Rédigée par Roux-Rouquié Magali sur l'ouvrage de ATLAN Henri : |
« La fin du tout génétique » Ed. INRA, Paris, 1999 |
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La Génétique s'intéresse aux caractères transmissibles inscrits dans la séquence des gènes. L'Epigénétique, pour sa part, traite de processus biologiques qui tirent leur diversité non pas de variations dans la séquence des gènes, mais de variations dans leur organisation aussi bien d'un point de vue topologique, que spatial et/ou temporel. Ce sont des phénomènes épigénétiques qui interviennent notamment dans l'activation et l'extinction du fonctionnement des gènes pendant le développement, la ségrégation de cette activité au cours de la division cellulaire, la transmission stable de patrons d'activité au cours de la différenciation. L'impact de phénomènes épigénétiques a été mis en évidence dans des domaines aussi divers que la thérapie génique, le clonage et les technologies de transgénèses chez les plantes et les animaux, de nombreux aspects de la biologie des cancers, l'étude de la latence virale, l'activité des éléments mobiles, l'imprinting, le développement d'anomalies chez les plantes et les animaux, etc.
Dans "La Fin du Tout Génétique", H. Atlan met en perspective les contributions récentes de la Génétique et de l'Epigénétique pour réexaminer la métaphore de "programme génétique" et ses conséquences tant épistémiques que sociétales. En mobilisant la rhétorique informatique, H. Atlan dissèque les notions de "programme" et de "données" pour aboutir au constat que génome et gènes constituent un réservoir de données dont l'exploitation est assurée par un exécutif épigénétique. Selon H. Atlan, "les processus génétiques ne sont pas dans les gènes mais dans l'ensemble des systèmes dynamiques qui constituent les réseaux biochimiques". Cette réflexion amène l'auteur à reconsidérer le statut accordé aux gènes par les biologistes eux-mêmes ainsi que par le grand public.
En relevant que pour de nombreux scientifiques la caractérisation des gènes doit rendre possible l'identification des causes structurales du développement, H. Atlan observe que la tendance générale des programmes de recherche porte au raffinement des modèles analytiques avec l'ambition d'une réduction intégrale au gène. L'auteur manifeste une réserve méthodologique au sujet du cadre même de telles analyses et invite à rechercher d'autres schèmes conceptuels pour articuler gènes et réactions épigénétiques. A cet égard, il propose de rechercher des métaphores alternatives comme celle d'auto-organisation et d'en tester le potentiel heuristique pour appréhender la complexité fonctionnelle des systèmes vivants en général et les phénomènes épigénétiques en particulier.
L'autre volet de la réflexion conduite par H. Atlan (au motif de savoir si la vie existe) vise la place centrale accordée aux gènes dans l'esprit du grand public : en tant que tels, les gènes sont soit divinisés et on attend tout de leur découverte ou diabolisés car "si tout est dans le programme génétique, alors il ne faut surtout pas y toucher". H. Atlan établit les dangers d'une référence banalisée par les scientifiques à la notion de patrimoine génétique. Là encore, ou il est sacré et il ne faut pas toucher à ce patrimoine ou, au contraire, il faut le faire fructifier ! L'auteur observe que les réactions passionnelles du grand public face aux OGM, au clonage, à la thérapie génique, sont moins la conséquence de l'utilisation de l'outil génétique qu'une mauvaise théorisation de la génétique moléculaire.
Magali Roux-Rouquié
Fiche mise en ligne le 12/02/2003