Dans la sociologie contemporaine l'oeuvre de Michel Maffesoli occupe une place singulière. Non pas qu'elle apparaisse ex nihilo dans le monde des sciences humaines en général et dans celui de sa discipline en particulier, mais sa singularité s'affirme d'emblée dans la méthodologie sur laquelle elle repose : celle de la clinique phénoménologique, cette démarche qui inclut ouvertement le raisonnement par abduction dans ses processus heuristiques. Avec cette ouverture cognitive, les domaines appréhendés touchent la vie quotidienne dans ce qu'elle peut avoir de non strictement catégorisable d'une part, et en ce qui concerne des aspects plus instituants qu'institués, d'autre part. Quand Michel Maffesoli porte électivement son attention sur la vie "tribale" des communautés humaines, sur le dyonisiaque toujours latent et parfois manifeste, il est sur un terrain où les liens de la Métis ont davantage de chances d'apparaître au phénoménologue que s'il se plaçait sur celui des institutions constituées où les acteurs sont pris dans des jeux de société qui mettent l'accent sur les ruptures internes de celle-ci et en font apparaître les structures formelles.

Que notre société privilégie ce second terrain n'interdit pas au premier de surgir aux yeux du chercheur attentif et interactif avec lui. Une telle attention fait prendre conscience du rôle joué par "la pulsion d'errance" fondatrice d'un nomadisme polymorphe, et elle accompagne celle-ci dans l'imaginaire sociétal de notre temps saisi au fil de situations exemplaires et parlantes au lecteur.

Il serait audacieux de vouloir détailler le fil d'une pensée dont l'élégance du style pour le traduire, nous guide dans le labyrinthe d'une méditation offerte à notre esprit pour en favoriser "une véritable conversion". Dans le cadre de cette note de lecture, je retiendrai seulement quelques points susceptibles d'exciter notre curiosité et de baliser notre chemin autant objectif qu'épistémologique.

A la base de ce balisage, il faut voir la place accordée par Maffesoli à "l'absence" et au "manque" dans la construction de la vie sociale sachant que "face à ce que l'on appelle la globalisation du monde, face à une société positive, lisse, sans aspérités (...) s'exprime la nécessité du "creux", de la perte, de la dépense, de tout ce qui ne se comptabilise pas et échappe au fantasme du chiffre" (p. 20-21).

Ainsi va le parcours par lequel M.M. construit son chemin pour le plus grand éveil de notre pensée. Un chemin sur lequel "mythos" et "logos" savent se réconcilier en allant vers la Paradoxie, carte autant que territoire habité par Hermès et où règne un humanisme tragique.

Georges Lerbet