Modélisation de la CompleXité
Programme européen MCX
"Modélisation de la CompleXité"

Association pour la Pensée Complexe
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Note de lecture

Rédigée par JLM sur l'ouvrage de PASSERON Jean-Claude :
« Le raisonnement sociologique - L'espace non-poppérien du raisonnement naturel »
     Ed. Nathan - Paris 1991, 408 p.

Ce traité illustré d'épistémologie des sciences sociales à l'usage des chercheurs contemporains, soucieux "de bien conduire leur raison et de chercher la vérité dans leur science", ce traité est, par surcroît, l'oeuvre d'un écrivain. Le plaisir de lire une prose bien écrite est un plaisir si rare dans nos austères méditations sur l'intelligence de la complexité des sociétés qu'il perturbe le rituel du commentaire critique ! Mieux vaut, dès lors, le confesser d'emblée, pour inciter le lecteur à s'offrir lui aussi cette jouissance secrète.

Ce n'est pourtant que par son ouverture (pages 7 à 27) et par sa conclusion (les propositions récapitulatives (pages 357 à 395) que ce livre se veut renouvelant : le corps du texte, illustrations plutôt que Traité, reprend des articles publiés au fil des dix dernières années, par un sociologue scrupuleux, attentif aux conditions et aux modalités de production de la connaissance par les sciences de l'homme et de la société ; production qui l'incite à revenir encore sur les incertains fondements épistémologiques d'une discipline qui ne veut pas renier ses pères fondateurs, A. Comte et E. Durkheim en France ! Retour aux sources qui ne le conduit pas à interroger les épistémolgies sur leur terrain propre ; bien qu'il ne le précise pas, il reste dans la famille post-néopositiviste, et s'il ne veut pas se laisser découper par le couperet popperien de la "réfutabilité" (falsifiabilité), il sait fort bien montrer les bons usages de l'autre critère, celui de "l'exemplification". Le titre de son ouvrage l'annonce, c'est en s'inierrogeant sur le raisonnement "naturel" (et donc sociologique, en particulier) qu'il va proposer quelques jalons qui aideront le sociologue, l'historien, l'anthropologue ou l'économiste, à comprendre ce qu'il fait lorsqu'il interprète les résultats d'une analyse factorielle, ou lorsqu'il spécule en construisant des métaphores. Peut-être trouvera-t-on qu'il s'exerce trop modestement à ce jeu, et qu'en ne tirant pas parti du constructivisme méthodologique de G.B. Vico qui pourtant semble l'inspirer, il ne perçoive pas assez le caractère multidimensionnel des phénomènes sociaux ni l'infinie diversité des ruses de la raison ? Mais l'entreprise de restauration de "l'exemplification" dans le raisonnement scientifique à laquelle il se livre (les "propositions 331") demandait sans doute une "réserve silencieuse" sur les autres enjeux impliqués par la reconnaissance de la complexité du raisonnement sociologique". Pour les chercheurs et les doctorant en sciences sociales au fil des quinze prochaine années, je présume que "le raisonnement sociologique" de J.C. Passeron sera une référence aussi indispensable que la "Sociologie" d'E. Morin (Fayard 1984).

Fiche mise en ligne le 12/02/2003


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