DEPUIS 1997, "LA LETTRE CHEMIN-FAISANT MCX-APC" est le Reliant qui associe en langue française dans un même projet complexe le Programme Européen Modélisation de la Complexité, qui rayonne principalement en Europe, et l'Association pour la Pensée Complexe, qui rayonne sur les autres continents et en particulier en Amérique Latine. Ensemble "en marchant nous construisons nos chemins, qui sous nos pas ne seraient pas". Cette marche commune apparaît pour l'instant sous la forme de contributions reliées mais parallèles plutôt qu'enchevêtrées, à la rédaction de La Lettre CHEMIN-FAISANT. Ce parallélisme est de commodité contingente, en attendant que nous puissions rendre mieux compte de notre unité dans la diversité.

Cette rubrique III rédigée par l'A.P.C. concernera et intéressera autant les participants du Programme MCX que les autres rubriques de "La Lettre Chemin Faisant" concerneront et intéresseront les participants de l'A.P.C. (qui, pour la plupart auront à la lire dans une langue qui n'est pas leur langue maternelle).

Les suggestions des uns et des autres nous seront bien sûr très bienvenues. (Rappelons que E. Morin, Président de l'APC, préside le Conseil Scientifique du Programme MCX, et que J.-L. Le Moigne, Président du Programme MCX est Vice-Président de l'A.P.C. : ceci afin de mettre symboliquement en valeur l'"Unitas-Multiplex" du projet qui nous relie, celui d'une intelligence civique de la complexité).

 L'activité de l'A.P.C. a été depuis trois mois consacrée pour une large part à la préparation du :

Aussi ne sera-t-on pas surpris qu'une large part de cette rubrique soit consacrée à la présentation de cette manifestation originale patronnée par l'UNESCO et l'Université Candido Mendès de Rio de Janeiro.

 L'autre part est faite de la "Vigie de l'APC", sous le titre :

synthétisée et éditée ici par Alfredo PENA-VEGA.

Lire les livres :

Comme líaffirme à juste titre Françoise Bianchi : La Transdisciplinarité níest “ ni une discipline, ni un simple mot, mais peut être un chemin, une méthode pour trouver líunité de la connaissance ”. Cíest bien cette question fondamentale qui est traitée dans les quatre livres publiés respectivement en Espagne et Italie.

Le premier livre : “ LA NUEVA RACIONALIDAD. COMPRENDER LA COMPLEJIDAD CON MÉTODOS TRANSDISCIPLINARIOS ” de Sergio Vilar est publié aux éditions Kairos, 1997 Barcelone, Espagne, pour líauteur, les phénomènes complexes ne peuvent être traités que grâce aux “ méthodes transdisciplinaires ”. Dans le passé, nous dit Vilar, líorganisation de la connaissance níétait compréhensible quíà travers les disciplines et ces orientations scientifiques permettaient la formation de spécialistes. Pourquoi ? Parce que les réalités étaient relativement simples ou parce que ces savoirs étaient fragmentés et clos. Or cette conception ne permet pas díappréhender la complexités de notre époque. Il fallait donc créer pour cela des approches méthodologiques qui puissent tenir compte des faits complexes.

Pour Sergio Vilar, nous vivons aujourdíhui une sorte de “ lutte initiale ” (le contraire, comme le dira E. Morin “ de la lutte finale ”), face à une société dominée - ceci est vrai, en particulier, dans les lieux de construction de connaissances : système díenseignement, diffusion culturelle, etc. - par une vielle rationalité, construite à partir de la logique aristotélicienne, des divisions méthodologiques proposées par Descartes et par le déterminisme newtonien. En effet, ces derniers ont joué un rôle de tout premier plan dans líorganisation de la civilisation gréco-latine et continuent à être très prégnants dans líétat actuel des sciences. Cependant, Vilar entrevoit, à partir díavancées récentes de la sciences (quíelles viennent de la physique quantique, la chimie prigogienne , de constructivisme piagetien, de líapport de la révolution biologique, de la science économique critique, des neurosciences - qui ont contribué à la mise en oeuvre díune science de la cognition, et de la révolution informatique - ), la genèse díune “ Nouvelle Rationalité ”. Celle-ci est líaboutissement des travaux scientifiques de toutes disciplines, qui adoptent une posture transdisciplinaire et peuvent ainsi accéder à líobservation de phénomènes complexes. Selon líauteur, “ Nouvelle rationalité est complexe par rapport à tout les formes de complexité, interne (être vivant) et externe ” (être social, nature).

Le livre de Sergio Vilar énonce líemprise encore notable, dans líétat actuel des connaissances, díune “ Science de la certitude ” et, pour la surmonter propose de mettre en oeuvre des “ méthodes transdisciplinaires ”, afin de rompre avec les interdits positivistes. Notons que les assertions proposées par líauteur puisent dans la dynamique des connaissances de ces dernières années. En somme, Sergio Vilar observe, par le biais de la “ Nouvelle Rationalité ”, la construction díun “ nouvel esprit scientifique ” pour paraphraser Gaston Bachelard.

Pour autant, on peut regretter que la pensée de G. Bachelard soit totalement ignorée dans la construction de la nouvelle rationalité. De même, líomission dans la deuxième partie du livre consacrée à “ Modèle, Modélisation, Simulation ” des travaux épistémologiques de Jean- Louis Le Moigne et enfin, líabsence parmi les citations, du livre concernant le manifeste de la Transdisciplinarité, de Basarab Nicolescu sont dommageable. Nous pouvons également déplorer la confusion dans líesprit de líauteur à propos des origines du concept “ autopoesis ” de Humberto Maturana.

Enfin, il ne reste pas moins que “ comprendre la complexité avec des méthodes transdisciplinaires ”, requiert un ensemble de conditions et des conséquences des modélisations, des conceptualisations et des théorisations imposée par un Réel complexe qui, pour être pensé, impose une complexification de la Pensée ; E. Morin, lui parle de “ reforme de la pensée ”. Il reste encore une question ouverte : “ quel transdisciplinarité faut-il faire ?

Le deuxième livre qui aborde également la question de la transdisciplinarité est : “ OLTRE LE DUE CULTURE ”. SCIENZE SOCIO-UMANE, SCIENZE NATURALI, SPERIMENTAZIONE STIMULAZIONE ” , (sous la direction de Magda Talamo) Edition Rubbettino, 1997 Milan, Italie. Ce livre collectif reprend le titre de líouvrage de líanglais Charles Snow : “ Les deux Cultures ” publié à la fin des années cinquante et également líargument de cet auteur, qui mettait en garde à la fracture qui existerait entre la culture scientifique et la culture humaniste - entre les sciences de la nature et les sciences socio-humaines de la société contemporaine. En fait, quarante ans plus tard, on peut mesurer la validité cette assertion, et síinterroger sur le chemin parcouru et dans quelle direction.

La principale réflexion cet ouvrage peut se résumer de la manière suivante : le chemin parcouru par les connaissances díune part, et les difficultés que líon rencontre à une délimitation des frontières entre les disciplines, díautre part, posent le problème de la mise en oeuvre díun programme díenseignement plus innovant, conçu de manière moins sectorielle et/ou moins “ régionale ”, pour reprendre líidée de J. L. Le Moigne, et faisant preuve díun point de vue de líesprit, díune critique dans la confrontation des plutôt que se contenter à la sacro-sainte spécialisation classique.

Líhistoire officielle de la science, celle de la disciplinarité signifie la séparation de la connaissance. Or, une autre histoire, liée inséparablement à la science officielle émerge : cíest líhistoire de la transdisciplinarité. Ainsi, líévénement transdisciplinaire ne se traduirait pas uniquement par la constitution et/ou la prolifération díune discipline mais, permettrait de contribuer aux ruptures des frontières disciplinaires, à la circulation des concepts, à la formation des disciplines hybrides, qui postérieurement pourront devenir autonomes comme, par exemple, la biologie moléculaire. Cíest la métaphore du “ passeur de frontières clandestin ” évoquée par E. Morin. Díailleurs, comme il est rappelé dans líintroduction de ce volume, trois théories ont permis de traverser clandestinement les disciplines : la théorie de líinformation, la cybernétique, et la théorie des systèmes. La première est un instrument pour traiter líincertitude, la seconde, en proposant líidée de rétroaction rompt avec les principes de causalités linéaires enfin, la dernière, permet de jeter les bases díune pensée de líorganisation. Et, cíest à travers líinteraction conceptuelle de ces trois théories quíémerge líidée de pensée complexe en tant que nouveau paradigme.

Ce volume réunit des chercheurs italiens et français de formations diverses et opérant dans différents secteurs du savoir scientifique - physique, sociologie, mathématiques, biologie, philosophie, etc. Le livre comporte deux parties, la première, intitulé “ Complémentarité entre science de la nature et science socio-humaines : modèle de relation entre les sciences ”, a un caractère théorique en exposant la pensée des divers auteurs autour de líhypothèse díune possibilité de connexion entre les deux branches de la science - naturelle et socio-humaine - ; la deuxième, “ Principes de responsabilité de la recherche scientifique : modèle de simulation et de réalité virtuelle ”, examine au contraire, des situations concrètes, insérées dans une problématique síinscrivant aussi bien dans les sciences de la nature que dans celle des sciences humaines et sociales.

Le troisième livre est celui díEmilio Roger Ciurana : EDGAR MORIN, INTRODUCCION AL PENSAMIENTO COMPLEJO (Introduction à la Pensée Complexe), Editora de la Universidad de Valladolid, 1997Espagne. Il síagit díune thèse en philosophie soutenue en 1996 se situant dans le droit fil de líoeuvre díE. Morin. Selon Emilio Roger, nous vivons une époque de très grande incertitude concernant non seulement notre présent mais surtout nos expectatives sur le futur. Notre époque est caractérisée par une : crise endémique, politique, sociale, et Pour penser la crise de notre temps, il est nécessaire díabandonner la pensée unidimensionnelle, réductionniste, et de penser à une “ sortie de crise ” à travers le champ de la complexité non seulement díun point de vue épistémologique, mais aussi politique.

Líoriginalité du livre de Ciurana, díun point de vue méthodologique, est díavoir construit sa réflexion à partir díune approche de type dialogique. Ceci lui permet de mettre les principes conceptuels en concurrence, complémentarité et en antagonisme. Autrement dit, le principe dialogique, dans le travail de Ciurana, consiste à faire jouer ensemble, de façon complémentaire, des notions qui, prises absolument, seraient antagonistes et se rejetteraient les unes les autres. Ainsi, on voit comment líentrecroisement des “ Complexus ”, complexus1 : la physis, complexus2 :líhomme complexe, complexux3 : la société, complexus4 : líanthropologie, complexus5 : la complexité, tissent díun point de vue épistémologique la pensée complexe. Cíest dans ces interactions entre les différents Complexus qui apparaît les principes de transdisciplinaire, par lesquels síorganise líoeuvre díE. Morin.

Enfin, le dernier livre à se pencher sur les questions de transdisciplinarité est celui de Loredano Matteo Lorenzetti “ PSICOLOGIA, ESTETICA, NARRAZIONE. METAFORA E MATAFORME DEL CAMBIAMENTO ”, 1997, Ed. Franco Angeli, Milan, Italie. Ce livre nous montre avec une grande originalité comment, à travers la dimension homme-esthétique, on peut activer un processus díadaptation, de changement, et de croissance. Ce livre est en quelque sorte une introduction à la théorie de líesthétique de líespoir et de la connaissance à partir díune méthode dynamique transdisciplinaire, dans les domaines de la prévention, de líéducation, de la réhabilitation et de la clinique thérapeutique. Le thème central de ce volume, est le rapport complexe et multiforme entre existence/esthétique/connaissance/changement.

Citons un dernier ouvrage, un peu moins orienter vers la question de la transdisciplinarité proprement dite, mais toutefois mettant en relief, grâce à une perspective interdisciplinaire-comparative, les frontières qui séparent les sciences sociales et naturelles. Il síagit du le livre collectif (sous la direction díEdna Castro et Florence Pinton) FACES DO TROPICO UMIDO. CONCEITOS E QUESTOES SOBRE O DESENVOLVIMENTO E MEIO AMBIENTE, Editora CEJUP, Brésil, 1997. Líensemble des contributions de ce livre se situe dans le débat écologie-developpement- environnement, à partir díune interprétation théorique et díune problématique de recherche. Notons parmi les contributions, celles díEdgar Morin : “ Por um pensamento ecologizado ” et díAlfredo Pena-Vega “ Meta-désenvolvimento, auto-organizaçao e incerteza : um caminho em direçao ao pensamento ecologico ”.

Cíest dans ce même champ de líécologique/biosphère que propose de nous pencher le livre “ LA TERRE OUTRAGÉE ” (sous la direction de Jacques Theys & Kalaora), Diderot Editeur, 1998, Paris, France. Dans ce volume, où líon peut retrouver une contribution díEdgar Morin “  Pour une pensée écologisée ”, écologues, historiens, sociologues et économistes síinterrogent sur les conséquences du progrès technique sur les modifications des écosystèmes et de la biosphère.

Enfin, “ EL CURANDERO ENTRE NOSOTROS ” (“ LE GUÉRISSEUR PARMI NOUS ”) de Pedro Gomez Garcia (sous la direction), Edition de líUniversidad de Granada, Espagne, 1998, est un recueil étonnant de plusieurs contributions autour du problème socio-anthropologique de la guérison. Ainsi, vient se juxtaposer à la pensée scientifique díune science de la médecine et à líinstitution médicale, une “ pensée sauvage ” (Lévi-Strauss) du symbolique, du rituel. Dans cette juxtaposition díune histoire de la médecine, qui doit être considérée comme étant inséparable díune perspective historique de la guérison, síentrecroisent díun côté la Modernité, cíest-à-dire la médecine scientifique liée à líémergence díun paradigme biologique, de líautre, la Tradition, issue díune pensée magique, considérée comme une superstition à líopposé díune pensée scientifique moderne. Les contributions du volume abordent le problème de la guérison sous líangle, des persistances de la guérison entre les voies thérapeutiques de la société contemporaine, des relations entre médecine traditionnelle ou populaire et scientifique ou officielle ou les conflits entre le médecin et le guérisseur.

Lire les revues

Parmi les revues enregistrées fin 1997 et au début de cette année, on peut citer par ordre chronologique :

_ Le journal brésilien díidées, de débats et de culture, Muito + , ano V, n°24, Novembre 1997, a publié un numéro spécial sur “ MODERNITÉ, POST-MODERNITÉ ” avec la participation de plusieurs universitaires brésiliens et un entretien avec Edgar Morin autour du thème : “ Complexité & Liberté ”.

_ La revue Trabajo Social, de líEcole Nationale díAssistants Sociaux de líUniversité Autonome du Mexique a consacré un numéro spécial à “ EDGAR MORIN AU MEXIQUE ” , à líoccasion du colloque organisé líannée dernière. Dans ce volume, on peut trouver diverses contributions autour de líhomme et de líoeuvre díE. Morin.

_ LíUniversité de Granada, Faculté de Sciences politiques et sociologiques, consacre un “ working paper ” en 1997 au thème METASOCIOLOGIA Y TEORIA DE LA COMPLEXITÉ (conversation avec Edgar Morin). Ce document est composé un recueil de plusieurs conférences réalisées par Morin à la faculté de sciences politiques et díune traduction en espagnol de líarticle : “ Sociologie de la sociologie ” paru dans les “ Cahiers internationaux de sociologie ”, Paris, 1985.

_ LE “ FRENCH CULTURAL STUDIES ”, volume 8, Part 3 number 3, octobre 1997sous la direction de Michael Kelly consacre un numéro spécial à Edgar Morin. Ce volume dresse un état de lieu de líoeuvre díE. Morin par des chercheurs anglo-saxons.

_ La revue Complejidad, n°3, décembre, Buenos Aires, 1997, nous propose une série díarticles autour de trois thèmes  : “ La complexité des défis sociaux et les défis de la complexité ” ; “ Líespace informatique : une mutation spatio-temporelle dans la “dynamique du pouvoir ” ; “ Les politiques publiques dans la gestion de líenvironnement ”. A noter également líarticle díEdgar Morin “ LA PENSÉE COMPLEXE COMME UNE ALTERNATIVE AU PARADIGME DE LA SIMPLIFICATION ”.

_ La Gazeta Antropologia, n°13, janvier 1998, publie díEdgar Morin “ LA UNIDUALIDAD DEL HOMBRE ”. Dans cet article en espagnol, líauteur revient sur sa thèse díune définition de líunité genre de humain. En effet, il met en évidence líexistence díune double conscience de laquelle dépend la notion díhomme : díun côté, une affirmation humaniste et de líautre côté, une affirmation biologique. Díune certaine manière, le concept díhomme, comme tout concept scientifique, possède une double entrée irréductible : naturelle et biologique. Líhomme est un être bio-culturel, et toute définition bioculturelle de líhomme doit constituer le noeud gordien díune nouvelle anthropologie.

_ Enfin, mentionnons dans les publications les plus récentes, “ ARTICULER LES SAVOIRS. LÍENSEIGNEMENT DE LA POÉSIE ”, Edgar Morin, Yves Bonnefoy (Textes Choisis), publié par le Centre National de Documentation Pédagogique, Ministère de líéducation national, de la recherche et de la technologie, Paris, 1998, dans le cadre de “ Quels savoirs enseigner dans les lycées ? ”.