Rédigée par Pierre Millerat sur l'ouvrage de ERMINE : |
« Les systèmes de connaissances » Editions Hermès, Paris 1996, 160 pages. |
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"Quelle différence y a-t-il entre connaissance et information ?" C'est par cette question "naïve mais profonde" (d'après l'auteur lui-même), que Jean-Louis Ermine aborde le délicat problème contemporain de la gestion des connaissances : comment réussir à modéliser puis reformuler les connaissances accumulées par une entreprise ou par un projet. Pour cela il reprend le difficile passage de l'information formulée à la connaissance en s'appuyant sur la définition d'un système (au sens de la théorie du système général de J.L. Le Moigne). Ce fondement théorique, loin de servir de carcan intellectuel à sa démonstration, lui permet d'éclairer petit à petit la notion connaissance en s'appuyant tout au long du livre sur un exemple concret et simple : la modélisation des connaissances liées aux feux de circulation.
J.-L. Ermine réussit le difficile pari d'exhiber aux yeux du lecteur une façon de modéliser la signification implicite et/ou tacite d'un message reçu. Cette signification est liée à la compréhension (au sens de conception d'un modèle de pensée exprimable) de connaissances traduisant un contexte culturel, social, économique ou technologique tacitement admis lors de l'interprétation d'une information.
La simplicité de l'exemple qui guide le lecteur tout au long du texte limite parfois l'explication de concepts abstraits ; toute la finesse des concepts du constructivisme n'apparaît pas forcément au lecteur, (ce n'est du reste pas l'objet de ce livre).
Cet ouvrage possède les vertus pédagogiques nécessaires à un lecteur (non féru d'ontologie, de phénoménologie, de sémantique et d'autres barbarismes inconnus du commun des mortels), pour construire pas à pas le difficile chemin de la compréhension de la connaissance. A minima, il retiendra qu'il existe un ensemble de concepts liés à l'information et non réductibles à cette dernière et que l'on appelle connaissance.
S'appuyant sur la description ontologique de la connaissance dans la première partie du livre, Jean-Louis Ermine en appréhende l'aspect phénoménologique dans la seconde partie avec un regard neuf ou plutôt différent du regard que l'Intelligence artificielle avait développé dans les années 1980. En effet, la compréhension des champs sémantiques de l'information et de la connaissance permet de ne pas réduire le second au premier. Elle permet de ne pas réduire la signification d'une connaissance aux symboles créés lors d'une programmation informatique, de supposer qu'une capitalisation informatique de connaissances est liée au contexte dans lequel la forme symbolique de la connaissance est manipulée et enfin de comprendre qu'il est actuellement difficilement concevable de modéliser une connaissance, quelle qu'elle soit, de façon exhaustive.
S'il fallait faire un reproche à cet ouvrage, que bien des consultants en capitalisation des connaissances devraient lire, on pourrait regretter le peu de place accordé à la téléologie ou à l'auto-référence des systèmes pour lesquels la modélisation de la connaissance est un des éléments fondamentaux (le paragraphe 3.5.2. résume ce qui pourrait être détaillé en 500 pages). Plus précisément, l'approche pédagogique retenue pour ce livre limite (à tort ou à raison) le lecteur à un rôle d'observateur d'un modèle, au sens classique du terme (c'est-à-dire qui ne modifie pas le sujet d'expérience). Ainsi, les principales difficultés de la modélisation des connaissances au sein d'un véritable projet n'apparaissent pas. A quand un prochain livre qui compléterait cette vision didactique de la modélisation des connaissances d'une vision pragmatique de la réalisation d'un projet en gestion des connaissances ?
Pierre Millerat
Fiche mise en ligne le 12/02/2003