Rédigée par JLM sur l'ouvrage de Cahiers de la fondation Archives, Jean Piaget n°11 : |
« Psychologie génétique et Sciences cognitives » Ed. Fondation Archives Jean Piaget, Genève 1991 - 215 p |
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"Supposons qu'un esprit curieux ait lu le volume 22 des Etudes d'Epistémologies génétiques (publié en 1968 sous le titre "Cybernétique et épistémologie" par G. Cellicrier S. Papert et G.Voyat avec une brève introduction de Jean Piaget qui évoque la "construction des modèles d'lntelligence Artificielle comme étant d'un intérét central pour l'épistémologie génétique" parenthèse de JLM). Il s'attendrait conclut J.J. Ducret à voir se répandre rapidement des travaux poursuivant l'effort esquissé en 1968 d'une synthèse entre le constructivisme et une I.A cybernétique... Et bien cet effort impressionnant de synthèse des disciplines... a tourné court par la suite - pourquoi ?". A cette question qui implicitement va servir de fil directeur à cet ouvrage attendu des "disciples piagetiens de stricte observance" J.J. Ducret va proposer une réponse que je crois très contestable et que je crains stérile. Au prix d'un curieux contresens sur le projet de l'I.A. et des sciences de la cognition commis par J. Piaget "intoxiqué" (entre 1960 et 1965) me semble-t-il par une conception au demeurant fort positiviste de la cybernétique et de l'I.A. qu'argumentait auprès de lui S. Papert le Centre d'Epistémologie Génétique de Genève va en effet ignorer (le mot n'est pas trop fort) l'essentiel du paradigme (de la computation symbolique développé par H.A. Simon depuis 1956 ; paradigme sur lequel pourra se construire une épistémologie empirique fondant les sciences de la cognition telle qu'elles peuvent s'épanouir aujourd'hui. Epistémologie solidement constructiviste me suis-je efforcé de montrer dans un article "Sur les fondements épistémologiques de la science de la cognition". Je présume que ce contresens d'une I.A. "non cybernétique parce que essentiellement divisible" a été forgé pour les besoins de la cause car je ne vois aucun texte de H.A. Simon qui la suggère fut-ce indirectement. Ce contre sens qui semble cautionner une"explication" a pour conséquence bien regrettable le fait que J.J. Ducret ne cherche plus à répondre à l'excellente question qu'en effet il posait en commençant son article (intitulé "Constructivisme génétique cybernétique et Intelligence artificielle"). Pourquoi une si longue sclérose à Genève (de 1968 à 1990 donc) alors que dans le reste du monde l'I.A. se développait dans l'épanouissement contemporain des sciences de la cognition ? J'avais cru que le centre de Genève allait "rattraper son retard" en 1981 lorsqu'il invita H.A. Simon et M.Boden (Cahiers N°2 - 3 Genève 1982) puis en 1985 lorsqu'il publia un bel article de M.Boden : "La psychologie computationnelle est-elle constructiviste ? (cahier N°6 consacré au "constructivisme aujourd'hui" Genève 1985). La lecture de ce numero 11 (Genève 1991) me fait craindre un retour frileux sur les thèses de l'apprentissage "pappertienne" prenant argument des développements (fort positiviste d'inspiration au demeurant) des modèles néo-connexionistes héritiers du Perceptron qui en effet fascina curieusemcnt Jean Piaget. Quelques textes hélas très courts de B. Inhelder et de F. Varela (privilégiant l'un et l'autre le "sujet pragmatique" sur le "sujet épistémique" ou plutôt les conjoignant délibérément : la connaissance est "en action" dit F. Varela) retiendront bien sûr l'attention comme peut-être celui de M. Boden sur la créativité (bien qu'elle semble ignorer l'apport décisif de H.A. Simon et P. Langley dans "Scientific discovery computational exploration of the creutive processes" 1987).
Les voies de recherche qu'annonce B. Inhelder (sur les "stratégies cognitives supposant un choix délibéré entre heuristique" et donc si je comprends bien sur l'abduction) semblent au deumeurant prometteuses : elle annonce un travail collectif à paraître chez Delachaux Niestlé intitulé "Microgenèses cognitives" qu'il ne faudra pas manquer : le centre cle Genève va peut-être reconquérir sur les fronts de la pragmatique les terrains qu'il abandonne sur les fronts de l'épistémologie. Il nous a donné le constructivisme moderne et l'épistémologie génétique : cela ne suffit-il pas à sa gloire éternelle ?
Fiche mise en ligne le 12/02/2003