Rédigée par JLM sur l'ouvrage de BOUVERESSE Jacques (Ed.) : |
« Philosophie de la logique et philosophie du langage » Vol. 1 (Lectures Philosophiques -4), Ed. Odile Jacob, Paris, 1991 - 286 p. |
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La communication avec les philosophes de profession n'est décidément guère aisée pour tous ceux qui, dans l'action et la réflexion, font profession de philosopher. En particulier avec ceux qui, découvrant la logique formelle et les spéculations multiples qu'autorisent les oeuvres de Frege, de Russell ou de Gödel, s'instituent en nouveaux magistères : à trop stigmatiser les tares de la philosophie francophone incapable d'admirer la philosophie analytique (et donc logique) anglo-saxonne, on ressemble trop vite à Jacques Monod annonçant le message Popperien de la vraie scientificité en 1973 (par sa célèbre préface à la traduction de la "Logique de la découverte scientifique", 1973) : On jette le bébé avec l'eau du bain, et on se rassure en parlant de "philosophie de l'esprit" au lieu de "métaphysique" .
Que le lecteur ne succombe surtout pas à la même tentation : sa lecture critique lui permettra de rentrer une riche moisson sur l'effort contemporain d'une ré-appropriation de l'esprit raisonnant son propre exercice, par le langage, ses significations, ses dénotations et ses annotations. La philosophie de la logique anglo-saxonne est si volubile, si conflictuelle, si variée qu'il est bon de disposer de quelques méta-points devue, eux-mêmes critiques, pour baliser nos propres raisonnements sur nos raisonnements.
Mais cette lecture révèle aussi quelques impressionnantes carences. Certes J. Piaget, L.Apostel, J.B. Grize, P. Greco, E. Morin et bien d'autres sont francophones. Mais est-ce une raison suffisante pour faire comme si leurs contributions à l'intelligence contemporaine de la cognition et de la communication pouvaient-être absolument ignorées ? L'invention rhétorique, la capacité de l'esprit à "chercher agilement" le tiers, qu'explorait si passionnément Aristote, l'inattention à la différence entre la néantisation (négation) et la contradiction, la puissance cognitive de conception par manipulation de symboles, la reconnaissance de la vertu du "faire" (ce qui peut se construire) l'emportent sur la vertu du "vrai" (ce qui est a-priori et identifiable), ... autant de thèmes que l'on voudrait voir aborder aussi, fut-ce de façon critique, par J. Bouveresse et les philosophes qu'il a rassemblés. Il annonce un deuxième volume : Peut-être en trouvera-t-il l'occasion ? En épargnant à son lecteur une arrogance qui suscite quelques effets pervers qu'il n'anticipait pas malgré sa maîtrise de la logique du langage ! (à moins que, par masochisme, il n'ait voulu la susciter ? ).
Fiche mise en ligne le 12/02/2003