Rédigée par FELINE A. sur l'ouvrage de MIERMONT : |
« Psychose et thérapie familiale » ESF Editeur. Paris, 1997. |
Voir l'ouvrage dans la bibliothèque du RIC |
Le Pr. André FÉLINE veut bien nous autoriser à reprendre ici la note de lecture qu'il a rédigée sur le dernier ouvrage de notre ami le Dr. J. MIERMONT, note que publieront "Les Annales Médico-Psychologiques". Nous l'en remercions très sincèrement ainsi que les Annales M.P.. Ainsi, symboliquement, se rencontrent une nouvelle fois deux cultures riches d'expériences séculaires, celle de la psychiatrie et celle de la modélisation systémique, rencontre qui donne sens aux projets du Programme MCX.
Dans son dernier ouvrage, Jacques MIERMONT rend compte de l'exceptionnelle expérience que lui donne sa formation : psychiatre, psychanalyste, thérapeute familial, il est titulaire depuis 4 ans d'une thèse d'université qu'il avait consacrée à l'étude des "Signes de l'autonomie dans la communication et la cognition".
Il est tout à fait intéressant de suivre et de rappeler les étapes majeures de la carrière de ce très jeune praticien-chercheur : en 1987, il publiait un ouvrage majeur, réalisé sous sa direction et elle en porte sa marque et qui est le "Dictionnaire des thérapies familiales", un document dont l'actualité ne se dément pas plus que le "Vocabulaire de la Psychanalyse" de LAPLANCHE et PONTALIS, le "Vocabulaire de la Psychologie" de H. PIERON ou le "Manuel Alphabétique de Psychiatrie" d'Antoine POROT dont les éditions successives ne modifient en rien la valeur initiale.
En 1993, Jacques MIERMONT publie "Ecologie des liens" et en 1995 "L'Homme autonome" qui s'appuient sur une expérience clinique d'année en année plus importante, laquelle génère des réflexions et des spéculations théoriques permettant d'en mieux rendre compte. Il s'agit pour l'auteur d'appréhender les relations entre différents systèmes de communication, de procédures cognitives et d'accession à l'autonomie. Tout spécialement l'intéressent le paradigme cybernétique, le fonctionnement des systèmes et les comportements intelligents qui ont actuellement à connaître et intégrer tous les apports de la psychologie neuro-développementale et psychodynamique, de l'éthologie, de la linguistique, de l'intelligence artificielle, de la philosophie, de la théorie des ensembles. La notion de multidimensionnalité, sur laquelle chacun s'accorde, n'exclut pas la recherche d'une sémiotique de la complexité dans l'articulation des systèmes biologiques, affectifs (conscients et inconscients), cognitifs et sociaux.
A partir du moment où cette base de données exceptionnelles est réunie par l'auteur, il devient à l'aise pour produire l'oeuvre de maturité que représente "Psychose et thérapie familiale". On pourrait discuter de la pertinence du titre de l'ouvrage qui paraît un peu étroit par rapport à la richesse de son contenu, mais l'essentiel n'est pas là.
Le projet de J. MIERMONT s'annonce dès son introduction : "Les perspectives ici développées reposent sur des principes écosystémiques, à la confluence des apports de la psychiatrie, de la psychanalyse, des modélisations cybernétiques-systémiques, de l'étho-anthropologie". A partir de tous ces principes dont la connaissance et le repérage de leur place précise et articulée sont parfaitement maîtrisés par l'auteur, s'expriment à la fois des éléments d'observations individuelles, familiales ou institutionnelles et l'élaboration théorique qui peut en être faite.
Ce livre offre de multiples "attaques" de lecture possible. Pour qui n'est pas spécialiste en approche systémique familiale mais qui en a reconnu la pertinence et l'intérêt, il me paraît que ce sont d'abord les éléments d'observation de séances d'entretiens et/ou de thérapies familiales qui retiendront le lecteur ; à partir d'eux se dégage et se formalise une sémiologie des communications familiales d'autant mieux comprise que sera pris en compte le fonctionnement de l'institution (si le malade est hospitalisé) qui se trouve lui-même souvent en opposition de phase avec la famille biologique du patient désigné. J. MIERMONT fait au mieux la place de chacun des intervenants collaborant à la "composition thérapeutique". "Du côté des thérapeutes, il n'est pas vrai, (écrit-il), sur le terrain clinique, que l'on puisse totalement échapper à un fonctionnement entre systèmes opposés ; la démarche psychanalytique et l'approche cybernétique ont chacune à leur disposition un ensemble impressionnant de théories conceptuelles et de pratiques cliniques qui sont censées, pour chacune, parcourir l'intégralité du champ de la pathologie mentale, de la névrose à la psychose, en passant par les troubles psychosomatiques et les états-limites, sans oublier les pervers". La multiplicité des situations cliniques observables (en particulier auprès des schizophrènes et de leur famille) impose que soit connu et admis un grand nombre de modèles susceptibles de contribuer à la compréhension de la maladie mentale et des systèmes relationnels qu'elle produit ou entretient. Au praticien, au spécialiste à choisir le champ de son intérêt, de son expérience, de sa pratique dans le respect du territoire des autres.
Le livre de Jacques MIERMONT, actuel Président de la Société
Française de Thérapie Familiale, est tout entier de
"complexité et de simplicité". (C'est d'ailleurs le titre qu'il
donne à un des chapitres du livre). Sa lecture, qui peut ne pas être
linéaire, est passionnante et doit être recommandée à
qui s'intéresse à la psychiatrie en exercice, en mouvement
et en recherche.
A. FELINE
Fiche mise en ligne le 12/02/2003