Les droits de l'Homme et le respect de la dignité humaine qu'ils
symbolisent pour chaque citoyen de la Terre-Patrie, et l'Ethique Economique,
qui ne remet pas en question les fins de l'économie, mais seulement
certains de ses moyens (... aussi longtemps que "l'éthique
paye..." !), cette conjonction de la dignité individuelle et
de l'efficacité collective, est perçue comme si complexe ou
improbable qu'on la tient pour souvent utopique : on peut en rêver,
mais mieux vaut ne pas s'acharner à l'uvrer ! ... Nos
découpages disciplinaires ici font bien les choses : il ne s'agit
pas des mêmes enseignements : les philosophes ou quelques juristes
ici, les économistes et les administrateurs là, n'ont guère
l'occasion de s'entretenir...
"et c'est très bien comme ça"
! ... Pourtant le citoyen s'interroge et cherche à comprendre, d'autant
plus que parfois, des actions qui
"conjoignent l'intelligence de la
dignité individuelle et de l'effectivité de l'action
collective" peuvent s'imaginer et s'expérimenter. A quoi servirait
une recherche scientifique qui ignorerait ces possibles, sous le seul
prétexte qu'ils sont inter- et trans-disciplinaires ? Ce sont sans
doute ces questions qui ont conduit quelques universitaires suisses, constituant
"l'Institut interdisciplinaire d'éthique et des droits de l'Homme"
de l'Université de Fribourg, à développer une ambitieuse
réflexion sur
"la responsabilité commune" du politique
et de l'économique dans la gestion de la cité. Ce ne sont pas
seulement les droits de l'
homo conomicus qui sont ici en jeu,
ce sont aussi les innombrables aspects économiques des "autres" droits
de l'homme (santé, sécurité, logement, etc.). Exercice
archétype de modélisation de la complexité, d'autant
plus difficile à pratiquer que bien des experts sollicités
défendent jalousement leur territoire avec de fort bonnes raisons.
Sans se décourager pourtant, ces collègues animent et relancent
de nouvelles propositions, s'attachant à "inclure le tiers" dans nos
cultures et nos pratiques.
Ce volume rend compte d'un colloque qu'ils ont conduit en 1997 et qui aboutira
à une "charte des responsabilités communes dans l'éthique
économique". Comme tous les actes de ce type, les études
sont d'un inégal intérêt, souvent plus
révélatrices d'un état des mentalités que d'un
projet mobilisateur. Mais quelques orientations originales et stimulantes
se dégagent, grâce aux interventions de P. Meyer-Bisch et de
ses collègues. C'est plus par son existence et par la dynamique
interdisciplinaire dont il témoigne que par ses "résultats"
que cet ouvrage concerne aujourd'hui nos exercices de modélisation
de la complexité. C'est pour cela qu'il mérite notre attention,
par delà les appartenances disciplinaires de chacun.
J.-L. Le Moigne.