Modélisation de la CompleXité
Programme européen MCX
"Modélisation de la CompleXité"

Association pour la Pensée Complexe
Association pour la Pensée Complexe
 

Note de lecture

Rédigée par J.L. Le Moigne sur l'ouvrage de DE COOREBYTER Vincent (Edr) :
« Rhétoriques de la science »
     Ed. PUF. Paris. 1994. 254 p.

Depuis que la science dite moderne avait fait acte d'allégeance à la logique formelle, science et rhétorique étaient censées s'ignorer. Au point que les académies ne voulaient même plus considérer cette science pourtant "comme les autres" qu'est "la science de l'argumentation", ou rhétorique : "La science cherche la vérité là où la rhétorique la manipule". Discours bien hypocrite pour les observateurs de bonne foi que V. de Coorebyter a réunis autour de la question "Science et rhétorique : dualisme ou dilemme ?". Discours surtout bien sclérosant pour la science en général et pour chaque discipline en particulier. Que l'on relise Aristote (M. Vegetti) ou Descartes (F. Hallyn), que l'on questionne les épistémologies (V. de Coorebyter), que l'on débarrasse de leurs oripeaux scientistes les sciences de la cognition (P. Oléron), que l'on considère les histoires de la physique (G. Holton), de l'économie (D. Mc Closkey), de la biologie (F. Duchesneau), de la linguistique (V.C. Chevalier) ou même des mathématiques (J. et M. Dubucs),... partout on retrouve, permanente et instante, cette aptitude de la raison humaine à argumenter en reliant par topes et tropes; aptitude qui caractérise la rhétorique. Pourquoi dès lors la cacher, l'ignorer, et nous priver ainsi des ressources du raisonnement critique que rythme si bien "une pensée qui relie", ou plutôt peut-être disait P. Valéry "une pensée qui figure". Charles Roig a rappelé, dans son étude"Rhétorique et modélisation des interactions sociales" (Dossier MCX VII, 1994, p115), ce propos de P. Valéry inaugurant son cours au Collège de France en 1937. "C'est là le domaine des "figures" dont s'inquiétait l'antique "Rhétorique" et qui est aujourd'hui à peu près délaissé par l'enseignement. Cet abandon est regrettable..." (OE. Pléiade, T. I, p. 1440). Et il a repris récemment une réflexion sur la rhétorique dans le discours mathématique (c. le Dossier MCX X, 1995, qui prolonge en direction de "l'invention" celle que nous présentait ici J. et M. Dubucs, restreinte à l'étude de "ce jeu non-coopératif" qu'est la preuve en mathématique.

Un dossier convaincant qui présente quelques mérites incidents qu'il faut souligner : outre quelques propos de bon sens sur le laxisme de bien des discours (qu'il cite) s'affirmant "de sciences cognitives", un exposé en langue française de l'économiste et rhéteur américain D. Mc Closkey (qui irrite beaucoup nombre de ses confrères... sans doute par son bon sens aussi !), et un texte très intéressant de F. Duchesneau restaurant le statut de la téléologie dans les sciences biologiques (statut qu'on est tenté de généraliser à celui des autres sciences et en particulier aux sciences de l'ingénierie et aux sciences de la société). Autant de propos sans doute non conformistes, et par là même toniques, dont les sciences de la complexité font et feront volontiers leur miel.


J.L. Le Moigne

Fiche mise en ligne le 12/02/2003


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