Rédigée par JLM sur l'ouvrage de LANI-BAYLE Martine : |
« L'histoire de vie généalogique, d'dipe à Hermès » Ed. L'Harmattan, Paris, 1997. 167 p. |
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On ne peut séparer ce livre, méditant sur la formation complexe du "relief" généalogique dans la construction que chaque être se propose de son propre parcours, de son jumeau, l'autre face de la même pièce, celle qui "montre ce que l'on peut faire" alors que la première dit "pourquoi et comment on pourrait faire" : publié en parallèle chez le même éditeur "De femme à femme à travers les générations. Histoire de vie de Caroline Lebon-Bayle 1824-1904".
Le jumeau, celui qui montre, se lit sans doute plus aisément, puisqu'il raconte une histoire aussi intrigante que familière (si P. Bayle, alors le patron du Capitaine Dreyfus à l'Etat Major, avait pu parler le 20 novembre 1895, avant d'être... "accidenté mortellement"..., l'histoire de France n'aurait-elle pas été changée ? Il savait !), par la médiation de Caroline, sa mère, elle-même fille du fondateur de la Compagnie du Gaz Lebon qui industrialisa le gaz d'éclairage à partir de 1848 !
Mais le projet de M. Lani Bayle n'était pas seulement de raconter cette histoire ni de révéler, un siècle après, quelques vieux secrets de famille. Il était de se demander pourquoi et comment elle pouvait (et chacun de nous peut...) avoir envie ou besoin de se transformer en se reliant aux temps et aux gens qui peuvent l'aider (nous aider) à donner sens aux événements qu'elle vit (que nous vivons), en narrant ces histoires : ainsi, comme l'ombre portée par la pyramide sur le sol, la vie prend relief, se complexifie, se densifie. "A la lumière de l'ombre" (p. 31) se révèle un savoir obscur. Léonard de Vinci disait combien l'ombre est nécessaire pour révéler la beauté d'un visage ; obsédé de clarté cartésienne, n'allions-nous pas oublier que le clair-obscur, le "sfumato", est le mode privilégié de la représentation (le "disegno") intelligente, celle qui engendre le sens ? Si "chaque grain de matière est déjà un morceau d'histoire", pourrons-nous comprendre nos propres parcours sans nous interroger aussi sur les histoires qui le tissent, non pas pour nous y réfugier, mais pour lui donner quelque nouveau relief ? (M. Lani-Bayle écrit très justement : "penser en relief" (p. 37).
L'exercice n'est pas toujours aisé, et les "histoires de vie"
risquent de s'enfermer dans un nombrilisme stérile, si l'on oublie
que le reploiement des racines de l'arbre sous son tronc appellent le
déploiement des branches dans sa frondaison. L'histoire est un
révélateur de possibles... ou "elle n'est rien du tout"
!
En s'exerçant, sans s'embarrasser de contraintes académiques, bien qu'en mobilisant un riche appareil de lectures enchevêtrées, à de telles narrations sous une forme volontiers métaphorique, voire anecdotique, plus suggestive que déductive, M. Lani-Bayle nous propose une entreprise de modélisation de la complexité qu'elle appelle une "maïeutique de l'insu" (p. 13) : exercice qui mérite d'autant plus d'être pratiqué qu'il est vite familier à qui veut "penser différemment pour que surgisse le relief et se développe le sens" (p. 137).
JLM.
Fiche mise en ligne le 12/02/2003