Rédigée par Georges Lerbet sur l'ouvrage de SALLABERRY Jean-Claude : |
« Dynamique des représentations dans la formation » Paris, L'Harmattan, 1996, 203 pages. (Collection "Cognition et Formation") |
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Voir aussi le commentaire de cet ouvrage dans le Cahier des Lectures MCX n°15, par Jacques Miermont
L'importance théorique de la pensée de Jean-Claude Sallaberry n'échappera pas au lecteur qui s'adonnera au décryptage de cet ouvrage riche et foisonnant. Que cherche en effet, à mettre, en évidence l'auteur si ce n'est une rencontre avec des problématiques fondamentales dans les sciences humaines ? Ces problématiques sont celles qui se distribuent généralement dans les champs disciplinaires classiques de la sociologie, de la psychologie et de la psychosociologie. Ici, Jean-Claude Sallaberry prend le risque de penser celles-là, de façon délibérément transdisciplinaire. Pour ce faire, il lui importe de les poser dans l'objet qu'il s'est construit : celui des représentations.
Nous ne reprendrons pas ici, la modélisation générale, maintenant bien connue qu'opère Sallaberry pour discriminer entre des représentations à bords flous (R1)1 et des représentations à bords lissés (R2)2, plus abstraites et opérativement plus performantes. Nous ne nous appesantirons pas davantage sur les conjectures de R3 qui semblent correspondre à des coordinations R1/R2 et émerger électivement dans la pensée geométrique à un niveau méta. En revanche, notre attention sera retenue par ce qui correspond à l'exploitation paradigmatique (et aussi pragmatique en formation) de la lecture "trans" de ce corpus de représentations.
Pour ce faire, Jean-Claude Sallaberry s'interroge sur le statut sociologique et cognitif de ces représentations et il a l'heureuse intuition d'appréhender leur articulation dans l'institution dont il reprend la théorie générale telle que l'avait développée, en son temps, Lourau. D'où la question majeure, même si elle est vieille comme les sciences humaines : comment peut-on appréhender, autrement que de façon disjointe, le collectif et l'individuel ?
Dans la perspective qui est, ici, la sienne, Jean-Claude Sallaberry décide donc de faire feu de tout bois. I1 utilise les métaphores scientifiques qu'il a à sa disposition pour modéliser la représentation comme une "particule" qui relie le sujet individuel au domaine collectif.
Mais le foisonnement conceptuel et modélique, évoqué plus haut, n'est pas une débauche quelle que soit l'acception que l'on donne à ce mot. Au contraire, c'est, nous semble-t-il, la condition pour livrer au lecteur ce qui est au coeur de cet ouvrage : la place donnée aux représentations dans les domaines appréhendés comme co-émergence éléments/forme.
Pour illustrer cela, rappelons la position dialectique prise dans la théorie de l'institution où le moment de l'universel (position d'une règle) interagit avec un moment particulier (une liberté particulière subjective) pour produire, par articulation, un moment singulier qui émerge de façon variée (spectre de réponses concrètes). Sallaberry montre que la situation des représentations, comme d'autres situations, peut se lire de façon analogue puisque "l'élaboration de nouvelles représentations, au niveau collectif comme au niveau individuel, ne s'opère que par référence aux représentations déjà instituées" et que "le moment où une conception globale (...) se dégage au niveau collectif peut se concevoir comme une émergence" sachant que "la notion d'émergence est précisément le moment de la singularité, en tant que moment de l'unité négative - le moment où toutes les particularités reconstruisent une unité." (p.152-153).
Mais nous n'aurions rien dit de cet ouvrage si nous n'avions pas aussi rappelé combien Jean-Claude Sallaberry est sensible au statut épistémologique de son propos qu'il inscrit dans le paradigme des sciences de la complexité avec les postulats d'incomplétude, d'autonomie et de paradoxe qu'elles postulent. Nous n'en aurions pas dit davantage sinous ne revenions pas sur son insistance à se situer dans la perspective énactive varelienne qui éloigne l'idée de représentation du "paradigme cognitiviste fort" pour la rendre familière dans son rôle transitionnel.
Georges Lerbet
Fiche mise en ligne le 12/02/2003