Modélisation de la CompleXité
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"Modélisation de la CompleXité"

Association pour la Pensée Complexe
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Note de lecture

Rédigée par Georges Lerbet sur l'ouvrage de SOKAL Alan et BRICMONT Jean :
« Impostures intellectuelles »
     Paris, Odile Jacob, 1997, 276 p.

Après son célèbre article-canular ("Social Text"), Sokal a trouvé un complice non pas pour récidiver mais plutôt pour polémiquer sans souci d'anachronisme, en sonnant la charge contre certains textes d'auteurs de sciences humaines qualifiés de "relativistes postmodernes".

Dans ce bref compte-rendu, je n'ai pas l'intention de forcer le trait de mon côté en rendant compte de cet ouvrage, mais plutôt de m'efforcer d'en parler avec la plus grande honnêté intellectuelle, dussé-je me montrer parfois critique, et, aussi, naïvement étonné.

Pour commencer cette note de lecture, je tiens à dire le plaisir que j'ai pris à lire cet ouvrage. Je l'ai d'emblée reçu comme un divertissement. J'ai aussi renforcé ce côté divertissant quand j'ai compris que je prenais au moins deux risques si je me fiais à son contenu. Le premier est qu'il faudrait peu de choses pour être en connivence avec ces auteurs et pour hurler avec leurs loups contre certains universitaires qui ne sont, hélas, pas tous vivants pour répondre à ce qui leur est reproché. Le second tenait à se laisser porter à croire dur comme fer à la réfutation sélective des écrits critiqués ; heureusement cette croyance (ou cette crédulité) s'estompait rapidement quand on s'apercevait que ce caractère sélectif rend précisément l'esquisse de réfutation opérée elle-même irréfutable.

D'où mon interrogation qui demeure entière : au delà du divertissement qu'est-ce que ce livre m'a-t-il apporté ? Certes, il contient un outillage savant qui permet des mises au point intéressantes dans les domaines scientifiques défendus. En revanche, il me laisse perplexe quand je me demande à quelle critique de certaines modélisations et concepts en philosophie et en sciences humaines on peut bien aboutir, en se bornant à montrer l'abus voire l'impertinence propres au transfert de ces concepts (scientifiques "durs" ou mathématiques) vers les dites sciences humaines.

Nous n'avons pas attendu Alan Sokal et Jean Bricmont pour savoir que les sciences humaines tirent leur fécondité tragique du fait que leur objet est aussi un sujet (pris au sens large) et qu'il est très difficile (et même probablement impossible) de faire émerger des objets consistants (entendons sans contradictions) précisément parce que leur valeur d'intelligence réside dans leur complexité et dans leur (auto-)construction inépuisables. Nous savons aussi que ces disciplines recourent électivement (mais non exclusivement) à des raisonnements analogiques plutôt que tautologiques et que le recours exclusif à ces derniers aboutit souvent à des naïvetés sans grande portée inventive ou pragmatique.

Georges Lerbet

Fiche mise en ligne le 12/02/2003


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