Modélisation de la CompleXité
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"Modélisation de la CompleXité"

Association pour la Pensée Complexe
Association pour la Pensée Complexe
 

Note de lecture

Rédigée par Georges Lerbet sur l'ouvrage de VIOLET Dominique :
« Paradoxes, autonomie et réussites scolaires »
     Paris, L'Harmattan, 1996, 199 pages. (Collection "Cognition et Formation").

Les travaux effectués classiquement sur les différences de résultats scolaires obtenus par les élèves, sont souvent redevables aux sociologues ou aux spécialistes de la psychométrie. L'intérêt de l'ouvrage de Dominique Violet réside dans le fait qu'il rompt avec cette habitude. Et cette rupture s'opére de plusieurs points de vue.

  1. Au lieu de se pencher électivement sur les situations d'échec, D. Violet s'intéresse aux cas de réussites, parmi lesquels il va dégager des spécificités et méme une sorte de hiérarchie, comme nous le verrons plus loin.

  2. Pour aborder ces questions, l'auteur privilégie deux domaines : celui de la communication pédagogique et les paradoxes qu'elles contient et celui des processus cognitifs sur lesquels elle repose en partie ; le tout étant engagé dans l'esprit de la seconde cybernétique.

Ainsi, sommes-nous volontiers convaincus quand il nous est montré, aprés une solide analyse philosophique et logique du paradoxe de l'imitation, que la communication pédagogique repose, pour une bonne part, sur le paradoxe magistral implicite : "imite-moi/ne m'imite pas". Nous le sommes d'autant plus que, dans sa modélisation, Dominique Violet croise les réponses possibles à ces deux injonctions avec le recours aux processus cognitifs digitaux et analogiques et leurs pratiques expertes ou novices.

Dans de telles conditions théoriques, il devient facile à l'auteur de montrer que l'élève qui réussit très bien joue à la fois sur le registre des analogisations et digitalisations, pour prendre en compte le discours implicite du professeur dans sa perspective strictement paradoxale et donc pour ne pas se laisser coincer dans une sorte de double bind scolaire.

Mais la conviction n'est pas suffisante si la raison ne se trouve pas confortée par des données de terrain. En faisant un solide travail clinique à partir de cas exemplaires pris dans une population de collégiens qui lui est farnilière, Dominique Violet montre comment les élèves réussissent selon une sorte de hiérarchie qui prend en compte leur assomption plus ou moins forte du méta-niveau de rapport au savoir, liées aux stratégies didactiques du professeur.

Telle Mathilde, une imitatrice experte appliquée et "bonne élève" modèle. Elle fait ce qu'on lui dit de faire. Elle apprend ce qu'on lui demande d'apprendre, comprend le cours tout en le "métacadrant" et en intégrant proprement les algorithmes cognitifs qu'elle sait appliquer, transférer et moduler.

Tel aussi Gilles, un imitateur expert "négligé" qui fonctionne en "crack". I1 réussit en ne faisant pas grand chose à ce niveau de sa scolarité. Et s'il sait ses leçons, c'est en en ayant intégré le contenu et l'algorithme in situ scolaire. I1 sait aussi poser les limites de l'imitation magistrale en contestant les facons de faire du professeur quand celles-ci ne lui paraissent pas assez économiques. En bref, il réussit bien en classe, mais à sa façon : en appliquant à plein et sciemment, la distinction entre imiter et copier.

En revanche, tel n'est pas le cas de Carole dont l'imitation novice la fait ressembler à une "fausse bonne élève" qui est maintenant "à bout de souffle". Une élève sans recul, en quelque sorte, qui a trés bien marché tant qu'elle a pu tenir la gageure d'apprendre "en extension", en faisant tous les exercices identiques à ceux donnés à la suite du cours. Mais Carole ne voit pas les biais. Elle n'est pas fille de Métis. Elle ignore les astuces, cette "oblicité" qui, selon Dominique Violet, caractérise une pédagogie féconde et fécondante, dans la mesure où elle fait oeuvrer l'élève en lui permettant d'élargir le recours à ses propres significations, dans la voie de sa démarche personnelle, autonome et assumable comme telle.

On l'aura compris, l'ouvrage de Dominique Violet, qui est le premier ouvrage de cet auteur, est riche de promesses, d'autant qu'un autre sur la pédagogie de l'oblique est en bonne voie. En attendant sa sortie, le regard qui est jeté, ici, sur la réussite fournit de solides matériaux pour aider à méditer pédagogues, parents mais aussi tout lecteur qui se penche sur sa propre histoire d'élève et quiconque cherche à alimenter une pragmatique pédagogique dans l'esprit des Nouvelles Sciences de l'Education.

Georges Lerbet

Fiche mise en ligne le 12/02/2003


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