Un recueil modeste et original, qui se présente comme le "petit frère" du "Colloque Popper de Cerisy la Salle" (publié en 1989 chez Aubier : K. Popper et la science aujourd'hui) : un groupe de philosophes strasbourgeois invitant quelques personnalités diverses pour tenter d'apprécier les "prolongements contemporains" du paradigme Poppérien. Comme ces actes sont publiés dix ans après le colloque qu'ils représentent, et que la bibliothèque poppérienne s'est considérablement enrichie pendant ces dix années, on ne s'attend bien sûr pas à une entreprise très novatrice. Mais la modestie conviviale du projet suscite peut-être la sympathie du lecteur ? Si, sur l'oeuvre de Popper on n'en apprend guère plus de ce que l'on développe à satiété, on en apprendra peut-être plus sur quelques arguments proposés par des chercheurs qu'on ne rencontre pas assez souvent dans les débats épistémologiques francophones : je pense par exemple aux textes de J. Ladrière ou de M. Mugur-Schachter. Le texte de conclusion d'A.M. Rieu ("Popper et le problème d'une épistémologie des sciences sociales") annonce le gros travail de J.C. Passeron sur "l'espace non popperien du raisonnementnaturel, le raisonnement sociologique" que l'on commente ailleurs.

Quelques regrets, toujours les mêmes semble-t-il, dès que l'on s'intéresse aux exégèses de K. Popper : l'absence d'index alors que ce dossier (établi sans contrainte de temps) est destiné à alimenter des recherches et des réflexions qui enchevêtrent tant de thèmes, de disciplines et de penseurs. (La critique vaut encore plus pour l'édition Aubier des actes du Colloque de Cerisy sur Popper) ; Inattention aux grandes inattentions de la pensée popperienne : H.A. Simon, J. Piaget, G. Bachelard, G. Canguilhem, E. Morin....et bien sur, corrélativement, inattention aux ressources cachées de la pensée popperienne au service de la pensée complexe. E. Morin a souvent souligné l'importance de la restauration du concept de "vérité biodégradable" proposée (sans la métaphore) par K. Popper. Les exégètes contemporains de Sir Karl ne semblent pas avoir encore pris la mesure de cette "révolution scientifique".