Rédigée par JLM sur l'ouvrage de DESCLES JeanPierre : |
« Langages applicatifs, langues naturelles et cognition » Ed. Hermès Paris 1990, 354 p. |
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Le titre ne dit peutétre pas l'objectif de ce remarquable ouvrage, s'il en évoque assez fidèlement le contenu. Il s'agit "d'une présentation des concepts de base du formalisme applicatif ... mis en oeuvre dans l'analyse des phénonèmes linguistiques" (p.13).
Autrement dit, que peuton dire aussi des formalismes (logiques) permettant d'effectuer (informatiquement et donc artificieusement) les raisonnements que les humains effectuent naturellement (et pas toujours sans artifices) par l'usagcs dcs langues naturelles ?
En pratiquc l. P. Descles passionncra vitc son lecteur pour les ressources ct lcs perspectives de "la logique des combinateurs" (H.B. Cury). Les "langages applicatifs", qui "s'enracinent sur l'opération fondamentale d'application d'un opérateur sur un opérande afin de produire dynamiquement un résultat" (p.15) vont en effet nous permettrc de "mieux appréhender conceptuellement des notions comme "opérateur", "processus", "concept", prédicat complexe "catégorisation", "construction", "abstraction", "substitution, "intégration", "intension", notions que la logique classique est incapable de capter adéquatement"
Car il saura très finement associer une présentation critique des nouveaux formalismes que le lambdacalcul et surtout les "combinateurs" apportent à la représentation des raisonnements et donc à la programmation, à une mise en perspective historique originale et fort bien documentée. Pour ma part, j'ai découvert et compris en le lisant l'itinéraire inhabituel qui partant de Frege et Peirce nous permet de contourner Russel et Whitehead comme les Bourbaki, en rencontrant Husserl, J. Ladrière, J. Piaget, L. Frey, J.B. Grize et Lesnievski. Cette nouvelle tentative de "montée vers la forme pure" (J. Ladrière 1973) n'est pas la seule tentative possible et elle ne s'intéresse sans doute que peu aux tentatives sans doute moins purement formelle, mais peutêtre plus pragmatiquement rusées des logiques du plausible ou de l'autoréférence, voire des logiques naturelles et des nouvelles rhéthoriques et dialectiques ; mais elle constitue aujourd'hui une alternative solide et enseignable aux trop impérialistes logiques des propositions et des prédicats. Dès lors qu'une alternative est légitime, d'autres deviendront admissibles. Et on ne peut manquer d'être tenté par les vertus heuristiques de la logique des combinateurs (dans la présentation critique qu'en donne J.P. Descles) lorsque l'on reprend par exemple la riche introduction à "la logique naturelle" que nous donnait il y a peu J.B. Grize dans "Logique et langage" (Ed. Ophrys, 1990).
Même s'il fait ici oeuvre de "nouveau logicien", le propos de J.P. Desclès est d'abord un propos de linguiste : comprendre le langage et entendre une langue, actes cognitifs à la fois absolument complexes et pratiquement intelligibles, l'enjeu aujourd'hui concerne à tant de titres nos réflexions sur la modélisation de la complexité !
Le livre de J.P. Desclès comprend en outre une longue et très originale "bibliographie commentée" d'une centaine de titres qui rendra bien des services à ses lecteurs francophones. Car dans les "terres nouvelles" de la déduction naturelle et de la représentation cognitive, les explorateurs qui ignorent les premières cartes dressées par les pionniers risquent de se décourager. On sera frappé, une nouvelle fois, par la transformation des bibliothèques de nos nouvelles sciences : le monolitisme disciplinaire en est définitivement exclus. Désormais nous savons "l'oeuvre ouverte" pour reprendre le titre du bel essai d'U. Eco !
Fiche mise en ligne le 12/02/2003