thème que nous approfondissons ensuite
en atelier. Ils seraient ainsi en même temps peut-être mieux
intégrés à notre réflexion, et mieux à
même d'en profiter...
Enfin, je n'ai pas eu l'impression que l'interpellation réciproque "obligatoire" que j'avais proposée pour les ateliers ait bien marché.
Mais c'est difficile. Je m'en suis aperçu dans la session où j'intervenais. Il faudrait voir le retour d'autres ateliers là-dessus.
Tu vois, mon souci est finalement toujours le même : faire en sorte
que nos rencontres soient conçues de telle sorte que le débat
soit un travail de paroles, et non des discours qui passent, dont chacun
prendrait les quelques bribes qui l'arrangent bien (c'est-à-dire qu'on
laisse du temps pour des questions travaillées et pas seulement pour
des "réactions"). Mais c'est sûrement TRES difficile. Et,
déjà, la qualité (contenu et forme) de ce qui s'est
passé, est très précieuse. Il faut que je le dise :
j'attends avec impatience la prochaine rencontre. "
F.S. (Enseignant - chercheur)
Tout d'abord, tous mes remerciements et mes félicitations pour ce
Grand Atelier MCX. Comme convenu, je vous fais part de considérations
générales en tant que nouveau venu et de questions relatives
aux interventions dans l'Atelier.
Organisation réussie
L'utilisation du temps et de l'espace, le découpage du programme et
l'articulation des interventions permettaient l'expression de points de vue
divers et variés sans qu'il y ait de moment de conflit. Les rôles
des animateurs et des rapporteurs étaient bien précisés.
Méta-instrument de l'Atelier
Je ne peux pas m'empêcher de penser que l'atelier était un bon
exemple de Méta-instrument avec le plaisir au rendez-vous. Messieurs
Philippe et Fromageot l'avaient bien exprimé dans la relation de leur
expérience de musiciens.
J'ai été impressionné par le langage riche et précis
des intervenants (par exemple : contextualisation du patient, territoire,
sidération, intention, etc.) et je me sentais à court d'expression
un peu comme le guide de haute montagne, M. Fabre, dont les photos faisaient
bien passer ce qu'il ressentait.
Convergence
L'Atelier juxtaposait (ou faisait converger) deux types d'interventions situées :
- côté connaissances avec l'approche conceptuelle des chercheurs,
- côté action avec les pratiques des opérationnels.
Par des méthodes différentes, les uns et les autres aboutissaient à des résultats voisins sur les grands thèmes :
- l'accompagnement (soins palliatifs/guide haute montagne vs Sereni) avec la combinaison des trois facettes (guide, compagnon, soutien)
- la cognition collective (musiciens/Journé vs Andreewsky)
- la confiance (Trassaert vs Monroy) avec la dualité méfiance/confiance et la relation de dépendance/vulnérabilité
- les repères (Calame vs Kervern) avec les questions qui subsistent
/ axiomatiques.
Articulation
Dans mon travail de consultant, je tire profit transversalement de cette palette de travaux, je "butine" les approches des spécialistes ou des sympathisants de la complexité. Ainsi, je vois émerger des transpositions ou des articulations peut-être nouvelles, et qui sont renforcées par l'exploitation des interpellations du terrain.
Les chercheurs s'appuient sur le terrain, mais ont-ils une véritable
approche remontante ou une véritable approche transversale avec leurs
confrères ?
N'y a-t-il pas, en effet, contradiction entre connaissances et action dans
le monde de la recherche ? La vraie question n'est peut-être pas "quelles
connaissances actionner ?" mais quel contexte construire pour amener à
un processus de collaboration praticiens/chercheurs directement ou non, quelle
articulation envisager pour faire coopérer les outils conceptuels
et les intuitions opérationnelles ?
Ecoute terrain et capacité d'étonnement
Je pratique des démarches remontantes avec une méthode qui
permet d'entrer dans les problématiques par l'analyse des situations
de travail au sens large. On fait plus qu'observer et écouter, on
remonte les processus. Chemin faisant, on fait appel aux concepts en fonction
des besoins jusqu'à l'obtention d'une représentation partagée
qui permet le transfert.
Cette méthode est en réalité peu pratiquée à
cause du requis principal, le plus exigeant, qui est la capacité
d'étonnement.
En effet, les démarches de changement sont pilotées par des
gens formés et en poste qui ont finalement du mal à écouter
le terrain c'est-à-dire à admettre qu'ils sont éventuellement
dans l'erreur et qu'ils doivent se remettre en cause. Il s'agit pourtant,
pour un responsable, de "s'accepter vulnérable" (ce qui déclenche
la confiance d'après M. Monroy) ou de "gérer l'inattendu",
ce qui fait partie du métier de responsable.
Ma pratique résout en partie ce problème en exploitant les
circonstances pour solliciter les intelligences. La confiance est alors moins
mystérieuse et il est possible d'aller plus loin que l'étonnement
avec la médiation du terrain. Peut-être pourrait-on travailler
là-dessus pour bâtir une autre culture à base
d'ignorance opérationnelle.
Repères : ignorance et vide contrôlé
La particularité des gens de terrain est qu'ils doivent agir, ce qui implique des anticipations, des choix, des résolutions de conflits, la prise en charge de contraintes multiples dans l'espace et dans le temps.
Le terrain fournit des informations aux chercheurs qui l'interrogent. Il
peut aussi avoir par lui-même des choses à dire originales et
construites à partir de l'étonnement. Mais il faut en faciliter
l'expression et le traitement en vue de la mise en mouvement.
L'Atelier a montré que les repères sont multiples et divers : émergence d'outil, carnet de bord, croisement de projets, mémoire collective, accompagnement, confiance.
Mais ne pourrait-on pas promouvoir un autre repère, celui de
l'ignorance qui rend disponible pour l'écoute du terrain et
donne accès aux leviers d'action véritables. La méthode
du vide contrôlé permet, en parallèle, de
déployer la mise en uvre.
Cette méthode permet de déclencher l'adoption d'un autre point
de vue étayé par la réalité du terrain. Elle
nécessite, pour l'intervenant "ignorant" une grande culture
générale.
Autre regard
Dans la foulée, j'ai envie de déplacer le débat sur connaissances actionnées et non plus seulement actionnables.
Tout d'abord, il me semble improductif d'essayer de faire une combinaison (ou une fusion) entre les dynamiques recherche et les dynamiques terrain malgré le rapprochement valorisé dans cet Atelier.
En effet, il y a toujours le problème du passage à l'acte et
si l'on n'y prend garde, ce passage à l'acte peut n'être qu'un
biais pour mettre un terme à des tensions.
C'est pourquoi je crois utile de considérer le passage à l'acte non comme une rupture mais comme un processus continu qui part de l'amont pour aboutir à une situation nouvelle.
Il faut donc insérer une troisième force transversale pour le faire et s'alimenter aux sources de la recherche et à celles du terrain.
Les tentatives similaires antérieures en recherche opérationnelle et en intelligence artificielle n'ont pas toujours eu les résultats escomptés.
C'est pourquoi il vaudrait peut-être mieux développer séparément les deux aspects :
1 - en partant vers le haut avec plus de conceptuel (axiomatiques de G.Y. Kervern ?),
2 - en partant vers le bas avec plus d'opérationnel dans des
démarches facilitant l'interpellation remontante, et travailler sur
la mise en uvre à l'intersection (comme Monsieur Calame à
l'intersection des projets) dans une ingénierie de transformation
culturelle.
Je sens que je ne suis pas encore arrivé à quelque chose de clair. Pourtant je crois pouvoir apporter quelque chose dans une démarche générique qui intègre le risque de l'homme, au point de rendez-vous des chercheurs et des opérationnels.
La complexité vient pour une bonne part de l'homme. Agir dans la complexité revient pour moi à réintroduire l'homme lorsqu'il s'agit de comprendre ce qui se passe et d'identifier les leviers d'action.
B.B. (Consultant)
L'univers de la Recherche et de l'Enseignement ont des approches et des centres
d'intérêts différents de ceux de l'entreprise. Je
conçois bien que ces secteurs ont pour rôle de développer
et former les mécanismes de pensée. L'entreprise a sûrement
une approche beaucoup plus lointaine, beaucoup plus "pragmatique et empirique".
Je considère qu'en entreprise on manque de repères (pour reprendre
un thème de travail du Grand Atelier) et de logiques de raisonnements
pour appréhender efficacement certains problèmes. Une question
qui reste en suspens est celle de la coopération entre deux univers
culturels passablement différents. Pour un représentant de
l'entreprise que je suis, la question naturelle qui vient est "que puis-je
retirer de ce genre de rencontres ?" et qui fasse le profit de la contribution
que je dois à mon employeur. Sans doute peu et beaucoup à la
fois. Ce fut d'abord pour moi une évasion d'un univers qui finit par
formater la pensée à force d'être omniprésent
et sans qu'on s'aperçoive bien de l'emprise de ce qu'on vit. A
défaut de pouvoir suivre toujours les autres sur leurs chemins de
raisonnement pendant ces deux jours, la stimulation par la pensée
des autres suscite la réflexion personnelle et aide sûrement
à trouver plus facilement soi-même des réponses à
ses questions en allant puiser dans ses propres ressources, mises en éveil
par l'ambiance de réflexion.
L'évocation spontanée et naturelle de ce qui touche au
psychologique et à l'affectif, dans une ambiance naturelle de vécu
m'a aussi rappelé que ces dimensions sont passablement refoulées
dans le monde du travail et a fortiori dans des secteurs d'activité
comme l'exploitation des centrales nucléaires. Ceci tient en partie
à la pression permanente des exigences de sûreté, aux
enjeux économiques (un réacteur en fonctionnement représente
un investissement d'environ 12 milliards de francs et approximativement 3
à 4 millions de francs de production brute par jour). Mais ce contexte
n'explique pas tout. L'ambiance imprimée par le management, la culture
d'entreprise,... jouent un rôle au moins aussi important. Nous avons
été attaqués dans la presse à plusieurs reprises
selon l'expression de " l'enfer du nucléaire ". Les thèses
de la psychopathologie du travail ont trouvé sur certains de nos sites,
un terreau fertile. De mauvaises conditions de vie (même si elles ont
été montées en épingle) ne doivent pas devenir
une fatalité. Cette problématique rejoint celles qui sont
développées après.
Une part significative des thèmes de travail proposés était
orientée vers les connaissances et de fil en aiguille vers la cognition,
c'est-à-dire les processus cognitifs. J'ai même entendu dire
que "la reconnaissance était le résultat de convergences
cognitives" ! Dans notre domaine le cognitif est fortement identifié
à l'activité mentale de traitement des situations de travail
: surveillance, vigilance, discrimination des " signes " probants
d'une situation donnée, analyse diagnostique, aiguillage vers des
réponses appropriées,... Chacun peut mettre un sens différent
au mot " cognitif ". Je suis de ceux qui considèrent qu'il
existe au même titre des "données affectives" dans le monde
du travail et dans l'activité au quotidien. Il y a d'un côté
la partition musicale et d'un autre un instrument qui vibre et procure le
plaisir. On n'est pas sur les mêmes registres. J'aurais tendance à
dire qu'on gagnerait à réhabiliter le psychologique quand il
touche à la résonance perceptive de l'être. Je crains
que le cognitif devienne de plus en plus un mode d'appréhension du
"mental humain" et que cette approche aseptise au moins en partie le contenu
de ce qui se passe entre l'humain et ce qui l'entoure.
J'ai dit que personnellement je préférais parler de
compétences plutôt que de connaissances. L'entreprise attend
de ses salariés qu'ils exercent une fonction en se référant
à un métier, contextualisé, en fonction de la situation.
Ce n'est pas qu'une affaire de connaissances. La connaissance est une composante
importante de la compétence, mais les deux concepts ne se recouvrent
pas totalement. Il existe des experts très compétents qui sont
de piètres opérationnels, voire de piètres manageurs.
J'ai apprécié (entre autres) la présentation des deux
musiciens. La manière dont ils ont décrit leur engagement,
par rapport à leur attirance, à leur plaisir, à ce qu'ils
en reçoivent en retour, donne un panorama semble-t-il facilement
appréhendable de leurs attentes et de leurs motivations. Partant de
là on n'a pas trop de mal à imaginer ce qui fonde leur interaction
avec l'activité qu'ils ont choisie d'exercer.
J'aimerais avoir cette lisibilité par rapport à ceux qui viennent
travailler en entreprise. On a la réponse facile du salaire, mais
à voir les gens agir, à écouter leurs frustrations et
leurs insatisfactions, il me paraît toujours difficile de bien cerner
ce qui motive leur présence. J'ai le sentiment qu'ils ne le savent
pas très bien eux-mêmes et je vous épargnerai la
pauvreté des réponses qui surgissent alors, très souvent
après un moment marqué d'embarras. Pourtant, quand on
s'intéresse à la fiabilité des analyses, des
décisions, des actions, à la performance et à la
maîtrise de l'activité d'exploitation, on ne peut pas ne pas
faire le lien avec l'engagement de la personne. Pourrait-on mieux
connaître ce qui fonde la relation entre celui qui travaille et son
travail ? Comme d'autres j'ai lu pas mal d'ouvrages et d'études
autour de la motivation. Je ne connais par contre pratiquement aucune publication
sur le sens du travail (en entreprise, c'est-à-dire avec des conditions
particulières). Je me sens en manque par rapport à ce volet
du problème et il me semble qu'on gagnerait à y voir plus clair,
en même temps pour travailler sur des conditions plus humaines (quoiqu'on
dise, il demeure toujours un aspect éthique à ce genre de question)
et en même temps plus efficaces pour la contribution à
l'entreprise.
Enfin, et je m'arrêterai là, cette réflexion, mais aussi celles que nous avons engagées ces deux jours, butent sur des modèles économiques, sur des idées fixées (parfois réfutées) du travail et de l'entreprise. En ce qui nous concerne, quand on réfléchit, management, sollicitation des personnes, appel à plus de performance,... une question lancinante revient souvent : "quel est le sens de l'entreprise dans la vie de la collectivité humaine" ? En corollaire, "en vertu de quels principes est-on fondé à exiger des conditions difficiles et des résultats performants" ? Cette question est criante lorsqu'il s'agit de chercher l'efficacité par une diminution des coûts qui conduit à alléger les effectifs et par contrecoup à exclure. Aujourd'hui, on arrive (pas toujours cependant) à trouver des justifications économiques de compétitivité. Mais jusqu'où ? J'ai le sentiment qu'on manage dans l'entreprise, souvent comme on vit dans la vie, en se référant à des stéréotypes de pensée (ou de valeur) sans s'interroger sur leur sens. Ne gagnerait-on pas à jouer plus souvent au "Petit Prince" en s'étonnant et en se posant des questions pour tout, même si elles apparaissent naïves. Je pense particulièrement à l'allumeur de réverbères qui finit par devenir fou à force de perpétuer des gestes qui ont perdu leur sens avec le temps. Ce thème a-t-il déjà été travaillé ? Qu'en savent et qu'en pensent ceux qui animent les ateliers MCX ?
A. C. (EDF)
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L'activité de l'Association pour la Pensée complexe a
été pour une très large part consacrée, en 1998
à la préparation et à l'animation du
Il est encore trop tôt pour proposer un bilan de cette étonnante expérience, qui a permis la rencontre chaleureuse de tant de personnalités riches de cultures, d'histoires, de récits, et de réflexions multiples, entrant les unes et les autres en résonance dans l'ambiance de "Rio la Merveilleuse".
Cette manifestation internationale, organisée sous les auspices de
l'UNESCO et avec le concours de l'Universidade Candido Mendés de Rio
de Janeiro qui l'accueillait au sein de son "Instituto do Pluralismo
Cultural" bénéficiait du concours de "la Fondation Charles
Léopold Mayer pour le progrès de l'Homme", de "la
Fundaçao Calouste Gulbenkian" et de "l'Instituto Piaget"
de Lisbonne.
L'Association pour la Pensée Complexe a par ailleurs tenu son Assemblée Générale statutaire le 18 décembre 1998, à Paris. Le compte rendu sera prochainement disponible sur les sites WEB Internet MCX-APC.
A cette occasion, le Conseil a reconduit le Bureau de l'Association,
présidé par Edgar Morin, en élisant Madame Monique Cohen
au poste de Secrétaire Général, (en remplacement de
Nelson Vallejo Gomez appelé à d'autres responsabilités)
et Jean-Louis Le Moigne au poste de VicePrésident.
Une pensée qui rende pensable, plausible, légitime, presque familière, une éthique de la reliance, une éthique de la compréhension, dans les comportements de chacun comme dans les politiques des collectivités humaines, " une pensée apte à relier, contextualiser, globaliser, et en même temps, à reconnaître le singulier, l'individuel, le concret" : Peut-être est-ce cette perception soudain devenant palpable, sensible, spontanée même, que je ressens en évoquant cette étonnante rencontre, Rio en septembre 98.
La pensée complexe n'est plus un concept abstrait, un argument de classification, une bannière pour rassembler, elle devient presque charnellement, pendant ces quelques jours, une façon "normale" de vivre, d'écouter, de réagir.
Il y a bien sur la magie du lieu, " Rio la Merveilleuse ", mais il y a surtout je crois, l'étonnante chimie de ces rencontres suscitée par le même "attracteur étrange " : la méditation de tant d'hommes et de femmes si divers abordant avec étonnement et bonheur telle ou telle uvre d'Edgar Morin, et s'enthousiasmant parce que ces impensables qu'ils n'osaient pas penser avaient enfin été pensés, et devenaient enfin pensables ! Penser les reliances, celles des solidarités humaines et celles des humains et de leur pauvre et vaillante petite planète, Terre-Patrie en danger, celle de la science et de la culture, celle de l'action et de la réflexion... Les penser et les comprendre, sans prétendre les expliquer ou les prédire.
Et percevoir que, sur chaque continent, Amérique ou Asie, Afrique ou Europe, en culture latino américaine comme en culture anglo saxonne, cet attracteur étrange se manifeste, se reconnaît, suscite ces mêmes propagations, à la manière des rhizomes, sans terreaux visibles pour plonger leurs racines, se produisant les uns les autres. Le percevoir non plus par le discours ou l'écrit, mais en rencontrant l'autre, en partageant ses étonnements, en admirant ses admirations, en se passionnant pour ses passions, dans une réciprocité presque ineffable, fugace et pourtant prégnante, puisque je m'en souviens !
Le contraste est vif, au retour, et il le fut sans doute pour bien des participants de cet étonnant congrès : l'étrange attraction qui nous rassemblait est sans doute si étrange, si incongrue encore pour nos cultures disciplinées, que l'on ne retrouve guère ce climat chaud grâce auquel sans doute les rhizomes se propageaient. Il va nous falloir inventer pour apprendre à relier et à comprendre, sans certitude aucune. Mais, depuis Rio, il me semble que le projet devient plus plausible. Le développement de Centres d'études, d'Instituts, de Réseaux "para el pensamiento complejo" dans tous les pays d'Amérique Latine n'est-il pas un indicateur significatif de cette plausibilité ? Ne constitue-t-il pas pour les cultures européennes (et plus particulièrement méditerranéenne : les participants venant d'Italie, d'Espagne, du Portugal, de France, étaient relativement nombreux et attentifs au Congrès de Rio ), une sorte d'invitation ?
Il constitue en tout cas une très effective source d'inspiration : je n'en prends pour témoin que ma découverte, en arrivant à Rio, d'un ouvrage intitulé : " Représentation et Complexité " édité par Candido Mendés et Enrique Larreta et publié (en français) par l'Unesco et l'Université Candido Mendés en 1997 (Ed. Unesco, ISSC, Educam). Question que nous semblons encore ignorer dans la plupart des enseignements en Europe, et qui pourtant mérite d'être posée, comme le mérite cet appel au redéploiement des plis de la pensée, auquel nous invitait Candido Mendés dans sa conférence d'ouverture (" la complexité ouverte "). La complexité n'est-elle pas " la vie dans les plis " (H. Michaux) ? Pourquoi nous faudrait-il toujours découper et trancher, selon les plis pour la représenter ? Ne pouvons-nous la déplier et la déployer plutôt que la découper ?... Questions qui n'ont certes pas encore de réponse déjà prête dans nos cultures accoutumées à l'analyse cartésienne plutôt qu'à "l'ingegno" vincien, mais questions qu'il nous faut poser, exercices qu'il nous faut pratiquer, " presque sans maîtres ; impossible ? C'est pourtant ainsi que sont survenues les grandes ruptures philosophiques ou spirituelles. Quelle institution a aidé Spinoza à réformer l'entendement humain ? ... " (J. Bindé, p. 26).
Alors, en rentrant, ne pouvons-nous prendre au moins une bonne résolution,
celle de nous attacher à développer des réseaux
d'échanges et de rencontres, au moins sur " la Toile " ?
Il nous faudra nous y attacher, sans doute avec quelque ténacité,
dans les prochains mois et les prochaines années, inspirés
par ce Congrès de Rio 98 : " Nous sommes à
un nouveau commencement. Nous aurons à affronter les problèmes
énormes du "sous-développement" du tiers monde et de notre
propre sous-développement humain, psychique et moral. Nous aurons
à affronter les conséquences de l'invasion de la technoscience
sur la démocratie, sur la vie quotidienne et enfin sur la pensée.
Nous aurons à réapprendre à voir, à penser, à
agir. Nous ne connaissons pas le chemin, mais nous savons que le chemin se
fait dans la marche... Voilà le nouveau futur, incertain et fragile,
que nous devons nourrir. Nous n'avons pas la Terre promise, mais nous avons
une aspiration, un vouloir, un mythe, un rêve : réaliser
la Terre patrie ". Ces lignes d'Edgar Morin, qui ouvrait en 1991,
" un nouveau commencement " peuvent se lire au présent autant
qu'au futur ; n'est-ce pas le projet que nous propose ce premier
Congrès Interlatin pour une Pensée Complexe, qui, dans l'ambiance
chaleureuse et festive de Rio la merveilleuse, nous redit le plaisir de faire
et de faire ensemble, de faire avec... J.L.M.
Remerciements
Chers Amis ,
Nous avons fait un Congrès avec programme, communications, conférences, ateliers, chronométrie... Mais surtout nous avons fait une rencontre dont la finalité était la rencontre. Ce ne fut pas une assemblée académique, ce ne fut pas une exhibition de savoir, ce fut un bonheur pour tant d'hommes et de femmes, de se rencontrer en se connaissant, de découvrir leurs aspirations, attentes, volontés communes.
Merci, grand merci à toutes celles et à tous ceux qui ont permis, assuré , organisé et même désorganisé ce Congrès.
Edgar Morin