Modélisation de la CompleXité
Programme européen MCX
"Modélisation de la CompleXité"

Association pour la Pensée Complexe
Association pour la Pensée Complexe
 

Note de lecture

Rédigée par JLM sur l'ouvrage de SIGNORILE Patricia :
« Descartes »
     Ed. "Les essentiels de Milan", Ed. Milan, Toulouse, 1996. 63 pages.
Voir l'ouvrage dans la bibliothèque du RIC

Si cet "Essentiel" brossant un portrait de René Descartes, l'homme et l'oeuvre, en son temps et dans le nôtre, n'avait pas été rédigé par Patricia Signorile, une des meilleures spécialistes françaises de l'épistémologie valéryenne, sans doute n'y aurions-nous pas prêté attention. Il est tant de traités et de clichés consacrés à Descartes et au cartésianisme que l'on hésite à en ouvrir un de plus. Mais la culture de l'auteur et l'originalité pédagogique de la Collection "Les Essentiels" incitaient à un sursaut d'attention... Et je ne regrette pas l'exercice, d'autant plus qu'il est aisé : 65 petites pages remarquablement mises en page et illustrées, sont "dans les moyens" du plus activiste des citoyens (celui qui n'a jamais le temps de lire et qui le regrette !). C'est sans doute l'intelligence de cette composition en hypertexte, facilitant une lecture quasi simultanée sur plusieurs registres, qui m'a d'abord intéressée. La contrainte mutilante de la linéarité de l'écriture, qui trop souvent est imposée à la lecture, est ici remarquablement dépassée. Chaque page ressemble à une page des Cahiers de Léonard de Vinci, enchevêtrant judicieusement textes, encarts, schémas, dessins, références, citations, commentaires. Facile à décrire, le procédé est bien sûr difficile à mettre en oeuvre, demandant à l'auteur un va-et-vient cognitif très innovant : passer de l'écriture d'un texte à celle d'un hypertexte, est manifestement possible, mais le faire intelligemment en articulant discrètement et judicieusement les registres de lecture requiert un talent de composition polyphonique qui suscite l'admiration (je rêve d'une rédaction de "Chemin Faisant" qui saurait susciter cette "capacité à relier" qui définit "la pensée complexe").

Mais par-delà l'exploit de l'écriture de cet hypertexte (qui constitue un des modèles exemplaires, tant pour les auteurs d'ouvrages sur papier que pour ceux d'ouvrages sur C.D.), c'est aussi l'originalité du contenu qui m'a intéressé. En faisant de Descartes un mythe ("Le monde aime la France parce que dans la France, il reconnaît Descartes" déclarait Maurice Thorez en mai 1946 ! nous rappelle P. Signorile p. 58), nous avons sans doute tant simplifié sa pensée que nous l'avons mutilée, nous mutilant ainsi nous-mêmes !

P. Signorile parviendra, non pas à déboulonner la statue, mais à nous faire entendre cette pensée dans ses aspects multiples, en la désacralisant sans pourtant la trahir, et en reconnaissant la diversité et la pertinence des critiques qui depuis 1650 n'ont pas manqué : les dévots, voire les bigots intégristes qui défendaient le mythe Descartes avec un acharnement d'Ayatollah condamnaient à mort l'auteur des "Versets sataniques", imposaient par réaction de telles réflexions critiques... "pour l'honneur de l'esprit humain".

Un tel livre de poche renouvelle me semble-t-il le genre usé du manuel de bachotage en parvenant à ne pas "simplifier d'abord" un propos qui n'est pas a priori "divisable en autant de parcelles qu'il se pourrait"... Exercice pédagogique innovant de modélisation de la complexité. Espérons que l'éditeur saura convaincre P. Signorile de rédiger quelques autres hypertextes de ce type, pour notre plus vif bonheur de lecteurs pressés : P. Valéry, G. Bachelard, J. Piaget, bien d'autres penseurs assumant "l'idéal de complexité de la science contemporaine" sont a priori candidats !

JLM

Fiche mise en ligne le 12/02/2003


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