Modélisation de la CompleXité
Programme européen MCX
"Modélisation de la CompleXité"

Association pour la Pensée Complexe
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Note de lecture

Rédigée par HERVIEU Bertrand sur l'ouvrage de VISSAC Bertrand, avec le concours de B Leclerc. :
« Les Vaches de la Républiques. Saisons et Raisons d'un Chercheur Citoyen. »
     INRA Editions, Paris 2002, ISBN 2 7380 0982 4, 505 pages

Ci après, le texte de la Préface de Bertrand Hervieu Président de l'INRA

Un demi-siècle de regard interrogatif sur les vaches dans notre société et d'implication dans les recherches sur cet animal, tel est, ni plus, ni moins, ce que nous livre ici Bertrand Vissac.

Entré à l'INRA dès sa sortie de l'Agro, en 1954, Bertrand Vissac a traversé au cours de sa vie professionnelle -au cœur de l'INRA- la seconde moitié du XXe siècle, allant des problématiques les plus instrumentales des années d'après-guerre aux questionnements les plus inquiets du début du XXIe siècle.

C'est une image assez saisissante mais très stimulante que donne Bertrand Vissac des logiques corporatistes, professionnelles, politiques…, en même temps que scientifiques et techniques, à l'œuvre dans le processus d'intensification -modernisation- rationalisation, dont la génétique bovine constitue l'un des piliers. En effet, le caractère cumulatif du progrès génétique, (ce qui est acquis est acquis) comme la durée nécessaire pour percevoir les premiers bénéfices d'un dispositif d'amélioration génétique, (15 ans minimum, en raison des caractéristiques biologiques de l'espèce bovine), rendent ces évolutions extrêmement lourdes.

Complexité, tel est le maître-mot de ce bilan, la science, le politique et l'agriculture se mêls entre ant pour fabriquer l'histoire. Tout concourt à favoriser des mécanismes pervers qui conduisent à l'amélioration sans frein du potentiel laitier des " grandes races ", au service d'un modèle dominant qui va écraser les autres, rabotant par là la diversité des cultures techniques, des races (biodiversité), des systèmes agraires, des paysages, des produits…

Pour Bertrand Vissac, les politiques publiques, en poursuivant un objectif -le développement de la production et de la productivité, en l'occurrence-, consacrent des oublis ou provoquent des effets non désirés. Est donc aussi proposée ici une réflexion autour de la loi sur l'élevage de 1966 et plus largement sur les relations entre le développement de la recherche, l'élaboration des politiques publiques et la mise en œuvre de celles-ci dans l'élevage ou plus précisément dans les élevages.

Bertrand Vissac s'interroge sur la convergence entre ce processus et celui qui a débouché sur l'Encéphalopathie Spongiforme Bovine (ESB), qu'il n'est pas loin de lire comme un négatif symbolique de l'inconséquence des hommes : les vaches seraient malades de la République, de sa science, de sa politique. Elles seraient victimes. De ce point de vue, son questionnement est d'une actualité brûlante !

Conséquence directe de ce constat de la complexité en termes de recherche : la revendication de " l'indiscipline " selon le très beau mot de Jean-Marie Legay . C'est bien la volonté de mettre à plat cette complexité, en empruntant quelques chemins de traverse, qui a conduit Bertrand Vissac à créer et à diriger pendant près de quinze ans le département Systèmes Agraires et Développement (SAD), dont les combats, la production conceptuelle et méthodologique, les conflits parfois avec d'autres secteurs disciplinaires de l'INRA, les ostracismes et les douleurs, sont aussi l'histoire de cette quête indisciplinée. D'un débat technocratique et positiviste, conduit et parfois confisqué par l'axe génético-politique, on est passé au débat ouvert sur l'ESB. Bertrand Vissac nous raconte sa version individuelle et intériorisée de cette évolution. Il veut mettre aujourd'hui les choses sur la table, s'expliquer, alerter, et s'apaiser aussi.

Son témoignage-confession est de ce point de vue exemplaire. Bertrand Vissac est un chercheur et un homme qui a dit non, qui a rompu et à qui aujourd'hui " tout le monde " donnerait raison. Un chercheur citoyen, qui expose ses combats, ses affres, ses doutes, le tout réinterprété, comme de juste…

Ce livre est aussi une grande histoire d'amour, une vie consacrée aux vaches, victimes sacrificielles à plusieurs reprises dans l'histoire des sociétés. Comme Bertrand Vissac l'écrit dans ses " remerciements ", il faut souhaiter que ce travail puisse aider la société à prendre conscience que l'élevage, qui a tant contribué à son histoire, peut jouer un rôle essentiel dans son avenir.

Bertrand Hervieu Président de l'INRA

Fiche mise en ligne le 12/02/2003


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