Rédigée par il le mérite. sur l'ouvrage de MOESSINGER Pierre : |
« Les fondements de l'organisation » PUF (SUP le Sociologue), Paris 1991, 236 p. |
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Rarement les présupposés épistémologiques d'un chercheur ont à ce point affecté l'intérêt des résultats de ses recherches. P. Moessinger (Université de Fribourg) propose ici une discussion fort bien conduite et documentée d'un des "objets de recherche" les plus complexes que l'on connaisse, l'organisation sociale ; un objet encore peu ou mal étudié, aussi surprenant que cela paraisse, que de nombreuses théories des sciences sociales tentent chacune "d'expliquer" en s'opposant, et par là, se neutralisant mutuellement. P. Moessinger réussit l'exploit d'une exploration "orientée" du domaine, en veillant à maintenir de son mieux la plus grande rigueur intellectuelle possible dans sa progression. Au terme de cet entreprise, il est contraint à formuler quelques fragiles hypothèses qui n'autorisent que de bien fragiles "explications"... lesquelles vont inévitablement l'inciter à quelques interprétations morales, voire moralisante, (Rousseau a tort... et on peut espérer qu'un jour les organisations seront moins contraignantes pour la liberté des individus !).
Si l'on s'intéresse aux raisons de ce demi-échec (demi parce que, à défaut d'être une meilleure "théorie explicative", la thèse de P. Moessinger a le mérite d'être un essai sur la représentation des interactions sociales fort stimulant pour l'esprit, on trouve peut-être l'option épistémologique initiale : au lieu de chercher la théorie explicative des organisations sociales, pourquoi ne s'est-il pas intéressé à leur représentation ? La ou les compréhension (s) de ce phénomène que l'on peut aujourd'hui se proposer pour aider l'action réfléchie. Hélas trop imprégné par "L'ontologie systémique" de son dernier Maître, l'épistémologue M. Bunge, il n'a pas vu les ressources que pouvait lui apporter la modélisation systémique ; il lui aurait certes fallu pour cela renoncer à un positivisme "de rigueur", et assumer un "constructivisme tranquillc", non moins rigoureux au demeurant. Quoiqu'il en écrive, il ne s'est guère "appuyé sur le paradigme systémique" et la critique qu'il fait d'une "théorie des systèmes" elle même bien hypothétique, ne resisterait pas à une discussion sérieuse, textes en main (P. 94 - 96). Cette faute d'inattention, d'autant plus curieuse qu'il se réclame de J. Piaget autant que M. Bunge, le prive et nous prive d'une synthèse "constructive" qui nous révèlerait quelques intelligibilité féconde de la complexité de l'organisation. Par quel involontaire académisme, les sociologues contemporains, continuent-ils à faire comme si E. Morin n'avait pas restauré, pour eux d'abord, le paradigme de l'Eco-Auto-Ré-Organisation ? Renvoyons-les à sa "Sociologie" (Ed. Fayard, 1984, pp. 73 - 94) au chapitre intitulé : "la société ; un système auto-éco-réorganisateur". Et interrogeons-nous avec eux sur les méfaits de la doctrine trop impérialiste de "L'individualisme méthodologique" lors qu'il faudrait développer un "interactionisme méthodologique" puis demandons-leur de reprendre pour nous cet essai sur "les fondements de l'organisation" : il le mérite.
Fiche mise en ligne le 12/02/2003